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Travail détaché: Macron va-t-il convaincre ses partenaires européens?

Emmanuel Macron va tenter de ne pas opposer bloc de l'Ouest et bloc de l'Est

Emmanuel Macron va tenter de ne pas opposer bloc de l'Ouest et bloc de l'Est - Emmanuel Dunand - AFP

Le président de la République débute ce mercredi une mini-tournée en Autriche, Roumanie et Bulgarie pour plaider pour une réforme de la directive sur les travailleurs détachés. Un dossier sur lequel il va s'efforcer de réconcilier l'Est et l'Ouest de l'Europe.

Emmanuel Macron lance son offensive européenne pour s'attaquer au travail détaché, régi par une directive européenne de 1996. Le président de la République débute ce mercredi une mini-tournée qui va l'amener, jusqu'à vendredi, à se rendre successivement en Autriche, Roumanie et Bulgarie.

L'ex-ministre de l'économie a en effet promis durant la campagne présidentielle de s'attaquer aux dérives liées au détachement des travailleurs européens, alors que la France a accueilli 286.000 travailleurs détachés en 2015 (contre 111.000 en 2011).

Pour rappel, un travailleur détaché bénéficie d'un socle de droits minimaux du pays d'accueil (dont le Smic dans le cas de la France) mais les contributions sociales et patronales sont payées dans le pays d'origine où est localisé l'employeur. Une note du Trésor soulignait néanmoins qu'au-delà de ce principe, le flou juridique du statut de travailleur détaché donnait lieu à des abus et des fraudes créant du "dumping social". Par exemple, le salaire minimal du travailleur détaché est réduit des dépenses encourues en raison du détachement (frais de transports et hébergement).

Selon une étude de la Commission européenne, dans le transport routier, la rémunération des travailleurs détachés peut ainsi être inférieure à celle des travailleurs locaux de plus de 50%.

Macron n'a pas le droit à l'erreur

C'est donc pour réduire ces abus qu'Emmanuel Macron lance cette initiative. Et selon Jean-Luc Sauron, professeur de droit européen à Paris Dauphine, le président de la République joue gros. "Pendant la campagne présidentielle, Emmanuel Macron a été le champion de l'Europe comme protection, s'il se plante sur le dossier des travailleurs détachés, cela peut relancer la machine eurosceptique", juge-t-il sur BFM Business.

D'où l'importance pour Emmanuel Macron d'arriver à convaincre ses partenaires européens de réformer le statut du travailleur détaché. "Il en a les moyens. Les pays d'Europe centrale et orientale comme les autres pays européens vous écoutent si vous avez une réussite économique. Si la France redémarre, si elle a cette capacité de réforme les autres l'écouteront", juge Jean-Luc Sauron sur ce point.

Pour Nicolas Véron, du Bruegel Institute de Bruxelles, "il n'est pas impensable qu'il y ait des changements", parce qu'il existe "des controverses très vives" sur les dérives du travail détaché dans les pays scandinaves ou les Pays-Bas.

Ne pas opposer bloc de l'Est et de l'Ouest

Emmanuel Macron ne devrait donc pas avoir donc trop à trouver des alliés à l'Ouest. Le chancelier social-démocrate autrichien Christian Kern a d'ailleurs espéré que l'initiative du président français permette d'"avancer" pour "enfin" achever la révision de la directive, jugeant "extrêmement regrettable que ce sujet reste ouvert depuis un an".

Le chef de l'État veut néanmoins éviter d'opposer bloc de l'Est et bloc de l'Ouest. "Nous ne voulons pas qu'une séparation se recrée à l'intérieur de l'Union européenne entre plusieurs groupes de pays", affirme ainsi l'Élysée. Ce qui explique qu'outre les dirigeants roumains, bulgares et autrichiens, Emmanuel Macron s'entretiendra aussi avec les Premiers ministres tchèques et slovaques.

Il n'a en revanche pas de déplacement prévu en Hongrie et en Pologne, les deux États les plus mis en cause dans le système du travail détaché.

L'objectif de Paris est de parvenir à un accord sur le travail détaché lors du prochain conseil des ministres du Travail de l'Union européenne le 23 octobre, après le conseil européen des 19 et 20 octobre.

Julien Marion avec AFP