BFM Patrimoine
Fiscalité

Exclusif: Accor va devoir reverser 150 millions d'euros au fisc

Bercy risquait de devoir rembourser 3 milliards d'euros à une cinquantaine d'entreprises

Bercy risquait de devoir rembourser 3 milliards d'euros à une cinquantaine d'entreprises - -

Le Conseil d’Etat a dans, une décision du lundi 10 décembre, revu largement à la baisse le calcul de sommes que le fisc devait à Accor et Rhodia dans un contentieux fiscal.

Le fisc respire, tandis qu'Accor et Rhodia font la grimace. Lundi 10 octobre, le Conseil d'Etat a rendu sa décision dans un contentieux fiscal qui opposait Bercy à l'hôtelier et au chimiste. Selon la haute juridiction, les deux entreprises ont bien versé trop d'impôts au fisc. Toutefois, le trop versé n'est finalement que de 7 millions d'euros pour chaque société, qui réclamaient bien plus: 13,7 millions pour Rhodia et 156 millions pour Accor.

Les deux sociétés sont d'autant plus perdantes qu'elles avaient obtenu gain de cause devant le tribunal administratif, puis devant la Cour administrative d’appel. Mais le fisc a fini par avoir en partie gain de cause devant le Conseil d'Etat.

En pratique, le fisc, après avoir perdu devant le tribunal administratif, avait dû verser les sommes réclamées aux deux entreprises. Mais ces dernières vont donc désormais devoir rendre au fisc la majeure partie de de ces sommes. Sans compter les intérêts moratoires

Le groupe Accor a réagi dans un communiqué, disant "prendre acte de la décision" et envisager d'éventuels recours devant les juridictions européennes.Il précise que le remboursement aura un impact négatif sur sa dette nette estimée à 185 millions d'euros, à la fin 2012.

Le litige portait sur l'impôt payé sur les dividendes versés par leurs filiales européennes, durant les années 1999,2000 et 2001 pour Accor et 2001 pour Rhodia. Les deux sociétés contestaient un mécanisme fiscal appelé précompte mobilier (que Bercy finira par supprimer le 1er janvier 2005). Ce mécanisme avait pour effet d’imposer plus lourdement les dividendes de filiales européennes des groupes français que les dividendes de leurs filiales tricolores, lorsque ces dividendes étaient distribués par une société mère. Dans ce mécanisme, les filiales non françaises ne bénéficiaient pas d’avoirs fiscaux leur permettant de réduire ce précompte mobilier exigibles sur les dividendes, au contraire des filiales françaises.

Pour éclaircir cet épineux sujet, le Conseil d’Etat avait, avant de rendre sa décision, dû poser plusieurs questions préjudicielles à la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE). Questions auxquelles CJUE a répondu par un arrêt du 15 septembre 2011. Le Conseil d’Etat s’est ainsi basé sur ces réponses pour rendre sa sentence.

Des restitutions revues à la baisse

Verdict de la Cour de justice européenne: le régime n'était pas compatible avec le droit européen, car il violait le principe de libre circulation des capitaux, ainsi que celui de la liberté d’établissement. Deux principes fondamentaux de l’Union européenne. Ce qui, concrètement, signifie qu’Accor et Rhodia ont eu raison de réclamer des trop perçus au fisc.

Sauf que, bien mauvaise nouvelle, se fondant sur les réponses de la CJUE, le Conseil d’Etat a revu drastiquement à la baisse les montants auxquels les entreprises devaient initialement avoir droit.

La haute juridiction a estimé que le tribunal admnistratif comme la cour administrative d’appel s’étaient montrés bien trop généreuses avec les deux sociétés et avait retenu des sommes à restituer beaucoup trop élevées. En effet, leurs décisions revenaient à avantager largement les filiales européennes par rapport aux françaises.

3 milliards d'euros en jeu

Ce qui évidemment est apparu inacceptable aux yeux du Conseil d’Etat, qui a revu à la baisse le calcul des restitutions, pour que toutes les filiales aient le même traitement, conformément au droit européen.

Cette décision devrait faire jurisprudence, car, marchant sur les traces d'Accor et Rhodia, une cinquantaine d’entreprises ont réclamé au fisc près de trois milliards d’euros au total. Ainsi, Suez avait obtenu 618 millions d'euros, Alcan plus de 49 millions, et Valéo 21,6 millions. A noter qu'en 2006, Rhodia avait cédé cette créance fiscale à la Société générale. On ne sait donc pas si c'est le chimiste ou la banque qui devra rembourser l'Etat. De même, la banque de la Défense avait aussi racheté les créances de Suez.

Julien Marion