BFM Business
Economie

Pourquoi 2016 sera encore dure pour les chômeurs de longue durée

Seulement 4,5% des demandeurs d'emploi retrouveraient un poste l'an prochain, selon les prévisions de l'exécutif

Seulement 4,5% des demandeurs d'emploi retrouveraient un poste l'an prochain, selon les prévisions de l'exécutif - Philippe Huguen - AFP

DECRYPTAGE - Dans ses prévisions annexées au projet de loi de Finances pour 2016, l'exécutif table sur de fortes créations de postes dans le privé pour l'an prochain. Mais, malgré cela, peu de chômeurs retrouveraient un emploi. Comment expliquer ce paradoxe?

L'année 2016 sera-t-elle celle du réveil de l'emploi? Dans ses prévisions annexées au projet de Budget pour 2016, l'exécutif se montre en tout cas relativement optimiste. 130.000 postes seraient ainsi créés dans le privé entre la fin 2015 et la fin 2016, selon les prévisions de Bercy. C'est trois fois plus qu'en 2015 (+41.000, selon la dernière prévision de l'Insee) et bien mieux qu'en 2014, lorsque l'économie avait au contraire détruit 63.000 postes.

Le chiffre semble même un peu optimiste, l'institut Coe-Rexecode tablant, lui, sur 86.000 créations sur la même période. Néanmoins, Eric Heyer, économiste à l'OFCE et spécialiste du marché du travail, juge cette prévision "plausible sans être certaine" en raison des effets du pacte de responsabilité, qui combine les baisses de charges pour les employeurs et les bénéfices du CICE (crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi), et qui sont "massifs". "A croissance identique, c'est 80.000 emplois en plus", souligne l'économiste.

Sauf que, malgré cela, peu de gens actuellement au chômage devraient être embauchés en 2016. Dans la mission "Travail et emploi", le gouvernement indique tabler, en effet, sur un taux de retour à l'emploi de seulement 4,5%, en moyenne, sur l'ensemble de l'année prochaine. Ce qui veut dire que sur 100 personnes inscrites sur les listes de Pôle emploi, moins de cinq retrouveraient un poste.

Un dynamisme de l'emploi trop faible

Certes, la statistique est un peu meilleure que 2015 (4% selon l'exécutif) et 2014 (3,6%). Mais elle reste basse. Elle est encore plus faible si l'on regarde les retours à l'emploi qualifiés de "durables ", où le chiffre n'est que de 2,8%...

"Il faudrait avoir un dynamisme de l'emploi beaucoup plus fort pour avoir des effets significatifs sur les taux de retour. Là on est tout juste au niveau qui stabilise le chômage", affirme Eric Heyer. L'économiste de l'OFCE rappelle qu'il y a un effet à prendre en compte: celui de la population active.

En France, chaque année, il y a plus de gens qui entrent sur le marché de l'emploi (étudiants, femmes aux foyers qui retournent travailler) que de personnes qui en sortent (retraités, congés maternité ou paternité). L'emploi tricolore doit ainsi absorber un chiffre net de 130.000 nouveaux entrants. Du coup, "ces 130.000 créations de postes suffisent tout juste à absorber la hausse de la population active", relève Eric Heyer.

Le décrochage du chômage de longue durée

Ce n'est pas tout. "Il y a deux types de chômage : le chômage conjoncturel, qui se résorbe lorsque la croissance économique accélère et un autre beaucoup plus tenace, qui est le chômage structurel ", complète Axelle Lacan, économiste à l'institut Coe-Rexecode. "Or, rappelons que la part des demandeurs d'emploi inscrits depuis plus d'un an ne cesse de progresser depuis mi-2009 (mis à part quelques phénomènes épisodiques), à 44,4 % en août 2015. Les personnes concernées voient leur employabilité diminuer", développe-t-elle.

De plus, "la durée moyenne d’inscription sur les listes de demandeurs d’emploi s’est également allongée de manière significative : elle atteint aujourd’hui 562 jours, alors qu'elle n’était que de 390 jours début 2009", poursuit l'économiste, qui rappelle "qu’on peut estimer qu’au-delà de 540 jours d'inscription sur les listes de demandeurs d’emploi, il y a un décrochage dans la probabilité de retrouver un emploi".

Autrement dit, beaucoup de chômeurs se situent dans une zone rouge où il devient très difficile de retrouver un poste. Pour y remédier, le gouvernement a eu énormément recours aux contrats aidés depuis le début du mandat de François Hollande.

Mais ce n'est pas une panacée pour autant. Leur efficacité est très variable. Selon les prévisions de l'exécutif, en 2016, les taux de retour durable à l'emploi varieraient grandement selon la nature du contrat aidé, de 27 à 73%.

L'insertion des sportifs de haut niveau

Les champions qui glanent médailles et titres arrivent-ils facilement à trouver un emploi? En tout cas leur insertion progresse. Dans le document accompagnant la mission "Jeunesse et Sport" du projet de Budget 2016, l'exécutif table sur un taux d'insertion des sportifs dits de haut niveau de 81%, après 75% en 2015. Il s'agit en fait des sportifs qui arrivent à trouver un emploi deux ans après le retrait des listes "sportifs de haut niveau", définies par le gouvernement. Pour 2017, l'exécutif vise un taux de 88%.