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Ce que gagne un pays à bien parler anglais

La richesse par habitant et la maîtrise de l'anglais sont positivement corrélées

La richesse par habitant et la maîtrise de l'anglais sont positivement corrélées - François Nascimbeni - AFP

"Plusieurs études ont montré que plus un pays parle anglais, plus il a tendance à être riche. Et la maîtrise de la langue de Shakespeare favorise l'émergence des pays en développement."

Les Français n'ont jamais été très à l'aise avec l'anglais. Et nos dirigeants politiques ont parfois tendance à l'illustrer d'une bien triste façon. Tout le monde a encore en tête la célèbre phrase "The Yes needs the No to win against the No", prononcé par l'ancien Premier ministre Jean-Pierre Raffarin.

La citation date de 2005 mais depuis 10 ans les Français ne sont pas beaucoup plus anglophones. Dans son dernier classement, l'entreprise EF Education First classait l'Hexagone à la 37e place sur 60 pays. Au passage, la France récoltait le plus mauvais score de l'Europe de l'Ouest, faisant même pire que les Espagnols et les Italiens réputés peu à l'aise avec la langue de Shakespeare.

Accélérateur d'échanges

Bien mal nous en prend puisque si l'on en croit plusieurs études, la maîtrise de l'anglais est un facteur de richesse économique. En 2008, Hyejin Ku et Asaf Zussman, respectivement économistes à l'Université de Londres et de Jérusalem, démontrent tout d'abord que la maîtrise de l'anglais permet de dynamiser les échanges commerciaux entre des pays qui ne parlent pas la même langue à l'origine.

En 2014, le chercheur Hayley Roppel, de l'Université d'Akron aux États-Unis, creuse le sujet, en se limitant à la zone de libre-échange du Sud de l'Asie, l'ASEAN. Il conclut que lorsque deux pays de cette région augmentent leur compétence en anglais (mesurée par leurs scores au test TOEFL) de 1%, leurs échanges bilatéraux bondissent de 7%, toute chose étant égale par ailleurs.

Un RNB par habitant plus élevé

Voilà pour le commerce international. Mais qu'en est-il du PIB? En 2009, Chew Ging Lee, de l'Université de Nottingham se pose la question. Pour cela, il étudie 43 pays sur l'ensemble des cinq continents en se basant lui aussi sur les résultats au TOEFL de leurs citoyens. À l'issue de ses calculs, il observe que l'anglais a permis d'accélérer la croissance des pays asiatiques et européens. Selon lui, plus la compétence en anglais d'un de ces pays est élevée, plus ses habitants ont des facilités à assimiler des connaissances, ce qui tire vers le haut la croissance.

Lee observe toutefois que cette logique ne prévaut pas vraiment dans le cas de l'Afrique et de l'Amérique du Sud. Il en conclut que si la maîtrise de l'anglais peut clairement être un facteur de croissance, elle doit pour cela s'accompagner également d'institutions solides, d'un environnement politique stable et d'une bonne gouvernance.

Christopher McCormik, le vice-président d'EF Education First est plus catégorique. Écrivant dans la Harvard Business Review il affirmait en 2013 que toute hausse de la maîtrise de l'anglais dans un pays donné s'accompagnait, pour presque chacun des 60 pays étudiés par sa société, d'une augmentation du PIB par habitant.

"Les études montrent clairement une corrélation positive entre les compétences en anglais d'une population et la performance économique du pays. Aussi bien le PIB que le Revenu national brut progressent", assurait-il. McCormick observait d'ailleurs, graphe à l'appui, que le RNB par tête et l'aisance en anglais étaient presque parfaitement corrélés.

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"Cercle vertueux"

Le cadre d'EF Education First indiquait en outre que les individus ayant une maîtrise de l'anglais exceptionnelle par rapport à la moyenne d'un pays donné, gagnaient en moyenne 30 à 50% de plus que leurs comparses ayant un niveau d'anglais plus classique.

Ce qui lui fait dire que le lien entre PIB par habitant et aisance dans la langue anglaise constituait un cercle vertueux. "Améliorer son anglais tire les salaires vers le haut, ce qui de l'autre côté donne aux États et aux individus davantage d'argent à investir pour développer l'apprentissage des langues", avançait-il.

Plus fort que le français

Enfin, l'anglais semble favoriser le développement économique des pays les moins avancés. C'est tout du moins ce que se sont attelés à démontrer, en 2010, Robert Pinon et Jon Haydon du cabinet Eurmonitor, pour le Birtish Council. Ils avaient alors attribué à cinq pays (le Pakistan, le Rwanda, le Cameroun, le Nigéria et le Bangladesh) une note censée refléter la performance économique sur plusieurs critères (climat des affaires, chômage, revenu brut par habitant, investissements étrangers, etc…).

Résultat: les trois pays anglophones faisaient beaucoup mieux que ceux où le Français est la langue dominante (le Rwanda et le Cameroun). L'une des explications possibles est que les pays anglophones séduisent (logiquement) davantage les pays anglo-saxons, qui sont des gros pourvoyeurs d'IDE, avec des investissements représentant 33 à 41% du total. Des chiffres qui tombent à moins de 2% pour le Rwanda et le Cameroun.

Si bien que les auteurs du rapport soulignaient qu'en 2008 le Rwanda avait décidé de remplacer le français par l'anglais dans ses écoles pour dynamiser davantage son économie et attirer davantage de capitaux.