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La Sorbonne d'Abou Dhabi au coeur d'une affaire juteuse

François Fillon, alors Premier ministre, lors de l'inauguration de la Sorbonne d'Abu Dhabi, en 2011.

François Fillon, alors Premier ministre, lors de l'inauguration de la Sorbonne d'Abu Dhabi, en 2011. - -

L’intermédiaire français ayant facilité l’implantation d’une antenne de La Sorbonne à Abou Dhabi réclame le paiement de ses honoraires. Sa plainte contre les Emirats arabes unis a été examinée, jeudi 21 novembre, par le TGI de Paris.

Une bien curieuse affaire que celle que le Tribunal de grande instance de Paris a examiné, jeudi 21 novembre. Après sept ans rythmés par des essais infructueux, Pascal Renouard de Vallières réclame le paiement de deux millions d’euros d’honoraires, plus deux autres environ de dommages et intérêts.

Le prix à payer, selon lui, pour sa prestation au service du royaume d’Abou Dhabi, et son rôle clé dans l’implantation d’une antenne de la Sorbonne au Moyen Orient. 

Un budget de 800 millions de dollars

Tout commence en 2004, lorsque l’idée germe dans la tête de ce consultant en relations internationales, vivant entre Paris et Le Caire. Après avoir sondé Jean-Robert Pitte, à l’époque président de la prestigieuse université Paris IV, il soumet l’idée à l’ambassadeur des Emirats arabes unis à Paris. Quelques jours plus tard, il est missionné par les hauts dirigeants de ce pays du Golfe, pour faire aboutir le projet.

Pendant deux ans, Pascal Renouard de Vallières s’affaire auprès des représentants français et émiratis, jusqu’à trouver un terrain d’entente entre les deux parties.

En février 2006, il arrive à ses fins: Gilles de Robien, alors ministre de l’Education nationale, signe un accord fixant les modalités de réalisation et de fonctionnement de la Sorbonne d’Abou Dhabi. Elle sera inaugurée en 2011.

Le budget de 800 millions de dollars, auquel il convient d’ajouter 24 millions annuels de dépenses de fonctionnement, rend compte de l’ampleur du projet.

Une bonne affaire pour la Sorbonne

Si les dirigeants d’Abou Dhabi se sont montrés emballés par l’idée de posséder "leur" Sorbonne, c’est avant tout pour concurrencer le voisin Dubai, via la culture et l’éducation. Mais l’affaire se révèle tout de même lucrative. Pour une inscription en licence, il faut ainsi débourser entre 7.000 et 9.000 dollars. Comptez 15.000 dollars pour une inscription en masters. Sur 10 ans, la manne financière représente ainsi quelque 150 millions de dollars.

La Sorbonne, elle, récolte 15% de ces frais d’inscription, soit environ 1,5 million d’euros par an. Une bonne affaire pour l’université parisienne, dont la valeur est estimée à 1 milliard d’euros par l’agence du patrimoine immatériel de l’Etat (APIE).

"Je joue mon honneur"

Le projet a donc été mené à bien, et Pascal Renouard de Vallières n’y est pas étranger. Problème: en 2006, le consultant présente une facture d’honoraires de deux millions d’euros aux dirigeants du Golfe. Leur réponse est nette: "les Emirats arabes unis ne donnent pas de tribut".

Durant 20 ans, explique-t-il, Pascal Renouard de Vallières a collaboré avec les émirats, sans jamais avoir signé le moindre contrat. Et il a toujours été payé. Aujourd’hui, ce mode de fonctionnement se retourne contre lui. Tout l’enjeu du procès sera donc de prouver qu’il a été missionné pour négocier la création de la Sorbonne d’Abou Dhabi.

Car depuis, le consultant fait face aux réticences de ses clients, notamment au Moyen-Orient. "L'argent, c’est une chose. Mais lors de ce procès, je joue mon honneur", résume-t-il. Le verdict sera rendu le 19 décembre prochain.

Yann Duvert