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Pourquoi Luanda est la ville la plus chère du monde pour les expatriés

À Luanda, les expatriés ont tendance à vivre dans des camps sécurisés ou dans les quartiers chics qui jouxtent les gratte-ciel.

À Luanda, les expatriés ont tendance à vivre dans des camps sécurisés ou dans les quartiers chics qui jouxtent les gratte-ciel. - David Stanley - Flickr - CC

La capitale de l'Angola est, cette année encore, la ville la plus chère du monde au classement Mercer du coût de la vie pour les expatriés. Loin devant les métropoles asiatiques et américaines. Voici pourquoi.

En 2017, Luanda retrouve la première place du classement des villes les plus chères au monde pour les expatriés des multinationales, que publie chaque année le cabinet Mercer. L'année dernière, Hong-Kong l'avait brièvement dépassée. Mais une décennie, la capitale de l'Angola se maintient dans les premières places. Comment se fait-il que le coût de la vie dans cette ville d'Afrique, la seule du continent à figurer parmi les 10 premières, soit plus élevé qu'à Hong-Kong (2e), Tokyo (3e), Zurich (4e) ou encore Singapour (5e)?

Cette étonnante position tient à la méthodologie de Mercer pour établir ledit classement. Le cabinet étudie, pour chaque ville, un même panier composé de biens de consommation courante et de services. Mais pas n'importe lesquels. Il regarde les marques internationales qu'a tendance à consommer cette population.

Le riz Uncle Ben's et le magasin monopolistique

"Pour le riz, nous procédons à un relevé de prix du paquet de la marque Uncle Ben's, pas d'une marque locale", souligne Aude Besnaïnou, responsable de l'activité mobilité internationale chez Mercer France. L'idée: se concentrer sur ce que consomment réellement les expatriés. Donc le cabinet enquête auprès d'eux pour connaître leurs habitudes de consommation, savoir dans quels magasins ils font leurs courses.

Pour Luanda, "où ils sont susceptibles de vivre dans des camps sécurisés, nous ne relevons pas les prix du petit marché de village ou des échoppes de rue", explique l'analyste, mais plutôt ceux du magasin du camp. "Et là, la combinaison de ce monopole et des difficultés d'approvisionnement liées à des problèmes de sécurité font encore grimper la note", détaille Aude Besnaïnou. Des problèmes de sécurité à base d'agressions fréquentes, d'enlèvements contre rançon et d'incidents armés, selon le ministère des Affaires étrangères.

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- © diplomatie.gouv.fr

Résultat: l'épicerie, le tabac, les produits ménagers et d'hygiène de marques internationales, se vendent bien plus cher à Luanda qu'ailleurs. "Seuls les services à domicile comme la garde d'enfant et le ménage coûtent moins cher qu'à Paris" (62e au classement), ajoute la spécialiste.

Un 3 pièces trois fois plus cher à Luanda qu'à Paris

Autre facteur de cherté de la vie dans la ville angolaise: le prix du logement. Encore une fois, ces prix élevés ne concernent pas la population locale, mais bien des expatriés au mode de vie bien distinct. À Luanda, ces salariés de multinationales vivent souvent dans ces villages ultra-sécurisés appelés les "compound", ou dans les quartiers les plus gentrifiés. Ceux qui jouxtent les écoles internationales où vont leurs enfants et les sièges des grandes entreprises qui les emploient. Des logements pour lesquels l'offre est très restreinte, ce qui augmente encore mécaniquement la note.

Ainsi, dans l'étude Mercer, un deux-pièces parisien non-meublé qui respecte les standards d'un expatrié - par exemple à Neuilly, Saint-Germain en Laye, ou dans le 17e arrondissement de Paris, près des sièges des entreprises, rarement en rez-de-chaussée ou étage bas, dont l'immeuble compte une concierge et un ascenseur- est évalué à 2.600 euros par mois. À Luanda, la même prestation coûte 5.300 euros mensuels, selon Mercer. Ajoutez une troisième chambre, et le loyer passe à 3.600 dans la capitale française, contre presque le triple dans la capitale angolaise: 12.200 euros par mois.

Peu de chances, pour autant, que les grands groupes décident, au vu de ce classement, d'envoyer leurs salariés à Paris plutôt qu'à Luanda. Ces entreprises n'achètent pas ces données à Mercer pour décider de la destination où installer une équipe. Majoritairement, elles s'en servent seulement après avoir décidé du lieu de leur future implantation, afin de calculer le montant des primes et autres défraiements de leurs futurs expatriés. 

Méthodologie : le cabinet Mercer étudie le coût de la vie pour les expatriés de plus de 400 villes sur cinq continents en observant le prix de plus de 200 articles et services tels que le logement, les transports, la nourriture, l'habillement, les biens ménagers et les loisirs.

Nina Godart