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Torture: le "procès Ford" débute en Argentine

Le "procès Ford" devrait durer plusieurs mois.

Le "procès Ford" devrait durer plusieurs mois. - JUAN MABROMATA - AFP

Des ex-dirigeants du constructeur américain sont accusés d’avoir permis la séquestration et le supplice de plusieurs ouvriers durant la dictature militaire en Argentine.

Plus de 40 ans après les faits, d'anciens dirigeants de Ford sont jugés à partir de ce mardi pour avoir permis la séquestration et la torture de 24 ouvriers dans une usine de la marque américaine à Buenos Aires.

Selon les avocats de la partie civile, les victimes étaient arrêtées par les militaires en uniforme, à l'intérieur de l'usine de Pacheco, un faubourg situé au nord de la capitale argentine. Elles étaient torturées pendant douze heures, avant d'être expédiées vers des commissariats, puis des prisons.

Le numéro 2 de l'usine Ford, Pedro Müller, le chef de la sécurité de l'usine, Héctor Sibilla, ainsi que le patron du 4e Bataillon de l'armée, Santiago Riveros seront sur le banc des accusés. Deux autres accusés dans ce dossier, le patron de l'usine, Nicolás Courard et le directeur des ressources humaines, Guillermo Galarraga, étant morts, ils ne seront pas jugés.

Certains des 24 employés étaient délégués syndicaux, les autres étaient de simples ouvriers, mais aucun n'était membre d'un des mouvements de guérilla que le régime militaire combattait.

"Nous avons été emprisonnés sur ordre de l'entreprise"

Les ouvriers ont été arrêtés entre le 24 mars 1976, date du coup d'État militaire, et août de la même année. "J'étais en train de travailler, ils m'ont séquestré dans la section peinture. Ils m'ont fait tomber dans l'escalier, j'avais la mâchoire cassée, ils m'ont torturé de 11h à 23h, des coups, des décharges électriques", se souvient Carlos Propato, 69 ans, qui a travaillé chez Ford de 1970 à 1976.

"De là, poursuit le délégué syndical, ils m'ont conduit dans un commissariat, 40 jours de tortures presque quotidiennes, la faim, c'était dégueulasse. Puis à la prison de Devoto. J'ai perdu un oeil, (j'ai eu) une vertèbre fracturée". Au total, il a passé près de deux ans en prison, avant d'être relâché.

Le militaire est accusé de perquisition illégale, privation de liberté, menaces et mauvais traitements. Muller, 86 ans, et Sibilla, 91 ans, sont accusés de complicité, d'avoir apporté les moyens nécessaires pour commettre ces crimes.

"Les 24, nous avons été emprisonnés sur ordre de l'entreprise. Quarante ans après, c'est important que justice soit rendue. L'usine Ford de Pacheco a été un centre de détention et de torture. Et de Ford, nous n'avons rien reçu, pas un mot, pas un regret, rien de rien", assure Carlos Propato. En revanche, les familles des ouvriers disparus recevaient des lettres recommandées sommant les absents de se présenter à l'usine, puis une seconde leur notifiant leur licenciement, selon la partie civile.

"Punis pour leur action syndicale"

Cette dernière considère que les responsables de Ford ont joué un rôle-clé dans l'identification des travailleurs ayant une activité syndicale, pour avoir mis à disposition des installations de l'entreprise, transformées en salle de torture, et des véhicules pour transporter les prisonniers. 

"S'ils n'ont pas été supprimés, c'est qu'ils ne représentaient pas un danger, selon le critère des militaires. Ils ont été punis pour leur action syndicale", selon une source judiciaire proche du dossier.

Carlos Propato, lui, tient à ce que le procès ait lieu et que les accusés soient condamnés, "même s'ils sont vieux", "pour l'exemple, nous réclamons justice pour les nouvelles générations, pour que cela ne se reproduise plus".

Le "procès Ford" comme il est appelé en Argentine, devrait durer plusieurs mois. Il se tiendra devant le Tribunal fédéral de San Martin, une juridiction située à 20 km au nord de Buenos Aires.

Y.D. avec AFP