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Salaires : les Suisses disent non aux parachutes dorés

La Suisse veut interdire les parachutes dorés des grands patrons.

La Suisse veut interdire les parachutes dorés des grands patrons. - -

67.9% des électeurs suisses ont approuvé par votation dimanche, des mesures encadrant les rémunérations dites « abusives ». Ils entendent ainsi mettre fin aux parachutes dorés et donner un véto aux actionnaires sur les rémunérations des patrons.

C’est une mesure étonnante qui pourrait faire des émules en Europe. Les Suisses viennent d’approuver par votation une série de mesures visant à encadrer la rémunération des patrons. Ce texte porte deux mesures phares : l'interdiction des parachutes dorés et, en matière de rémunération, un droit de véto aux actionnaires contre le Conseil d'administration, trop souvent soupçonné de conflit d'intérêt. Il revient désormais au parlement fédéral de traduire ce projet en loi. Quelques autres pays, tels que les Etats-Unis et l'Allemagne, ont déjà adopté des systèmes dits de "say on pay" renforçant le pouvoir des actionnaires en la matière.

La France à la traîne

En France, on en est bien loin. La rémunération des grands patrons est encore très peu encadrée. Pour l'instant, la seule loi qui existe ne concerne que les entreprises publiques. Dans ces dernières (La Poste, la SNCF, etc…), le salaire du patron est limité à 450 000€ par an. Mais quelques couacs ont déjà été recensés : Henri Progio, patron d’EDF, aurait touché l'année dernière 140 000 € de trop. Dans le privé, il existe seulement un code de bonne conduite qui n’a aucune valeur juridique, mais limite les parachutes à 2 ans de salaires. C'est le Conseil d'administration qui décide de tout. Un Conseil dont les membres sont souvent d'autres grands patrons qui se protègent entre eux. Le Medef et les députés réfléchissent simplement à la possibilité, pour les actionnaires, de donner un avis consultatif.

« L’autorégulation, ça ne marche pas très bien »

Mais qu’en pensent les patrons français ? Seraient-ils favorables à une telle loi ? Charles Beigbeder, membre du conseil exécutif du Medef, se dit favorable à une telle mesure, mais souhaite que l’on conserve une part de rémunération variable. « On a essayé de les limiter par autorégulation, mais il faut reconnaître que ça ne marche pas très bien, assure le créateur d'entreprise. On retrouve encore aujourd’hui des rémunérations très élevées alors que l’entreprise ne va pas bien du tout. C’est aberrant. Pile je gagne et face tu perds : ça choque les collaborateurs et les actionnaires. Et ce n’est pas bon pour le capitalisme. Les golden parachutes seraient interdits ? Je suis assez pour, mais je suis favorable à une part de rémunération variable ».

« Aux actionnaires de décider de la rémunération des patrons »

Pour Geoffroy Roux de Bézieux, président de Virgin Mobile et candidat à la présidence du Medef, les actionnaires doivent décider de la rémunération du patron car l’entreprise leur appartient. « C’est donc à eux de décider la rémunération proposée pour le patron. Il y en a certains qui gagnent très bien leur vie et cela n’a jamais fait scandale. Pourquoi ? Car l’entreprise marche très bien, qu’elle distribue des dividendes à ses actionnaires, des primes aux salariés et qu’elle crée des emplois. Par contre quand c’est une entreprise en situation d’échec, dans certains cas, le conseil d’administration a pu manquer de discernement et de sagesse. Donner la parole aux actionnaires c’est peut-être remédier à ça ».

« Une grande majorité des patrons gagne moins de 4 000 euros »

Pour certains dirigeants, la décision des Suisses n’est pas obligatoirement une bonne nouvelle car les rémunérations excessives ne concernent qu’une minorité. « C’est un mauvais signal envoyé à l’ensemble des entreprises, estime quant à lui Thibault Lanxade candidat à la présidence du Medef. Je vous rappelle qu’une grande majorité des patrons gagne moins de 4000 euros. On est en train de créer un système pour une très faible minorité. Cette faible minorité a des éléments d’appréciation qui ne sont pas nationaux mais internationaux. Il faut donc faire attention au risque de perdre des talents, au risque d’avoir des entreprises qui ne répondent plus aux règles du marché. Je ne pense pas que cette mesure soit favorable ».

Tugdual de Dieuleveult avec M.Moulin