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Salaires: les entreprises américaines mettent (enfin) la main à la poche

Certaines grosses entreprises américaines augmentent les salaires.

Certaines grosses entreprises américaines augmentent les salaires. - Bay Ismodo - AFP

Après Gap ou Wal-Mart, c'était au tour de McDonald's, cette semaine, d'annoncer une hausse des salaires. Un moyen pour les entreprises d'améliorer leur image.

Les salariés américains peuvent se réjouir. Après avoir longtemps fait la sourde oreille, de grandes entreprises américaines sortent leur portefeuille pour améliorer le sort de leurs employés mais aussi leur image, face à une pression croissante pour de meilleurs salaires.

La liste s'est allongée cette semaine d'un nom de choix. Gros pourvoyeur de petits boulots, la chaîne de fast-food McDonald's s'est engagée mercredi à relever le salaire horaire moyen de 90.000 de ses employés aux Etats-Unis d'ici fin 2016. Des mesures qui concernent uniquement les 1.500 restaurants gérés en propre par le groupe aux Etats-Unis.

D'autres l'ont précédée comme la chaîne d'habillement Gap et surtout le géant de la distribution Wal-Mart --le plus grand employeur aux Etats-Unis-- qui a accordé mi-février une augmentation à 500.000 de ses employés.

La vague a même atteint la Silicon Valley et notamment Microsoft qui a pris un autre angle d'attaque: le géant de l'informatique va exiger de ses sous-traitants qu'ils accordent deux semaines de congés payés à leurs salariés, dans un pays où aucun seuil légal n'est en vigueur.

Cette nouvelle fibre sociale n'a pas été passée sous silence. Ciblé par de nombreux mouvements de grève, McDonald's s'est offert une pleine page de publicité dans le New York Times pour promouvoir ce "premier pas" récompensant les salariés qui "travaillent si dur". Également dans le collimateur des syndicats pour ses pratiques sociales, Wal-Mart avait de son côté assuré offrir à ses salariés une "échelle que chacun peut utiliser" pour améliorer son sort.

Coup de pub?

Ce coup de pouce serait-il dès lors un simple coup de pub? L'AFL-CIO, un des principaux syndicats américains, balaie la question. "Ce n'est pas important de savoir si les entreprises font ça pour des bonnes raisons. L'essentiel est que cela récompense plusieurs mois de mobilisation", répond à l'AFP un de ses directeurs adjoints, Kelly Ross.

L'économie a retrouvé des couleurs aux Etats-Unis et les revendications salariales y rencontrent un écho croissant sur fond de débat sur la flambée des inégalités. Plus important encore, le taux de chômage a fondu et se rapproche du plein emploi, rendant moins justifiable la stagnation des bas salaires et offrant plus d'alternatives aux travailleurs.

"C'est d'abord un coup de relations publiques mais il y a un contexte macro-économique qui pousse à la hausse des bas salaires", assure à l'AFP Ioana Marinescu, experte en droit du travail à l'université de Chicago. "Le marché du travail devient plus compétitif et les entreprises doivent augmenter les salaires pour attirer les employés qu'elles désirent", ajoute Michael Strain, du centre de réflexion conservateur American Enterprise Institute.

Distorsion sur le marché du travail

Les blocages politiques à Washington placent par ailleurs les entreprises en première ligne. Depuis plusieurs années, l'administration Obama veut relever le salaire minimum fédéral, bloqué à 7,25 dollars de l'heure depuis 2009, mais se heurte à l'hostilité d'un Congrès dominé par l'opposition républicaine. La volonté de l'exécutif américain d'instaurer une loi garantissant un congé maternité minimum n'a pas plus de chances d'aboutir politiquement. "Le Congrès est manifestement en panne et ne sera à l'origine d'aucun changement relatif sur le marché du travail", affirme à l'AFP Jacob Kirkegaard, chercheur au Peterson Institute.

Les entreprises peuvent donc profiter de ce vide pour soigner leur image et, à plus long terme, leurs finances en réduisant les coûts liés au "turn-over" de salariés en quête d'une meilleure rémunération. "Si vous payez davantage vos salariés que la moyenne, vous attirez de meilleurs employés et vous avez un turn-over plus faible. Résultat: vous n'avez pas besoin de dépenser constamment pour former de nouvelles recrues", pointe Jacob Kirkegaard.

Certains experts s'inquiètent toutefois d'un risque de "distorsion" sur le marché du travail entre des petites entreprises aux marges financières limitées pour augmenter les salaires, et des grandes firmes qui peuvent s'appuyer sur des montagnes de trésorerie. "Le terrain de jeu n'est pas équitable", affirme Jacob Kierkegaard.

D. L. avec AFP