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Pourquoi nos voisins européens ne veulent pas d'une taxe sur les GAFA

La proposition de taxe ne visera que les groupes dont le chiffre d'affaires annuel mondial s'élève à plus de 750 millions d'euros et dont les revenus dans l'UE excèdent 50 millions d'euros.

La proposition de taxe ne visera que les groupes dont le chiffre d'affaires annuel mondial s'élève à plus de 750 millions d'euros et dont les revenus dans l'UE excèdent 50 millions d'euros. - STR-AFP

La proposition de taxer à 3% le chiffre d'affaires en Europe des géants du numérique rencontre la résistance de petits pays comme la Slovaquie, Malte et le Luxembourg. L'Allemagne affiche une prudente réserve et l'OCDE doute de cette initiative européenne. Explications.

La France a du mal à convaincre les pays de l'Union européenne du bien-fondé de sa proposition présentée fin mars 2018 visant à mieux taxer au niveau européen les géants du numérique (Amazon, Google, Apple, Facebook et consorts). Ceux-ci sont accusés de payer trop peu d’impôts sur les sociétés sur leurs activités réalisées en Europe, en profitant des disparités d’un système fiscal inadapté sur le Vieux continent.

Soutenue par la Commission européenne, la proposition prévoit dans un premier temps de taxer à 3% les revenus -et non les bénéfices comme le veut l'usage- générés par l'exploitation d'activités numériques en Europe.

Mais cette proposition est loin de rencontrer l'unanimité nécessaire pour toute réforme sur la fiscalité dans l'UE. Un front anti-taxe Gafa s'est même dessiné en Europe, lors d'une réunion ce week-end à Sofia des ministres européens des finances, venus pour débattre pour la première fois du sujet.

La taxation des géants du net, tels Facebook ou Amazon, "doit être discutée avec les Américains, car si l'UE fait ça de son côté, cette taxe sera très inefficace et mauvaise pour la compétitivité européenne", a averti le ministre des Finances luxembourgeois Pierre Gramegna. De son côté, le ministre slovaque des Finances, Peter Kazimir, s'est montré dubitatif sur la mesure de court terme: "Au niveau européen, je doute (qu'un accord) soit pour bientôt, parce que sur la fiscalité, il n'est pas facile de trouver un consensus." Enfin Malte s'est montrée, au mieux réservée: "nous sommes plutôt prudents. Nous ne sommes pas contre, mais nous voulons écouter (...) C'est assez compliqué", a commenté le représentant maltais Edward Scicluna.

Mais, si la position de ces petits pays de l'Union, accusés de tirer profit de leur fiscalité avantageuse vis-à-vis de ces entreprises américaines du numérique et craignant le risque de représailles américaines, était prévisible, l'Allemagne, qui soutenait à l'origine la proposition de taxe des GAFA, n'a pas non plus affiché un enthousiasme débordant.

La position réservée du ministre allemand des finances

Le ministre des Finances allemand Olaf Scholz, qui a pris ses fonctions le mois dernier, n’a pas pris position clairement sur le sujet. Olaf Scholz a simplement déclaré à la presse qu’il était nécessaire de traiter la “question morale” de la taxation des groupes numériques, sans préciser la façon de résoudre le problème. Selon Reuters, des responsables européens ont dit que Berlin craignait que plusieurs entreprises allemandes ne soient concernées par cette taxe et s’inquiétait d’éventuelles mesures de représailles susceptibles de pénaliser les exportations allemandes.

La position de la France et la Commission en faveur de ce projet de taxation est fragilisée par le fait que ces discussions ont lieu dans un contexte déjà tendu entre les États-Unis et l'UE au niveau commercial, bien que le commissaire européen à la Fiscalité, Pierre Moscovici, ait insisté samedi sur le fait qu'il ne s'agissait pas d'une "taxe contre les États-Unis". Le commissaire européen défend l'urgence d'une solution à l'échelle de l'UE en l'absence d'un consensus aisé à réunir rapidement à l'échelle internationale.

Pour l'OCDE, il est urgent d'attendre avant de taxer les Gafa

Pour l'OCDE, présente à la réunion, il est, au contraire, urgent d'attendre avant de taxer les Gafa. Le secrétaire général de l’OCDE (Organisation de coopération et développement économiques) Angel Gurria a déclaré que le travail en vue d’une réforme fiscale au niveau mondial, intégrant les États-Unis, le Japon, la Chine, avait déjà commencé et il a dit craindre l’adoption de mesures incompatibles avec une solution de long terme. Il a ajouté que l’OCDE, responsable de la coordination des politiques fiscales entre pays riches, était prête à accélérer ses travaux et pourrait avancer à l’an prochain, au lieu de 2020, l’adoption d’un plan sur la question.

De son côté, en dépit de ces résistances nombreuses et convergentes visant le projet européen de taxation des Gafa, le ministre français des Finances Bruno Le Maire espère que la solution de court terme sera adoptée par tous les pays de l'Union au plus tard début 2019. Rien n'est moins sûr...

Frédéric Bergé