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Trump taxe (encore plus) l'importation d'avions Bombardier

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- - Eric Piermont - AFP

Les importations américaines de CSeries du canadien Bombardier vont être frappés de droits anti-dumping de 80% de leur coût, en plus des droits compensatoires de 220% infligés par Washington la semaine dernière.

Les États-Unis ont pris vendredi la décision de frapper de droits antidumping les importations d'avions commerciaux CSeries du constructeur canadien Bombardier, une semaine après avoir pris des droits compensatoires sur ces mêmes appareils.

Le département du Commerce a suivi la requête du constructeur américain Boeing et a estimé que les appareils Cseries de 100 et 150 places bénéficiaient d'un avantage de 79,82%. Si la décision devait être confirmée le 19 décembre par le département du Commerce, le service des douanes américaines pourrait alors collecter auprès des importateurs des avions ces droits antidumping.

Le groupe Bombardier a dénoncé vendredi "une application excessive et totalement inappropriée de certaines lois américaines visant de toute évidence à empêcher les avions CSeries d'accéder au marché des États-Unis, sans égard aux impacts négatifs sur l'industrie aéronautique, les emplois et les compagnies aériennes".

"Des résultats complètement faussés",

Le taux antidumping correspond à l'écart en prix de vente de chacun des 75 appareils vendus par Bombardier à la compagnie américaine Delta Air Lines, dont les premières livraisons sont prévues à partir du printemps 2018, et le coût de fabrication.

Selon la plainte de Boeing, Bombardier a vendu chaque CS100 à 19,6 millions de dollars américains pour un coût de fabrication de 33,2 millions de dollars. Au prix catalogue 2017, l'avionneur canadien propose le CS100 à 79,5 millions de dollars.

En limitant son enquête à un an, qui plus est au tout début d'un programme aéronautique avec "des milliards de dollars d'investissements" prévus pour plusieurs années, l'approche du département du Commerce "produit des résultats complètement faussés", a estimé Nathalie Siphengphet, porte-parole de Bombardier.

"Boeing manipule Washington"

"Complètement en désaccord" avec l'appréciation des Américains, la ministre canadienne des Affaires étrangères, Chrystia Freeland, a assuré que son gouvernement était "extrêmement déçu par la décision préliminaire prise par le département du Commerce".

"Boeing manipule le mécanisme de recours commerciaux des États-Unis pour empêcher" le CSeries de Bombardier "d'avoir accès au marché américain, et ce malgré le fait que Boeing ait admis qu'il ne s'agit pas d'un appareil qui fait concurrence à ses activités", a ajouté Chrystia Freeland. Pour le président du syndicat des machinistes, David Chartrand, l'administration américaine est "le bras armé des dirigeants de Boeing".

Boeing accuse également Bombardier d'avoir perçu plus de 3 milliards de dollars de subventions publiques et, sur ce volet, les autorités américaines ont fixé les droits compensatoires à 220% du prix de chaque avion Bombardier vendu aux États-Unis. Annoncée le 26 septembre, cette décision doit être confirmée d'ici le 12 décembre.

23.000 emplois américains dépendent de Bombardier

La plainte de Boeing porte sur deux avions de la gamme CSeries, le CS100 et surtout le CS300, qui vient concurrencer frontalement son B737, comme les Airbus de la famille A320.

Chrystia Freeland s'est étonnée vendredi de la stratégie de l'administration américaine qui joue contre ses propres intérêts. En frappant Bombardier, les États-Unis mettent "aussi en péril près de 23.000 emplois américains qui dépendent de Bombardier et de ses fournisseurs", a-t-elle rappelé.

Ces décisions viennent empoisonner un peu plus des relations tendues entre les deux voisins dans le contexte de la renégociation du traité de libre-échange nord-américain (Aléna) entre les États-Unis, le Canada et le Mexique.

Le Premier ministre canadien, Justin Trudeau, doit rencontrer mercredi le président américain, Donald Trump, alors que les discussions sur la modernisation de l'Aléna doivent reprendre ce jour-là dans la banlieue de Washington. Pour David Chartrand, "il y a lieu de se demander si l'administration Trump n'utilise pas toute cette mascarade comme stratégie afin d'obtenir des concessions du Canada dans la renégociation de l'Aléna".

N.G. avec AFP