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Croissance: les Espagnols bientôt plus riches que les Italiens?

Les Espagnols et les Italiens ont été durement frappés par la crise

Les Espagnols et les Italiens ont été durement frappés par la crise - Lluis Gene - AFP

Alors que l'Espagne rattrape de plus en plus son retard, forte d'une croissance de plus de 3%, l'Italie, elle, peine à avancer. Au point que d'après le FMI, leurs PIB par habitant pourraient presque s'aligner d'ici quatre années.

L'une sort de l'ornière, l'autre s'enlise dans ses difficultés. L'Espagne et l'Italie ont été heurtées de plein fouet par la crise économique de 2008, avant d'être dans l'œil du cyclone des marchés lors de la crise de l'euro en 2011-2012.

La crise a été encore plus violente en Espagne avec l'éclatement de la bulle immobilière. Entre 2009 et 2013, le pays ibérique a quasiment enchaîné cinq années de récession. Au point qu'en 2013, son PIB était presque 9% inférieur à celui de 2008. L'Italie, elle, a passé moins de temps dans le rouge, avec trois années "seulement" de récession.

Mais depuis 2014, le pays transalpin peine à faire décoller sa croissance, alors que l'Espagne a elle passé la seconde pour refaire le retard qu'elle a accumulé. Les prévisions économiques de l'OFCE présentées le 28 mars dernier en attestent. Selon l'institut de recherche de Sciences Po, l'Espagne devrait encore voir son PIB progresser de 2% en 2017 et 1,8% en 2018, après 3,2% en 2015 et 2016. L'Italie, elle, devrait afficher un taux de croissance de 0,8% en 2017 et 0,4% en 2018, après avoir péniblement atteint les 1% en 2016.

Un PIB par habitant proche de l'Italie

Conséquence: l'Espagne devrait rapprocher son PIB par habitant de la troisième économie de la zone euro. En effet, en 2011, le PIB par Italien était de 27.583 euros contre 22.903 euros pour l'Espagne, soit plus de 4.500 euros de différence, d'après le FMI. Un écart qui, d'ici à 2021 ne serait plus que de 800 euros, selon les projections du fonds (29.200 euros pour l'Italie, 28.400 pour l'Espagne).

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Source: FMI

À terme, le PIB par habitant espagnol va-t-il dépasser celui des Italiens? "Cela paraît probable et semble même inéluctable quand on regarde les évolutions de la productivité italienne", estime Christophe Blot, économiste à l'OFCE.

À long terme, un pays est censé naviguer au rythme de sa croissance dite "potentielle", qui correspond à la vitesse de croisière d'une économie lorsqu'elle ne subit aucun vrai choc négatif (hausse des prix du pétrole) ou positif (baisse de l'euro). Cette croissance potentielle n'est alors déterminée que par deux facteurs: la démographie et la hausse de la productivité.

Problème de productivité

"Le problème qu'a l'Italie est que la croissance de sa productivité tend de plus en plus vers zéro. Du coup, seule la démographie joue sur la croissance potentielle de l'Italie", poursuit Christophe Blot. "L’Italie n’a plus de gains de productivité depuis 15 ans", confirme Danielle Schweisguth, économiste chez Société Générale, et spécialiste des pays périphériques de la zone euro.

Ce manque de productivité s'explique en partie par des problèmes de long terme. "L’Italie a plusieurs faiblesses structurelles: rigidité du marché du travail, des biens et services, de mauvais indicateurs de gouvernance (lutte contre la corruption), un système éducatif peu performant avec un taux de diplômés de l’enseignement supérieur faible par rapport à la moyenne de l’OCDE, et un manque d’innovation dû au retard sur les TIC (technologie de l'information et la communication)", énumère Danielle Schweisguth.

De plus, "plusieurs études montrent que le plus récent déclin de la productivité italienne est dû à une mauvaise allocation des ressources (le capital et le travail). Ce qui veut dire que l’investissement n’est pas concentré dans les entreprises les plus productives: le processus d’allocation du crédit bancaire aurait conduit à des 'prêts zombie' (crédits étendus aux entreprises à faible productivité pour les empêcher de faire faillite)", ajoute-t-elle. 

La potion amère espagnole

L'Espagne, elle, se remet en selle après avoir bu une potion amère en 2012. Pour redynamiser sa croissance, le pays a choisi de procéder à une "dévaluation interne". Comme le pays fait partie de la zone euro et ne peut déprécier sa monnaie, il a opté pour la modération salariale, afin de renforcer sa compétitivité. Résultats: les coûts salariaux unitaires ont baissé de 2,6% en 2012, puis de 0,6% et 0,3% en 2013 et 2014.

"Contrairement à l’Italie, l’Espagne a procédé, au moment de la crise, à un ajustement drastique du marché du travail. Les salaires ont été fortement contraints ce qui a permis aux entreprises de gagner en compétitivité et les exportations ont progressé de façon importante", abonde Danielle Schweisguth.

"Vu leur situation c'était probablement le modèle à suivre. Mais cela n'a pas été sans peser sur la consommation", fait valoir Fabien Bossy, économiste chez Oddo Securities. Avant d'ajouter que "cette solution ne marche que si vous avez de la demande externe".