BFM Patrimoine
Immobilier

Les organismes HLM mettent leur menace à exécution

Fermement opposés à la réforme des aides personnalisées au logement, de nombreux bailleurs sociaux ont décidé de suspendre leurs nouveaux programmes de construction de HLM. Si le mouvement s'amplifie, ils risquent de bloquer toute la chaîne de production, y compris dans le privé.

Les organismes HLM tiennent leur promesse. Chaque jour ou presque, de nouveaux bailleurs sociaux dans toutes les régions de France annoncent le gel de leur production de logements. Leur objectif: forcer le gouvernement à renoncer à la baisse couplée des APL et des loyers. Une réforme qui doit coûter l'an prochain 1,7 milliard d'euros aux bailleurs sociaux.

Ces derniers jours, la presse régionale s'en fait le relais quasi quotidiennement: "La production HLM gelée à cause des APL", titrait encore hier la Dépêche du midi. Dans l'ex-région Midi-Pyrénées, 19 organismes ont décidé de suspendre leurs programmes dans l'agglomération toulousaine. Même constat en Loire-Atlantique où les 15 bailleurs sociaux du département ont décidé unanimement de stopper le lancement de nouveaux programmes, raconte Ouest-France. Dans la région, ce sont 4000 logements qui pourraient finalement ne pas sortir de terre. Dans le Centre, les derniers arbitrages en ce sens sont en cours, tout comme dans les Hauts-de-France.

Ces décisions risquent d'avoir un impact considérable sur toute la chaîne de production. Les promoteurs ne manquent pas de le rappeler, la plupart de leurs programmes privés doivent comporter 25 à 30% de logements sociaux, faute de quoi l'ensemble du projet immobilier ne verra pas le jour.

Une réforme de moins en moins tenable

Derrière cette menace sur la construction, l'intégralité de cette réforme paraît de moins en moins tenable pour le gouvernement. D'autant que les HLM ont une "capacité de nuisance": en gelant la production de logement sociaux, ils peuvent bloquer toute la chaîne de production, y compris celle du parc privé.

Non seulement les bailleurs sociaux menacent un pan de l'économie française, mais ils s'entourent aussi dans leur combat des autres puissants lobbys que sont les promoteurs, les professionnels du bâtiment et même les élus locaux. En effet, certains d'entre eux sont actionnaires des offices HLM, tandis que d'autres voient leurs programmes immobiliers menacés. La pression contre le gouvernement est donc extrêmement forte.

Autre frein potentiel à cette réforme: le risque constitutionnel. Même si la réforme devait être maintenue en l'état et votée dans le budget, rien ne dit que le Conseil constitutionnel ne s'y opposera pas, au nom de la liberté contractuelle qui protège les bailleurs privés comme sociaux. Enfin, dernier élément qui pourrait forcer le gouvernement à revoir sa copie: l'applicabilité de cette réforme.

La baisse des loyers pourrait prendre plus de temps

"Si la baisse des APL pour les allocataires du parc social pourrait se faire de manière quasi immédiate dès le 1er janvier 2018, la baisse des loyers accordée en parallèle par les organismes HLM pourrait, elle, prendre plus de temps", nous explique-t-on à l'Assemblée nationale.

Il faudra non seulement que les décrets d'application soient publiés, mais aussi que les différents bailleurs aient pu calculer précisément la baisse du loyer qu'ils devront consentir ménage par ménage. En clair, nous confie un député, cela pourrait prendre cinq à six mois. Or il est difficile, voire impossible même, d'imaginer que l'exécutif assume une baisse des APL aussi forte sans compensation immédiate pour les locataires.

En attendant, au sein de la majorité LREM, la ligne n'a pas encore bougé. "Il n'est pas question de renoncer à l'article 52 du projet de loi de finances" (celui sur la réforme des aides au logement et de la politique des loyers dans le parc social, NDLR), nous dit-on, malgré l'appel de l'opposition à un moratoire sur le sujet.

Marie Coeurderoy édité par J.Mo.