Traité transatlantique: "Les Européens doivent savoir ce qu'ils veulent et l'obtenir"
Après les nouvelles révélations faisant état d’un espionnage économique massif de la France par les Etats-Unis, Matthias Fekl, le secrétaire d’Etat au Commerce extérieur, appelle les Européens à réagir. Entretien.
Alors que Wikileaks a récemment révélé que la France avait été espionnée massivement, les négociations du traité transatlantique qui vise à mettre en place une vaste zone de libre-échange entre les Etats-Unis et l’UE sont au centre de toutes les attentions. Si ses opposants réclament, suite aux révélations d'espionnage, la suspension des discussions, Matthias Fekl, le secrétaire d’Etat au Commerce extérieur, appelle quant à lui à se montrer plus offensif.
Quels seront les effets des récentes révélations de Wikileaks sur les négociations en cours?
Il y a très clairement un mauvais climat et ces révélations ne contribuent pas à créer un rapport de confiance. Ces pratiques sont évidemment inacceptables entre amis et partenaires.
La France va-t-elle demander aux Européens de changer d’attitude vis-à-vis des Etats-Unis ?
Il faut maintenant aborder ces négociations de manière différente. Pendant longtemps, beaucoup ont pensé que le fait même de négocier était un honneur qui nous était fait, comme si c’était un don du ciel. Ce qui explique qu’il y ait eu un peu de précipitation au début. Désormais, nous devons reprendre les discussions de manière offensive, sans nous excuser d’exister. Il faut savoir ce qu’on veut et l’obtenir.
Beaucoup préconisent de taper du poing sur la table…
Ce genre d’effet d’esbroufe n’est pas productif. C’était la diplomatie de Nicolas Sarkozy, et l’on a bien vu que l’effet était nul. Ce n’est pas en jouant les gros bras que cela fera avancer les choses.
Les Etats-Unis nous ont toujours écoutés!
Une suspension des négociations est donc exclue?
Les gens qui proposent de rompre les relations diplomatiques ne sont pas sérieux. Les Etats-Unis nous ont toujours écoutés! Je crois au contraire que la France a eu une réaction extrêmement forte. De toute façon, il n’y aura pas d’accord sans un état d’esprit différent.
La possible instauration de tribunaux d’arbitrage privés suscite de nombreuses craintes. Quelle est la position de la France ?
Nous pensons qu’il faudrait mettre en place une Cour européenne permanente. Celle-ci s’occuperait du règlement des différends, avec une liste de juges choisis en fonction de critères déontologiques, et une interdiction de s’attaquer aux politiques publiques.
Quel accueil a reçu cette proposition?
Les Allemands y sont favorables, mais les premiers signaux émanant des Américains le sont moins.
Ces négociations ne souffrent-elles pas toujours d’un manque de transparence?
Nous avons mis en place un site spécial au quai d’Orsay, nous travaillons avec les syndicats, les ONG… J’accepte également la mise en place de tout groupe de travail pouvant permettre des progrès dans ce domaine. Mais il est clair qu’il est nécessaire que plus de documents soient accessibles.