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Le chèque, une exception française qui survit envers et contre tout

Ce mode de paiement est considéré comme coûteux, obsolète et peu fiable. Mais il reste populaire en France où il fait l'objet d'une vive bataille entre le gouvernement et les parlementaires dans le cadre de l'examen du projet de loi Sapin II.

Guerre ouverte autour du chèque. Si le chèque est voué à disparaître depuis des années sous l'impulsion des pouvoirs publics, ses inconditionnels, comme les entreprises, le plébiscitent à l'inverse pour sa gratuité et ses facilités de trésorerie. Le projet de loi Sapin II prévoyait de réduire de un an à six mois à partir de juillet 2017 la durée de validité de ce moyen de paiement. Fin septembre, les députés ont rétabli, contre l'avis du gouvernement, la durée de validité du chèque à 12 mois. Le gouvernement ne lâche pas l'affaire puisqu'il propose un amendement réintroduisant la mesure qui réduira la validé à 6 mois. Ce nouvel amendement sera examiné par le Sénat le 3 novembre.

Quatrième moyen de paiement en Europe, le chèque est une exception française. En 2013, près de 71% des chèques émis dans l'Union européenne l'ont été en France. Un Français utilise en moyenne près de 37 chèques par an, contre 11 pour un Anglais et moins de un (0,38) pour un Allemand, indiquait le ministère des Finances dans un rapport en 2015. Toutefois, son utilisation décroît régulièrement, en moyenne de 4 à 5% par an. Selon les données de la Banque de France, en 1975, le chèque représentait 75% des paiements contre 12% en 2014.

"C'est un dinosaure de la banque !"

Depuis 2010, les pouvoirs publics ont multiplié les initiatives afin de définir une stratégie pour, officiellement, "accompagner le développement de nouveaux moyens de paiement" et, selon un acteur bancaire souhaitant garder l'anonymat, "en finir avec le chèque qui coûte trop cher à tout le monde". Et les mesures œuvrant en ce sens ont fleuri ces trois dernières années telles que l'obligation de paiement des notaires par virement au-delà de 3.000 euros, le plafonnement du paiement par chèque de créances publiques limité à 300 euros, la généralisation progressive des paiements dématérialisés à destination du secteur public.

Cette micro-lettre de créance, adoptée en France au XIXe siècle, oppose plusieurs camps. "C'est un dinosaure de la banque !", s'exclame auprès de l'AFP un analyste du secteur, rapportant que "les banquiers se demandent comment s'en débarrasser" vu son coût en termes de traitement. Il est considéré comme coûteux pour les banques, obsolète, pas assez fiable.

Selon un rapport commandé par Bercy et publié en 2012, la mise à disposition et l'utilisation gratuite des chèques coûtaient aux banques françaises environ 2,5 milliards d'euros alors que les cartes bancaires représentaient un revenu au moins équivalent (2,6 milliards).

Pas d'autres dispositifs

Même si "les particuliers ont de moins en moins de blocages envers les nouveaux moyens de paiements, le chèque est encore très utilisé par les professionnels, TPE, PME et indépendants", explique à l'AFP Reine-Claude Mader, présidente de l'association de consommateurs CLCV. "Si on proposait des alternatives à un coût raisonnable, elles seraient adoptées mais nous ne sommes pas prêts à abandonner l'usage du chèque dans les relations inter-entreprises parce qu'on touche à un point essentiel qui est la trésorerie", défend pour sa part Guilhem Darré, délégué général du Syndicat des indépendants. "Le chèque permet de gagner un peu de temps", ajoute-t-il, rappelant que 30% des TPE ont des difficultés de trésorerie.

Pour l'Union professionnelle artisanale (UPA), "le secteur bancaire n'a pas communiqué dans le sens de la dématérialisation, ni su mettre en place d'autres dispositifs faciles et peu coûteux", déplore son secrétaire général Pierre Burban. Les deux syndicats pointent le coût élevé de la location et de la mise à jour des terminaux de paiement mobile. "Il faut une incitation" au paiement dématérialisé, plaide Pierre Burban, qui constate aussi un problème de couverture du haut débit sur l'ensemble du territoire.

Les camps opposés s'accordent sur un point: le chèque ne disparaîtra pas du jour au lendemain.

D. L. avec AFP