Quand on baigne dans le "Green Business, "les entreprises responsables" et les "démarches durables" il peut devenir difficile de prendre du recul. Surtout qu'en électron libre, je détermine mes sujets de reportage ou d'articles, je cale mes invités. Evidemment je sens le poul de l'actualité du secteur, je me documente, je regarde de près la presse spécialisée mais avouons-le, quand on croit fort à des idées innovantes comme celles-ci on peut tomber dans la naiveté ou l'évangélisme. Je ne me flagelle pas tous les jours mais je veille au grain. Alors quand un petit livre décapant comme celui de Iegor Gran, "L'écologie en bas de chez moi" auteur né à Moscou et vivant en France depuis une dizaine d'années m'est offert, je me réjouis de ce précieux cadeau-poil à gratter. Après l'avoir sorti du tiroir où il végétait un peu. Tout part de la diffusion de Home de Yann-Arthur Bertrand en 2009. L'affiche dans le hall de l'immeuble de Iegor et cette phrase "ensemble nous pouvons faire la différence" lui dresse les poils des bras et d'ailleurs. Qu'est ce que c'est que cette culpabilisation permanente ? .
Laideur et ennui
Avec humour et à gros traits, il se met à assimiler la pensée écolo-bobo à une religion inavouée, une secte pas très nette voire de la propagande pour un régime autoritaire. L'auteur a le mérite de documenter son propos. Dès qu'il cite un livre ou un événement, il nous renvoie vers les précisions nécessaires. En bas de page. Au point de soulager avec ironie le moment où il ne le fait pas. Personne ne peut l'accuser de critiquer sans savoir. Et de décrire avec beaucoup de vivacité son copain Vincent qui culpabilise de ne pas en faire assez pour la planète mais roule en Break Opel , achète des magazines haut de gamme et ne restreint pas sur le shopping. Mais n'oublie pas d'aller acheter quelques légumes chez Biocoop. "consommer oui mais dans la douleur la laideur et l'ennui". Et "cette succulente manière d'employer l'adjectif responsable comme adverbe à tout faire je marche responsable, je bande responsable..."No comment..
Mais quand vous parlez, vous rejetez du CO2, non?
Évidemment l'auteur force le trait à l'envie. "Un homme sympa, écologiquement responsable, est un homme mort"; " "Est ce que le fait de rouler en voiture, de manger, de se reproduire, n'est pas déjà, quand on y pense, un "dommage à l'environnement". Le livre perd un peu de son énergie au fil des lignes mais il a bien secoué mes neurones. Il y a 4 ans aussi l'approche du développement durable n'était pas la même qu'aujourd'hui. Il le dit lui-même: faire de la compensation carbone c'était très chic. Je ne peux nier que tout n'est pas parfait. Mais désormais les entreprises préfèrent parler d'innovation que de bienfait pour l'environnement. L'enjeu est clairement économique. Et les patrons mettent tous leur sens en ébullition. Comment fabriquer un produit plus léger, plus solide, moins polluant, et qui finalement séduira ? Il y a toujours les extrémistes de l'écologie. Ceux qui font dire à Iegor Gran: "mais quand vous parlez vous rejetez du CO2, non?". Mais plutôt que d'être faussement sceptique (fosse septique, s'amuse l'auteur), je préfère être réellement optimiste. Car finalement c'est aussi une affaire de sentiments et peut-on faire du sentiment en affaires ? Et comme le dit l'auteur: c'est justement la culture et la civilisation qui viendront sauver nos misérables gueules de rats, comme elles sont venues sauver Noé."