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Budget: la Région, parent pauvre des collectivités locales

INTERVIEW – Les Français sont appelés ce dimanche à voter dans le cadre du premier tour des élections régionales. Des régions qui ont à la fois une faible autonomie fiscale et financière, explique Thibault Mercier, économiste chez BNP Paribas.

Les Français sont appelés aux urnes ce dimanche dans le cadre du premier tour des élections régionales. Mais savent-ils seulement quel est le poids économique réel des régions?

Thibault Mercier, économiste chez BNP Paribas et auteur d'une récente note sur ce sujet, nous explique ainsi que nos régions ont moins d'importance que les autres collectivités locales en raison de compétences limitées. Interview.

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> Les régions semblent aujourd'hui avoir des pouvoirs budgétaires bien plus faibles que les autres collectivités...

Thibault Mercier: Absolument. Il faut savoir que la France est un pays peu décentralisé. Ainsi les dépenses des collectivités locales représentent seulement 20% de la dépense publique ce qui est inférieur à d'autres pays comme l'Allemagne ou l'Italie. Et au niveau du budget de ces collectivités locales, les régions ne représentent que 10%, soit environ 29 milliards d'euros, bien moins que les communes (57%) et les départements (31%). Les régions sont donc le parent pauvre des collectivités locales dans un pays fortement centralisé.

> Qu'est-ce qui explique la faiblesse de leurs budgets?

T.M: En France, les transferts de compétences s'accompagnent automatiquement de transferts de ressources budgétaires. Le fait d'avoir peu de budget sous-entend donc que les régions ont des compétences limitées au regard des communes et des départements. Elles ont ainsi trois compétences principales: la gestion des lycées, les transports régionaux, c'est-à-dire les TER, et la formation professionnelle. À cela s'ajoute la distribution des aides aux entreprises, notamment pour les PME.

> Sait-on ce que chaque compétence représente pour leurs budgets?

T.M: Oui. En 2013, qui est la dernière année connue, les régions avaient dépensé 7 milliards d'euros pour les TER, 6 milliards d'euros pour la gestion des lycées, 5,5 milliards d'euros pour la formation professionnelle et 700 millions d'euros dans les diverses aides aux entreprises. D'autres compétences moins importantes (culture, tourisme, environnement) permettent d'arriver aux 10 milliards d'euros manquants.

> Comment se financent-elles?

T.M: Pour faire simple, les ressources des régions, comme les autres collectivités locales, peuvent se décomposer en deux contributions: les dotations de l'État et les impôts locaux. Or, de toutes les collectivités locales, les régions sont celles qui dépendent le plus de l'État puisque les dotations représentent 40% de leurs ressources financières.

Le reste est en majorité constitué d'impôts locaux. Et il se trouve que les recettes d'impôts locaux perçus par les régions représentent 10% des recettes totales des collectivités locales. Ce qui est donc logique, vu que leurs budgets se situent dans les mêmes proportions.

Là où les régions perçoivent moins d'impôts c'est sur 'la fiscalité directe' c'est-à-dire les taxes payées par les ménages. Soit essentiellement la taxe d'habitation, et les taxes foncières sur le bâti et le non-bâti. Les régions ne perçoivent aucune de ces trois taxes. Sur la fiscalité locale directe, 67% va ainsi aux communes, 27% aux départements et seulement 6% aux régions.

Enfin, il faut savoir que les régions, en plus d'une autonomie financière limitée, ont également une autonomie fiscale restreinte. C'est-à-dire qu'elles n'ont pas ou peu de pouvoir pour déterminer le taux de leurs taxes. La seule contribution sur laquelle elles ont un vrai levier c'est la taxe sur les certificats d'immatriculation d'automobiles, ou "taxe sur la carte grise". Une contribution qui représente à peine 7% de leurs ressources totales. 

> Mais elles ne sont pas pour autant en déficit?

T.M: Non. Les dépenses des régions peuvent être décomposées en deux types: les dépenses de fonctionnement et les dépenses d'investissement. Il se trouve qu'il y a une règle d'or qui s'applique aux régions, comme à toutes les collectivités locales, qui suppose que le budget des dépenses de fonctionnement est équilibré.

Les dépenses d'investissement peuvent, elles, être financées par de la dette. Mais là encore il y a une règle qui encadre ces emprunts et que l'on peut appeler 'règle de la dette'. Celle-ci dit que les remboursements annuels (intérêts et principal, ndlr) doivent être couverts par des ressources permanentes. Ce pourquoi la dette des collectivités locales ne représente qu'une part infirme de la dette publique.

> Les régions passeront de 22 à 13 le 1er janvier prochain. Cette nouvelle réorganisation est-elle vraiment source d'économies?

T.M: Cela peut être le cas à moyen terme. Le gouvernement a fait une prévision de l'ordre de 10 milliards d'euros dans les 5 à 10 prochaines années. Ces économies potentielles peuvent venir du non-remplacement des départs à la retraite, dans le cas où il existe des doublons dans les effectifs des régions. 

Elles peuvent également provenir d'économies d'échelles: les régions fusionnées auront plus de poids auprès de leurs fournisseurs et auront donc un pouvoir de négociation plus fort lorsqu'elles passeront des commandes.

À court terme, il y a toutefois plus d'incertitudes. Il pourrait même y avoir des hausses de dépenses car on pourrait penser qu'il y aurait des alignements à la hausse des traitements des fonctionnaires. En effet, si deux régions avec des niveaux de richesse différents fusionnent, il peut alors y avoir une hausse des salaires des fonctionnaires de la région la moins aisée. Même si tout cela est loin d'être sûr, on peut donc se retrouver avec des coûts supplémentaires.

> Du coup l'objectif de 10 milliards d'euros du gouvernement vous paraît crédible?

T.M: Ces 10 milliards d'euros restent crédibles. Mais cet objectif dépendra de l'effet de court terme évoqué auparavant et qui, forcément, se retranchera aux économies réalisées à moyen terme.