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Quels pays peuvent encore tirer la croissance mondiale?

Quelques régions du globe affichent encore des perspectives intéressantes

Quelques régions du globe affichent encore des perspectives intéressantes - Philippe Huguen - AFP

La Chine ralentit fortement, le Brésil et la Russie sont en récession. Et l'Inde ne peut à elle seule assurer le rôle de locomotive de la croissance mondiale. Heureusement, d'autres pays peuvent offrir aux entreprises exportatrices de bonnes perspectives.

Ce n'est un secret pour personne: lorsque les grands pays émergents vont mal, c'est l'ensemble de l'économie mondiale qui tousse. Le Brésil et la Russie sont en récession. Surtout la Chine, principal moteur de la croissance mondiale (ces 7 dernières années, la deuxième économie de la planète a contribué pour un tiers de la croissance mondiale), ralentit.

Sa croissance est ainsi tombée pour la première fois depuis 25 ans sous les 7% en 2015, à 6,9%. Quelques heures après cette annonce, le FMI avait lui sabré dans ses prévisions de croissance mondiale, ne tablant plus que sur 3,4% contre 3,6%. Dans ce contexte, quels pays sont en mesure de prendre le relais? Élément de réponse par région.

> L'Inde

Connaught Place New Delhi
Connaught Place New Delhi © Rohit Rath Flickr - CC

Le cas indien mérite d'être traité à part. Sur le trimestre allant de juillet à septembre, le gouvernement avait annoncé un PIB en hausse de 7,4% en rythme annuel, soit plus que la Chine. Le FMI voit d'ailleurs l'Inde faire bien mieux en 2016 (une prévision 7,5% contre 6,3% pour la Chine).

Sylvain Laclias, économiste Asie au Crédit Agricole exprime néanmoins certains doutes. "L'office des statistiques indiennes a revu sa façon de calculer la croissance qui a tout d'un coup accéléré sans que l'on comprenne exactement pourquoi; c'est une énigme", fait-il valoir. Selon lui, plusieurs indicateurs, comme les résultats d'entreprises, sont tels que l'Inde "ne donne pas l'image d'une économie qui croît à 7 ou 7,5%".

Des défis à relever

"Maintenant la tendance est à l'accélération sur les derniers trimestres", remarque néanmoins l'économiste. L'Inde risque toutefois de buter sur tout un ensemble d'obstacles. "Sa capacité à tenir dans la durée va néanmoins dépendre des réformes structurelles", nous affirmait en mai dernier Christian Déséglise, spécialiste des marchés émergents chez HSBC. En avril 2015, le cabinet PwC estimait qu’en relevant un certain nombre de défis (améliorer l’éducation, développer ses infrastructures,etc…) l’Inde pourrait faire passer sa croissance à 9% par an.

Sylvain Laclias explique également que “toute la question est de savoir si Narendra Modi, le Premier ministre indien, va réussir à transformer le modèle de croissance et créer un environnement des affaires plus favorable en faisant adopter ses réformes”. L’une d’entre elle consiste à unifier au niveau national le système de taxes sur les biens et services qui pour le moment diverge d’un état à un autre. Selon l’économiste, les gains de croissance de cette mesure pourrait dépasser 1% du PIB.

> L'Europe centrale

La ville de Prague
La ville de Prague © PublicDomainPictures - Flickr - CC

Quatre pays se détachent: la Slovaquie, la République Tchèque, la Hongrie et la Pologne. "La région est appelée à croître à un rythme plus soutenu que la moyenne européenne’’, souligne Anne Dorbec, économiste chez BNP Paribas spécialisée dans les pays d’Europe centrale et orientale. Tous ces pays affichent actuellement une croissance entre 2,5 et 4%. De plus à l’heure actuelle “cette région est importatrice nette de matières premières ce qui fait que la chute des cours du pétrole a plutôt tendance à avoir un impact positif”, poursuit Anne Dorbec.

Ces pays créent actuellement suffisamment d’emplois pour faire reculer le chômage et ils sont tirés par une consommation des ménages soutenus. Selon le cabinet McKinsey, la Pologne pourrait même “devenir le moteur de croissance de l’Europe en 2025” avec un PIB par habitant qui rejoindrait celui de l’Espagne et de l’Italie. “À l'échelle régionale, cette partie de l'Europe connaît, certes, une bonne performance, mais elle ne peut constituer un moteur de croissance mondiale à elle seule", nuance toutefois Anne Dobrec qui rappelle que par ailleurs “ces pays ont un véritable problème structurel: la démographie".

> L’Asie du Sud Est

Jakarta
Jakarta © Gunawan Kartapranata - Wikimedia Commons - CC

Deux pays s'en sortent plutôt bien. L'Indonésie tout d'abord, parfois citée comme l'un des prochains grands pays émergents."Sur le moyen-long terme le pays a le potentiel pour faire partir des moteurs de croissance mais évidemment pas dans les proportions de la Chine", souligne Sylvain Laclias.

Depuis 2010, elle a connu une croissance ente 5 et 6% par an, tirée par une forte compétitivité que favorise le faible coût du travail, et une demande intérieure forte. Il n'en reste pas moins qu'en 2015 la croissance est passée sous les 5% (4,7%). "Le climat des affaires ne s'améliorent pas aussi rapidement qu'on aurait pu l'espérer et l'investissement a tendance à s'essouffler", explique Sylvain Laclias. Et le charismatique nouveau président Joko Widoo (il porte des baskets et écoutent du hard-rock) fait face à des blocages politiques qui freinent sa volonté de réformes.

À l'inverse, les Philippines sont, elles, en train d'accélérer. Jeudi, le gouvernement a annoncé une croissance annuelle à 5,8%. Le pays a l'avantage d'être d'être moins dépendant du commerce extérieur que ses voisins, la consommation des ménages représentant 70% du PIB. Un matelas confortable qui "met le pays à l'abri du ralentissement des autres marchés émergents", résume à Reuters Eugenia Victoria, économiste chez Reuters. "L'inflation est maîtrisée, les finances publiques sont saines, le pays a des fondamentaux macroéconomiques solides", abonde Sylvain Laclias.

> L'Afrique

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- © Mkimemia - Wikimedia Commons - CC

L'ONU voit l'Afrique afficher une croissance de 4,9% cette année soit plus que l'économie mondiale (3,6%). Sauf que l'extrême pauvreté des pays africains fait que leur taux de croissance sont logiquement très élevés. Très dépendants des matières premières, ils souffrent logiquement du ralentissement chinois. Néanmoins "en Afrique de l'Est, plusieurs pays ont appris à s'en sortir au-delà des matières premières" souligne Jean-Louis Terrier, président de Credit Risk International. Il cite plus particulièrement le Kenya, l'Éthiopie et la Tanzanie.

L'Éthiopie présente l'avantage d'avoir un environnement politique stable. Elle affiche la plus forte croissance du trio (plus de 8%) quand les deux autres sont légèrement sous les 7%. Face à la montée de ses salaires, la Chine a délocalisé des usines textiles dans ces pays bénéficiant du coût de la main d'œuvre et d'avantages fiscaux. "Un schéma prometteur" pour Jean-Louis Terrier alors que "jusque-là l'Afrique faisait l'impasse sur la phase d'industrialisation, passant directement de l'agriculture aux services". Il y voit des "opportunités d'affaires considérables" si ces pays arrivent à faire émerger une "classe moyenne qui va vouloir s'urbaniser, avoir accès l'eau potable, consommer".

La ville de Valparaiso
La ville de Valparaiso © Luigi Bosca - Flickr - CC

> L'Amérique latine

Le problème de l'Amérique latine est que tous les pays sont exportateurs de matières premières, denrées dont les cours ont chuté sur les marchés. Ce qui évidemment pèsent sur tout le continent. Néanmoins, certains pays sont à suivre: la Colombie, le Pérou et le Chili. Les deux premiers cités "sont restés relativement dynamiques. Ils ont un fort potentiel de développement avec d'important besoin d'investissements industriels mais il leur faut impérativement diversifier leur base productive pour être moins dépendants des matières premières", explique Christine Rifflart économiste à l'OFCE.

Dans une région globalement en récession en 2015, selon le FMI, La Colombie et le Pérou arrivent ainsi à dégager une croissance de 2,8%, selon les prévisions de la Coface. Le Chili lui est désormais un pays développé et voit logiquement sa croissance ralentir, tout en restant proche des 2%. Un environnement des affaires favorables et des institutions solides lui ont permis de résister à la baisse des cours du cuivre, dont il est l'un des principaux exportateurs. L'OCDE voit même la croissance revenir au-dessus des 3% en 2017.