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PEA, épargne salariale: nouvelle menace pour les épargnants

Les épargnants feront face à l'incertitude sur leurs produits d'épargne

Les épargnants feront face à l'incertitude sur leurs produits d'épargne - Luxstorm - Pixabay -CC

Dans un amendement au projet de loi de Finances pour la Sécurité sociale, le gouvernement a introduit une disposition qui pourrait rendre moins avantageux le PEA mais aussi certaines formules d'épargne salariale.

Le diable se cache souvent dans les détails. Et dans un projet de loi, d'importants changements sont parfois glissés au détour d'une phrase dont seul un juriste expérimenté comprend immédiatement toute la portée.

Dans le PLFSS (projet de loi de Finances de la Sécurité sociale), un article indiquait ainsi que le gouvernement comptait mettre fin aux "taux historiques". Explication: sur le PEA et certains produits d'épargne (le Perco et les PEE) lorsque l'épargnant débloque son épargne, il paie des prélèvements sociaux selon un mode de calcul compliqué mais, aujourd'hui, favorable aux épargnants. Ce n'est pas le taux actuel de 15,5% qu s'applique sur l'ensemble des gains, mais le taux qui était en vigueur à chaque fraction de gain perçue année après année.

Si, par exemple, un PEA a généré un gain de 7% en 1998, c'est le prélèvement en vigueur à l'époque (10%) qui va s'appliquer. Et ainsi de suite chaque année, en sachant que depuis 1998, le taux de ces prélèvements a évolué neuf fois! Pour calculer les prélèvements sociaux, il faut donc décomposer les gains, année après année, et appliquer à chaque fois le taux adéquat.

Un amendement qui change tout

Le gouvernement voulait donc en finir avec ce système complexe pour taxer l'ensemble des gains au taux où les gains sont liquidés par l'épargnant. Devant la bronca suscitée par cette mesure, le gouvernement avait assuré qu'il ferait marche arrière en conservant le système actuel.

Sauf que dans un amendement déposé au PLFSS, le gouvernement vient encore de changer son fusil d'épaule. Concrètement, pour tous les gains enregistrés avant le 1er janvier 2018, le mécanisme des taux historiques continuerait de prévaloir. Mais pour tous les gains perçus après cette date, le taux en vigueur lors de la sortie du produit par l'épargnant s'appliquerait.

Exemple: si un épargnant enregistre un gain de 7% sur son Perco en 2018 mais débloque son plan d'épargne en 2025, ce sera le taux de prélèvement de 2025 qui s'appliquera et non celui de 2018: à savoir 17,2% puisqu'il inclut la hausse de CSG de 1,7 point au 1er janvier. Il suffit qu'entre-temps l'exécutif ait augmenté les prélèvements sociaux une ou plusieurs fois pour que l'épargnant soit pénalisé.

Des nuances subtiles

Voilà pour le principe global. À cela s'ajoutent des subtilités qui dépendent du produit d'épargne. Pour les Perco, ce mécanisme s'applique exactement comme décrit précédemment jusqu'au jour du rachat du plan. "Je dois donc prendre un pari fiscal long, sans savoir la sauce à laquelle je serai mangé le jour de ma retraite: incertitude totale", résume Jérôme Dedeyan, associé fondateur de Eres.

Pour les PEA, il faut prendre en compte un détail qui n'est pas anodin. Ceux qui ont été signés il y a moins de cinq ans vont continuer à bénéficier des taux historiques jusqu'au cinquième anniversaire de leur date d'ouverture. Ainsi, si un PEA a été ouvert le 1er janvier 2015, les gains perçus jusqu'au 1er janvier 2020 continueront d'être taxés en suivant le principe des taux historiques. Après, ils seront imposés aux taux de prélèvements de la date de clôture du PEA.

Le problème est que, concrètement, cette nouvelle législation incite les épargnants à ne pas conserver leur portefeuille de titres sur le long terme. Ils sont au contraire incités à clore leur plan après cinq ans pour éviter un éventuel alourdissement des prélèvements. Ce qui est pour le moins contradictoire avec la volonté de l'exécutif d'inciter davantage les épargnants à apporter de l'argent frais aux entreprises sur le long terme.

Des sommes pas anodines

Enfin concernant le PEE, ce sont cette fois les versements qui bénéficient du délai de cinq années. "La subtilité est que, comme le blocage est de cinq ans, sur chaque versement il y a maintien des taux historiques jusqu’à la cinquième année révolue des versements faits entre 2013 et 2017 avant application de la mesure", décrypte Jérôme Dedeyan. Mais, là encore, l'épargnant est incité à sortir dès que les cinq années de blocage sont échues sur chacun des versements (donc en 2022). "Dans les faits cela incitera les épargnants salariés français à garder leur épargne salariale cinq ans au lieu des neuf ans actuellement constatés", poursuit Jérôme Dedeyan.

Si le dispositif ressemble quelque peu à une usine à gaz, l'enjeu n'est pas anodin. Et peut coûter cher à l'épargnant. Eres s'est ainsi livré à un calcul. Si l'on avait appliqué cette mesure dès les années 90, un épargnant qui aurait ouvert un PEA en 1996, avec des versements réguliers et en tenant compte de l'évolution du CAC 40, aurait acquitté 23% d'impôts en plus sur les plus-values. Pour un épargnant qui aurait ouvert un PEE depuis 2012 avec régulièrement de l'intéressement ou de la participation et 5% de rendement annuel, le supplément d'impôt aurait été de 11%.

Contacté, le ministère de l'Action et des Comptes publics nous a répondu que "la suppression des taux historiques pour l'avenir est une mesure de simplification qui permet d'éviter de continuer à faire vivre différentes strates de taux de CSG. Elle ne s'applique que pour les gains issus des placements à compter du 1er janvier 2018. Dans le futur, cela permettra aux placements de profiter pleinement d'une baisse du taux, il n'y a pas que des aléas à la hausse". 
Julien Marion