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Interview: "le taux du livret A est politique" selon le secrétaire général du Cercle de l'épargne

Le livret a un taux d'intérêt reel qui reste positif ce qui n'était pas le cas dans les années 80-90.

Le livret a un taux d'intérêt reel qui reste positif ce qui n'était pas le cas dans les années 80-90. - -

Economiste et secrétaire général du Cercle de l'Epargne, Philippe Crevel revient sur la baisse du taux du Livret A à 1%, décidée par le gouvernement jeudi 10 juillet. Il explique que l'exécutif a choisi de "couper la poire en deux" pour tenir compte des différentes contraintes.

Jamais le Livret A n'était descendu aussi bas dans l'absolu. Jeudi 10 juillet, le ministre des Finances, Michel Sapin a choisi de ne pas suivre les recommandations de la Banque de France, en limitant la baisse du taux de ce livret, de 1 à 1,25%, alors que la chute aurait pû être plus lourde, à 0,75% voire 0,50%, dans le cas où la formule de calcul aurait été respectée. Le taux facial n'en atteint pas moins un plus bas historique.

Quelles conséquences pour la collecte et l'intérêt des épargnants? Elements de réponse avec Philippe Crevel, économiste et secrétaire général du Cercle de l'Epargne.

> Le gouvernement a-t-il eu raison de limiter la baisse du taux?

"Le taux du livret A est un taux politique. On a bien vu le 1er février dernier que le gouvernement n'a pas suivi la formule pour des raisons électoralistes. Passer sous un taux inférieur à 1% aurait ainsi été symboliquement fort. De plus, on observe depuis trois mois une décollecte sur le livret A. Franchir ce seuil de 1% aurait donc provoqué des conséquences sur la collecte.

Le gouvernement a ainsi choisi de couper la poire en deux et de tenir compte de l'intérêt pour la collecte, de l'intérêt des épargnants mais aussi des taux très bas du marché, notamment pour financer le logement".

> Même à 1%, le livret A reste-t-il attractif?

"Il y a deux façons de voir les choses. La baisse du taux du Livret A entraîne une diminution du rendement de l'épargne. Pour un Livret de 4.000 euros, soit l'encours moyen, cela représente une perte sur un an de 10 euros. Pour un Livret A rempli au plafond (22.950 euros) on parle d'une perte de 60 euros par an. Ce n'est pas négligeable.

Après le gouvernement a expliqué que l'inflation ayant baissé, le rendement réel du livret A n'a pas diminué. Il n'a pas totalement tort. Dans les années 80-90, on perdait de l'argent en plaçant sur le Livret A car l'inflation était alors supérieure au taux de rendement. Aujourd'hui on en gagne, mais pas beaucoup".

> Comment voyez-vous évoluez la collecte?

"Depuis un an, il y a un phénomène de yo-yo, avec une décollecte à peu près un mois sur deux. Ce mouvement va se poursuivre car le Livret A est l'antichambre du compte courant des Français. Et ces derniers ajustent de plus en plus leur épargne en fonction de leurs besoins (impôts, vacances). Par ailleurs, les Français laissent de plus en plus d'argent sur leur compte courant et placent de moins en moins. On risque donc de se situer sur une collecte faible ou négative".

Julien Marion