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Mais comment l'Insee calcule l'inflation?

VIDÉO - Pour calculer l'inflation, les statisticiens de l'Insee constituent une liste de produits, un panier de consommation du Français moyen. Comment est constitué ce panier? Que contient-il? Les drogues et autres services illégaux sont-ils intégrés dans le calcul? Explications.

Que trouve-t-on dans le "panier de la ménagère"? Pour calculer l’inflation ou, dans le jargon, l’indice des prix à la consommation (IPC), les instituts de statistiques composent une liste de produits dont ils suivent régulièrement l’évolution des prix. À en croire le tabloïd britannique Daily Mail, celle du consommateur français contiendrait entre autres des escargots surgelés, des spectacles de clown et des prostituées... quand celle du consommateur allemand intégrerait le prix d’un ramonage et des schnitzel. Ces éléments peuvent paraître quelque peu farfelus. Avant d'en vérifier la véracité, revenons sur la méthode employée par l’Insee pour calculer l’inflation.

"Les produits que l’on choisit n’ont a priori rien à voir entre pays européens"

Pour suivre l'évolution des prix, l’institut s’appuie sur une liste de grandes familles de biens et services appelée Coicop (pour classification de fonctions de consommation des ménages). On y trouve par exemple les "boissons rafraîchissantes" ou les "fruits". Définie à l’origine par l’ONU, l’Union européenne l’a ensuite reprise à son compte.

Les 28 Etats membres se basent sur cette nomenclature commune, mais chacun l’affine de façon à sélectionner un échantillon de produits représentatifs de ce que consomme un ménage moyen dans son pays. "Les produits que l’on choisit n’ont a priori rien à voir entre pays européens", souligne Pascal Chevalier, responsable de l’unité des prix à la consommation et des enquêtes ménage.

Il est donc normal que les produits suivis soient différents entre la France et l’Allemagne, car les consommateurs n’ont pas les mêmes habitudes d’achat d’un pays à l’autre et on ne trouve pas exactement les mêmes produits en magasin ou ailleurs.

La prostitution n’est pas suivie par les enquêteurs de l’Insee

Pour une partie de ces produits, l’Insee leur associe un point de vente pour suivre l’évolution des prix tout au long de l’année. Par exemple, chaque 12 du mois un enquêteur se rend dans un supermarché précis de Bordeaux pour relever le prix d’un kilo de pommes golden(*). Chaque mois, ce sont 200.000 prix qui sont relevés dans 30.000 points de vente répartis dans 100 agglomérations tirées au sort. À cela s’ajoutent 190.000 relevés effectués en bureau. Ils concernent des produits vendus sur internet, ou ceux dont le prix est le même partout en France, comme les paquets de cigarettes.

La prostitution et les stupéfiants font-ils partie de ces produits sélectionnés? Certes, les deux éléments figurent dans la Coicop. En revanche, l’Insee ne mesure que des prix légaux et affichés, autrement dit que l’on peut facilement obtenir en se rendant dans un point de vente. Donc, contrairement à ce qu’affirmait le journal britannique, la prostitution "n’est effectivement pas un poste suivi", assure Pascal Chevalier. Par contre, le trafic de drogue est intégré dans le calcul du PIB depuis cette année.

La liste des produits suivis n’est pas publique

Sa liste de produit, l'Insee ne la rend pas publique. "Elle n’est pas secrète non plus, si certains en ont besoin d’une partie pour des travaux de recherche on leur transmet", précise Pascal Chevalier. En-dehors de cette condition, il est impossible d’en avoir connaissance pour éviter "toute manipulation des prix par les grandes enseignes ou par les pouvoirs publics", justifie-t-il. En sachant exactement quel produit est suivi dans un magasin, des enseignes seraient tentées de baisser le prix de ce produit pour attirer des clients et compenser en augmentant le prix d’autres produits qui ne sont pas suivis par l’Insee. Ce comportement fausserait le calcul de l’inflation.

Par ailleurs, la liste est actualisée à la fin de l’année. "On va retirer des produits et en rajouter des nouveaux qui sont beaucoup consommés", explique Pascal Chevalier. Dans le courant de l’année, si un produit disparaît des rayons, les enquêteurs vont en chercher un autre, d’une marque différente, mais qui présente exactement les mêmes caractéristiques. Si le produit n'existe plus, par exemple des smartphones de quatre gigaoctets de mémoire qui seraient tous remplacés dans les rayons par d'autres de huit gigaoctets, les statisticiens vont prendre en compte cet "effet qualité" pour mesurer l’évolution des prix à qualité constante.

(*)Cet exemple a été formulé à titre d’illustration. Il n’est pas exact.

Jean-Christophe Catalon