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Attentats: un impact de 0,1 point de croissance?

Le chiffre de 0,1 point de PIB en moins a été cité à plusieurs reprises (image d'illustration)

Le chiffre de 0,1 point de PIB en moins a été cité à plusieurs reprises (image d'illustration) - Joël Saget - AFP

Le gouvernement comme la Banque de France estiment que les événements du 13 novembre dernier vont amputer le PIB tricolore d'une décimale au quatrième trimestre. Une estimation plausible selon les économistes, qui évoquent toutefois des scénarii un peu plus optimistes.

La fragile reprise que connaît actuellement la France va-t-elle être brisée par les événements du 13 novembre? Cette hypothèse, déjà peu plausible il y a un mois, semble encore moins probable à l'heure actuelle. Car un peu plus de trois semaines après ces tragiques événements, les premières estimations commencent à tomber. Et un chiffre revient avec insistance: 0,1 point de PIB. Soit ce que l'économie tricolore perdrait sur le dernier trimestre de l'année 2015.

Lundi, la Banque de France est ainsi arrivée à ce chiffre, abaissant sa prévision de +0,4% à 0,3 pour les trois derniers mois de l'année. Interrogé à l'issue du Conseil des ministres, le porte-parole du gouvernement Stéphane Le Foll a lui indiqué que "l'évaluation qui est faite aujourd'hui est autour de 0,1% en terme de perte de PIB". De fait, il est fort probable que Stéphane Le Foll se soit appuyé par l'estimation faite par la direction générale du Trésor et révélée par RTL le 25 novembre dernier qui aboutissait au même chiffre pour le quatrième trimestre.

L'Insee pour le moment n'a pas encore donné d'estimation. Mais il semble que cette évaluation de 0,1 point soit celle qui obtienne le consensus du côté des institutions publiques. Un scénario crédible? A priori oui selon les économistes.

Jusqu'à un impact positif?

"Le chiffre n’est pas aberrant, mais il est encore délicat de donner une estimation précise, compte tenu de l’absence de données d’activité postérieures aux attentats", considère Axelle Lacan du Coe-Rexecode.

"Les recettes d’exportations de services de tourisme seront probablement impactées défavorablement. En 1995 (lors d'une précédente série d'attentats, ndlr), le solde touristique avait reculé de 1,1% au quatrième trimestre par rapport au deuxième trimestre de la même année, contribuant pour -0,02 point à la croissance du PIB réel. La consommation des ménages pourrait également être touchée, même si après les attentats en France en 1995 et plus récemment après ceux de Madrid en 2004 et Londres en 2005, il n'y avait pas eu de rupture du rythme de croissance de la consommation des ménages", détaille-t-elle.

"L'ordre de grandeur est plausible", abonde Éric Heyer de l'OFCE. "Mais il peut très bien être de -0,1 ou de +0,1", ajoute-t-il. En effet, "si l'on regarde ce qui s'est produit dans les autres pays, il y a globalement eu une réponse forte au niveau des politiques publiques, qui consistaient, par exemple à embaucher des policiers, et donc créer des emplois. Ce qui peut impacter positivement le PIB le trimestre suivant". Ainsi, aux États-Unis, après les attentats du 11 septembre "l'activité a accéléré parce qu'il y a eu une forte réponse. Ils avaient injecté 1 point de PIB de dépenses militaires en plus", complète-t-il.

"Nous sommes encore un peu dans l'émotion"

Éric Heyer explique par ailleurs que les effets sur la consommation sont difficiles à estimer. "Ce n'est pas parce que l'on ne va plus dans les grands magasins que l'on ne consomme pas. On consomme différemment, via Internet", explique-t-il, ajoutant que des effets de rattrapage pouvaient survenir. "Le seul moyen d'avoir un indicateur durable, c'est de constater une hausse du taux d'épargne", ajoute-t-il, précisant qu'à l'heure actuelle on ne connaissait pas encore cet indicateur clé.

Philippe Waechter, le chef économiste de Natixis Asset Management juge à ce titre que le chiffre de 0,1% "paraît un peu fort", dans la mesure où la consommation est, selon lui, le principal levier d'ajustement. "Sur les expériences passées on a vu que la dynamique n'est pas durablement affectée sur un trimestre, et il n'y avait ainsi pas de différence majeure".

"Nous sommes encore dans l'émotion", met-il en garde. Philippe Waechter remarque qu'en octobre, la consommation des ménages avait déjà ralenti, ce qui risque de donner lieu à un chiffre de croissance plus faible que prévu au quatrième. "Dès lors, il y aura la tentation d'attribuer cela aux attentats", poursuit-il.

Quel effet sur l'investissement?

Selon lui, l'impact sur la croissance devrait vraisemblablement avoir un "effet malgré tout". Et ce en raison du tourisme. L'hôtellerie française aurait d'ailleurs perdu 9,3% de son chiffre d'affaires (soit environ 150 millions d'euros) depuis le 13 novembre, selon une étude du cabinet MKG publiée ce mercredi.

Au-delà du PIB à proprement parler, la question est également de savoir si le climat actuel dû aux attentats ne freine pas l'investissement des entreprises, un moteur de croissance que le gouvernement peinait jusque là à rallumer. "L’impact sur l’investissement est très difficile à prévoir", considère Axelle Lacan. "Je suis moins inquiet sur l'investissement que sur la consommation qui est plus épidermique", indique pour sa part Philippe Waechter. Si les attentats du 13 novembre restent un événement isolé, "ce phénomène ne devrait pas perturber les schémas d'investissement des chefs d'entreprise", assure-t-il.