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Croissance: pourquoi l'Insee est plus pessimiste que le gouvernement

L'Insee est un peu moins optimiste sur l'investissement des entreprises

L'Insee est un peu moins optimiste sur l'investissement des entreprises - Thomas Samson - AFP

L'institut des statistiques a nettement revu à la baisse sa prévision de croissance pour la France en 2016, tablant sur 1,3% contre 1,6% en juin. Cette révision n'est pas tant due au Brexit qu'à la faiblesse des exportations.

Envers et contre tout, le gouvernement s'accroche à sa prévision de croissance. La semaine dernière, le ministre de l'Économie et des Finances Michel Sapin a, en effet, maintenu un objectif de 1,5% de croissance pour cette année.

Le gouvernement est désormais le seul à tabler sur un chiffre aussi optimiste. En effet, ce jeudi 6 octobre, l'Insee a nettement revu à la baisse sa prévision. Ses statisticiens ne tablent plus que sur 1,3%. En juin dernier, ils pensaient encore que le PIB augmenterait cette année de 1,6%. L'institut statistique vient ainsi se caler sur les instituts internationaux, l'OCDE anticipant le même chiffre, le FMI un tout petit peu moins (1,2%).

"Les prévisions de l'Insee ne remettent pas en cause ni notre objectif de déficit public pour 2016, ni notre prévision de croissance pour 2017", a réagi Michel Sapin auprès de l'AFP, sans préciser si la prévision de croissance pour 2016 était, elle, toujours maintenue. 

Mauvaise nouvelle pour les finances publiques

Néanmoins, cette annonce n'a rien de bien réjouissant pour Bercy, puisque, comme l'expliquait l'économiste de l'OFCE Christophe Blot à BFM Business début septembre, lorsque la croissance est moins forte de 0,3%, les recettes fiscales diminuent elles, en règle générale, de 0,2 à 0,3%. Ce qui représente plusieurs centaines de millions d'euros de manque à gagner.

Contrairement à ce que l'on pourrait penser, ce coup de sabre dans les prévisions de croissance n'est pas dû à l'effet Brexit, même si en actant sa sortie de l'Union Européenne, le Royaume-Uni se fait ravir par la France son rang de 5ème puissance économique mondiale. "Cette révision à la baisse s'explique essentiellement par la mauvaise surprise au 1er semestre sur le commerce mondial. Les exportations de la France vers les pays émergents ont été plus faibles. On constate également que la France recommence à perdre des parts de marché. Ce qui se traduit aussi par une production manufacturière moins élevée", explique ainsi Dorian Roucher, chef de la division synthèse conjoncturelle à l'Insee.

Un autre facteur joue. L'Insee est un tout petit peu moins optimiste sur l'investissement des entreprises. "Il s'agit du contrecoup de la mesure de suramortissement fiscal. Ce dispositif devait prendre fin en avril 2016. Il a finalement été prolongé d'un an. Mais les entreprises, elles, n'avaient pas anticipé cette prolongation et avaient du coup investi fortement au quatrième trimestre 2015 et premier trimestre 2016", explique Dorian Roucher.

L'investissement des entreprises va néanmoins être l'un des deux moteurs tirant la reprise. L'Insee l'attend en hausse de 3,6% sur l'ensemble de l'année. Un bond dû aux conditions de financement exceptionnelles dont profitent les entreprises, les taux d'intérêt étant à des niveaux incroyablement bas.

Les effets pas si énormes du Brexit

Et le Brexit dans tout cela? L'Insee le prend bel et bien en compte dans la révision de ses prévisions. Mais ses effets sont en fait compensés par d'autres impacts. "Le Brexit a deux effets. Le premier porte sur la demande adressée à la France. Comme le Brexit a un impact sur la croissance britannique, les exportations de la France vers le Royaume-Uni vont être moins élevées. Mais cet effet négatif est compensé par des hausses attendues des exportations vers les États-Unis et les pays émergents", indique Dorian Roucher. "Le deuxième porte sur le taux de change. L'euro s'est ainsi apprécié face à la livre, ce qui renchérit les exportations. Mais dans le même temps, l'euro s'est déprécié face au yen et face à l'ensemble des devises émergentes. Ce qui là encore neutralise l'impact du Brexit", poursuit-il.

Petite surprise par ailleurs, l'Insee a revu nettement à la baisse les créations d'emplois nettes pour 2016. L'institut ne table ainsi que sur 165.000 créations de postes, soit 45.000 de moins qu'en juin. Et pourtant, le taux de chômage est toujours attendu en baisse à 9,8% DOM compris (9,5% en France métropolitaine) d'ici à la fin de l'année, comme en juin. Un paradoxe dont l'explication est assez simple. "Nous avons révisé à la baisse notre prévision de hausse de la population active, qui passe de 113.000 à 72.000, à la suite notamment de chiffres inattendus au deuxième trimestre", détaille Dorian Roucher. Ainsi, peu importe qu'il y ait moins d'emplois, si, dans le même temps, il y a moins de personnes qui travaillent, l'impact sur le chômage est nul. 

Le pouvoir d'achat au plus haut depuis 2007

Enfin et non des moindres, l'Insee a confirmé une hausse du pouvoir d'achat spectaculaire pour les ménages de 1,8%, soit la plus forte augmentation depuis 2007. "Les ménages ont du pouvoir d'achat parce que l'inflation reste basse, l'emploi redémarre, les impôts ralentissent, et les salaires résistent un peu. De plus il faut voir que la chute des prix des matières premières se diffuse à l'ensemble des tarifs, comme le prix des transports", résume Dorian Roucher.

En effet, si l'inflation est attendue à un modeste +0,4%, les salaires, eux, continueraient à augmenter plus vite que les prix (+1,5%), garantissant aux salariés une nouvelle hausse de pouvoir d'achat.