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Comment le fisc vous contrôle

Bercy va traiter 150 millions de données concernant les 36,7 millions de contribuables

Bercy va traiter 150 millions de données concernant les 36,7 millions de contribuables - Philippe Huguen-AFP

Bercy a commencé à préparer les déclarations pré-remplies d'impôt sur le revenu qui seront adressées aux contribuables en avril. Dans le même temps, les services fiscaux continuent d'éplucher les déclarations de l'année passée pour détecter erreurs ou fraudes. Comment font-ils et avec quels moyens?

Bercy refuse de communiquer le lieu exact. Mais l'un de ses centres informatiques traite depuis quelques jours plus de 150 millions de données fiscales concernant les 36,7 millions de contribuables français.

Ces données concernent leurs salaires, leurs retraites ou les revenus de leurs placements. Elles ont été directement transmises aux services fiscaux par les entreprises, les institutions de retraite ou les banques.

Le fisc compile ces données et les intègre dans les déclarations d'impôts pré-remplies qui seront adressées aux contribuables en avril et qu'ils devront renvoyer avant la fin mai. Depuis 2006, en effet, ces derniers n'ont plus à remplir eux-mêmes leur déclaration.

Gigantesque base de données

Une corvée de moins certes, mais qui a son revers. Car cette collecte informatisée des données fiscales permet à la Direction générale des finances publiques (DGFiP) d'améliorer le contrôle des déclarations des contribuables.

Terminé en effet le " contrôle montant sur montant", qui consistait pour les inspecteurs des impôts à comparer les données inscrites par le contribuable sur sa déclaration avec celles envoyées au fisc par son employeur, sa caisse de retraite ou sa banque.

Ce travail de recoupement étant informatisé, les agents du fisc font désormais du "contrôle ciblé" selon la formule lapidaire utilisée à Bercy. En clair, plutôt que de contrôler depuis leur bureau le plus de dossiers de contribuables possible, les inspecteurs sélectionnent ceux à vérifier en priorité. Avec de meilleurs chances de viser juste...

Contrôles sur place et sur pièces

Car pendant que les ordinateurs de Bercy préparent les prochaines déclarations de revenus, les inspecteurs du fisc poursuivent activement le contrôle des déclarations des trois années précédentes. Ces contrôles sont de deux types: les contrôles dits "sur pièces" des dossiers des contribuables effectués dans les centres des impôts, et les contrôles sur place, en fait les vérifications approfondies de la situation des gros contribuables.

Dans le premier cas, les contribuables ne sont pas avertis au préalable. Ils n'ont connaissance d'un contrôle que si le fisc leur écrit pour leur demander une précision ou un document manquant. En cas d'erreur ou d'oubli, le contribuable reçoit ensuite de l'administration une proposition de rectification à laquelle il peut répondre dans les 30 jours. En revanche, pour les vérifications approfondies qui concernent les gros contribuables, le fisc doit prévenir l'intéressé avant le début du contrôle.

Logiciels de sélection des contribuables

Pour choisir les dossiers à vérifier, les inspecteurs du fisc disposent désormais de logiciels d'aide à la programmation des contrôles. L'une de ces nouvelles armes s'appelle Sirius. Ce logiciel permet de sélectionner les contribuables "à risque" de fraude importante à partir d'une base de données constituée à partir des informations collectées lors des contrôles fiscaux précédents dans toute la France. En pratique, chaque vérificateur peut donc sélectionner les dossiers à vérifier en profitant des informations de ses collègues. Ce qui lui permet de gagner du temps dans le choix des dossiers.

Visiblement, cela fonctionne puisque le nombre de contrôles fiscaux n'augmente pas alors que les sommes réclamées à l'issue de ceux-ci progressent. Elles sont ainsi passées de 13,5 milliards d'euros en 2011 à 14,3 milliards en 2013.

Data mining fiscal

Mais Bercy disposera bientôt d'une arme encore plus redoutable, basée sur le "data mining": un logiciel modélisant les "comportements frauduleux" à partir de l'exploitation automatisée de l'ensemble des données à la disposition du fisc. Après une phase de tests qui a débuté en avril, le nouveau logiciel anti-fraude devrait être bientôt utilisé à grande échelle. Il sera dans un premier temps utilisé pour la TVA. Mais les contribuables particuliers devraient à terme être concernés, comme c'est déjà le cas en Belgique ou en Italie. 

Officiellement, la vocation de ce nouveau logiciel est d'aider les services fiscaux à choisir les dossiers à vérifier avec les meilleures chances de dénicher une fraude importante. Faut-il rappeler que le gouvernement attend 900 millions d'euros supplémentaires en 2015 de la lutte contre la fraude pour réduire le déficit de l'Etat.

Sans le dire ouvertement, l'exécutif espère aussi que ce nouvel outil permettra des gains de productivité, et donc d'assumer les réductions d'effectif. Mais sur ce point, Bercy reste discret, de peur de braquer les syndicats des impôts qui dénoncent régulièrement les suppressions de postes aux Finances. 

Combien de contrôles par an ? 

> 883.491 contrôles de particuliers

> 4.159 vérifications approfondies de gros contribuables

> 188.904 contrôles de professionnels

> 1.200 dossiers de fraude transmis à la justice

> 10 milliards d'euros d'impôts récupérés après les contrôles

Source: Rapport 2014 de la DGFiP, chiffres de 2013. 

Patrick Coquidé