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Trichet: les prix qui n'augmentent pas sont un "vrai danger" pour l'Europe

Jean-Claude Trichet estime que la BCE ne peut pas tout régler à elle seule

Jean-Claude Trichet estime que la BCE ne peut pas tout régler à elle seule - BFM Business

L'ancien président de la Banque centrale européenne a livré son analyse à BFM Business, ce lundi 19 janvier, alors que l'institution va tenir jeudi prochain l'une des plus importantes réunions de sa jeune histoire.

La Banque centrale européenne (BCE) s'apprête à écrire une nouvelle grande ligne de son histoire. Jeudi 22 janvier, elle devrait ainsi franchir un nouveau pas dans son soutien à l'économie, en annonçant un programme de rachat de titres de dettes d'Etat sur le marché.

Pourquoi l'institution européenne irait aussi loin? Réponse de son ancien président, Jean-Claude Trichet, invité de BFM Business ce lundi 19 janvier: "Nous sommes dans une situation où il y a un vrai risque, pas encore avéré, de déstabilisation d'inflation à moyen et long terme". "Or la définition de la stabilité des prix, pour la BCE, est à moins de 2% mais proche de 2%".

Et, comme le souligne Jean-Claude Trichet, le niveau actuel de l'inflation est bien éloigné de ce chiffre. Les prix ont même baissé de 0,2% au mois de décembre dans la zone euro, selon les dernières estimations d'Eurostat.

"Un vrai risque, un vrai danger"

"Là nous avons un vrai risque, un vrai danger" qui fait "que la Banque centrale européenne est fondée à se dire 'qu'est-ce que je peux faire de plus'", insiste Jean-Claude Trichet. Ce dernier estime donc que la BCE doit agir pour faire remonter l'inflation.

Ce qui ne manque pas de sel quand on sait que l'une des phrases favorites du Français du temps où il était à la tête de l'institution européenne était ''l'inflation, c'est comme le dentifrice, une fois qu'elle est sortie de son tube, impossible de la faire rentrer dedans''.

Si la BCE est ainsi dans le droit de se demander ce qu'elle doit faire de plus, Jean-Claude Trichet juge néanmoins que "le marché sous-estime ce qu'elle a déjà fait". Il cite "la liquidité sans limite donnée aux banques commerciales" qui "est une sorte de police d'assurance", ou encore le plan anti-crise dévoilé par Mario Draghi en septembre 2012. "La BCE n'est pas restée les deux pieds dans le même sabot, elle a pris des décisions très importantes", conclut-il. Jean-Claude Trichet en veut pour preuve les taux d'intérêts à 10 ans payés par les Etats de la zone euro qui sont "très en dessous des taux américains". Ce qui, selon lui, montre que cette action "a remarquablement fonctionné".

Viser un "effet de ricochet"

"Néanmoins, il y a un problème supplémentaire", a-t-il ajouté. D'où la nécessité de prendre de nouvelles mesures. Jean-Claude Trichet explique que si la BCE décide, dès jeudi prochain, d'acheter des titres de dette des Etats-membres, "il n'y a pas grand-chose à gagner", sur les taux d'intérêts des dettes souveraines "déjà extrêmement bas". Tout l'intérêt de la manœuvre est donc "l'effet de ricochet". Autrement dit viser "l'ensemble des autres taux d'intérêt pour les entreprises pour l'économie réelle, c'est là que nous avons des marges qui demeurent trop importantes", a poursuivi Jean-Claude Trichet.

Mais si la BCE doit agir, elle ne peut pas pour autant tout régler. "Il n'y a pas que la BCE, il y a les Etats" et leurs "défauts structurels qui sont malheureusement répandus un peu partout en Europe". "De cela, il faut aussi être conscient: la BCE ne peut pas se substituer aux parlements et aux gouvernements, elle doit leur demander de faire leur propre travail", a conclu l'ancien président de l'institution européenne.

J.M.