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La preuve que les Français sont champions du monde de la grève

La France est toutefois talonnée par le Danemark (image d'illustration)

La France est toutefois talonnée par le Danemark (image d'illustration) - DC - Wikimedia Commons - CC

La France a été le théâtre d'importants mouvements sociaux cette semaine, confortant l'image d'un pays où le droit de grève est exercé jusqu'à plus soif par les salariés. Un cliché? Non, une indéniable réalité, selon une étude d'une fondation allemande indépendante.

La grève des taxis continue de battre son plein ce jeudi, troisième jour d'un mouvement qui a débuté mardi. Le 26 janvier, la France a ainsi connu sa première importante journée de grèves de l'année. Puisqu'en dehors des taxis, le mouvement a concerné à la fois la fonction publique, les contrôleurs aériens et les enseignants.

Voilà qui devrait encore conforter ceux qui, à l'étranger, perçoivent la France comme la championne du monde de la contestation sociale, alors que paradoxalement son taux de syndicalisation est l'un des plus bas dans les pays développés (7,7% contre une moyenne de 17% dans les pays de l'OCDE).

Mais les Français font-ils vraiment plus la grève que les salariés des autres pays où ce droit leur est accordé? Réponse: oui, assurément. Du moins si l'on en croit une étude publiée l'an dernier par l'institut d'études économiques et sociales de la fondation allemande Hans Böckler. Ses auteurs ont calculé le nombre de jours d'absence causés par les grèves dans 14 pays d'Europe ainsi qu'aux États-Unis et au Canada sur la période 2005-2013 (sauf pour la France, où la période pris en compte est 2005-2012).

Ils ont ensuite rapporté ce nombre de jours à la population active et ont établi une moyenne annuelle. Résultat: la France décroche la palme avec 139 jours pour 1.000 actifs, alors même que l'étude ne prend en compte que les grèves des salariés du secteur privé.

La contestation danoise

La France reste néanmoins talonnée par un autre pays, souvent cité en exemple pour l'efficacité des outils mis en oeuvre pour lutter contre le chômage: le Danemark. Dans ce pays très syndiqué (les deux tiers des salariés sont membres d'un syndicat), la grève reste un outil de contestation largement utilisé pour faire valoir ses droits ou contester une décision. Entre 2005 et 2013, 125 jours pour 1.000 habitants, en moyenne, ont été perdus du fait d'un appel à un arrêt de travail.

Un niveau en forte régression, puisqu'en 1998, le Danemark affichait le niveau record de 1.317 jours d'absence pour 1.000 salariés du fait des grèves. Le pays avait alors fait face à une contestation massive des salariés du secteur privé qui exigeaient une sixième semaine de congés payés et des hausses de salaires. Le Danemark a ensuite connu une période relativement calme. Mais en 2008 le nombre de jours perdus est reparti à la hausse (plus de 700 pour 1.000 employés) à cause d'une grève chez les infirmières et les éducateurs dans le cadre de leurs renégociations salariales.

À titre de comparaison, en France, le chiffre le plus important a été atteint en 1995 lors des grandes grèves liées aux réformes des retraites et de la sécurité sociale souhaitées par Alain Juppé. Mais le nombre de jours d'absence pour 1.000 actifs n'avait pas dépassé les 300, selon l'office des statistiques britanniques. On peut penser qu'une des raisons de la tradition danoise de contestation est la grande puissance d'un seul syndicat, appelé LO qui regroupait pas moins de 1,074 million d'adhérents soit pas loin de la moitié des 2,6 millions de Danois qui travaillent.

La Suisse et les pays anglo-saxons font peu grève

Après la France et le Danemark, on trouve le Canada (102 jours d'absence pour 1.000 employés) et la Belgique (77), tous les deux des pays partiellement francophones. En dépit des grèves qui se sont multipliées à la Lufthansa ou chez Deutsche Bahn, les Allemands se situent loin derrière avec une moyenne de 16 jours d'absence pour 1.000 actifs sur la période 2005-2012.

À l'inverse, les pays où l'on ne fait quasiment pas grève sont la Suisse (1 jour pour 1.000 actifs), l'Autriche (2 jours), la Suède (5 jours) et la Pologne (5 jours). Les pays anglo-saxons connaissent des chiffres relativement bas avec 28 jours en Irlande, 23 au Royaume-Uni et 9 aux États-Unis.

Enfin pour répondre à ceux qui avanceraient que cette étude émane d'un institut allemand on rétorquera que l'office national des statistiques néerlandais s'était également penché sur la question en prenant en compte la période 2009-2013. La comparaison est encore moins flatteuse puisque la France qui arrive en tête avec 171 jours d'absence pour 1.000 actifs. Soit deux fois plus que le Danemark.