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Pourquoi le riche américain est plus généreux que son alter ego français

Marck Zuckerberg et son épouse Priscilla

Marck Zuckerberg et son épouse Priscilla - Facebook

Mark Zuckerberg vient de s'engager à léguer 99% de ses actions Facebook à une fondation. Une démarche qui reste rare en France. Explications d'Hervé Israël, avocat associé au cabinet DLA Piper.

BFM Business: les patrons américains multiplient les dons importants à des fondations, le dernier exemple en date étant Mark Zuckerberg. Pourquoi ne constate-t-on pas cela en France?

Hervé Israël: si l’on donne moins en France, c’est d’abord pour des raisons fiscales. Chez nous, ces dons peuvent être déduits de l’impôt sur le revenu, mais jusqu’à un certain plafond. Au-delà d’un certain seuil, les dons sont soumis à des droits de donation, alors qu’il n’y a pas de droits de donation dans d’autres pays européens, comme l’Italie ou la Belgique. Toutefois, en France, les dons à des fondations sont exonérés de droits de donation si la fondation est reconnue par l’Etat.

Certains donateurs mettent en place des montages permettant de séparer l'usufruit et la nue propriété. Quel est l'intérêt?

Cette solution permet de donner l’usufruit d’un actif (actions…) à une fondation, tout en en gardant la nue propriété. Ce legs partiel permet de ne plus percevoir les revenus de son actif, et donc de n’être plus imposé sur ces sommes. De son côté, la fondation est également exonérée d’impôt sur ces revenus. Et si la fondation décide de revendre cet actif, elle n'a pas non plus à payer d’impôt sur l’éventuelle plus-value ainsi générée.

Y'a-t-il des raisons autres que fiscales?

Oui. En France, vous perdez le contrôle de l’utilisation des sommes données à des fondations. Vous avez juste le droit d’avoir un siège au conseil d’administration de la fondation, mais le reste du conseil doit être constitué de personnalités indépendantes. Tandis qu’aux Etats-Unis, Bill Gates par exemple dirige sa fondation et décide de tous les choix d’investissement.

Le problème du rapport à l'argent

Invité de L'heure H sur BFM Business, Francis Charhon, directeur général de la Fondation de France, a expliqué que les systèmes français et américains étaient "très différents".

D'abord, "la France a une culture très étatique, où l'Etat fait tout. Alors qu'aux Etats-Unis l'Etat est moins présent, et les Américains se demandent ce qu'ils peuvent faire pour leur pays, et vont rendre ce qu'ils ont gagné".

Ensuite, "en France, vous ne pouvez pas déshéritez vos enfants", auxquels ont doit laisser 50% à 75% de ses biens, selon le nombre d'enfants

Surtout, se pose en France "le problème du rapport à l'argent. Pendant longtemps, quand quelqu'un donnait de l'argent pour de la philanthropie, on lui disait que c'était pour se faire plaisir, pour épargner de l'impôt... En gros, c'était un outil de personnes riches pour défiscaliser".

Mais la culture de la philanthropie privée "a progressé ces dernières années", et "se développe de façon extrêmement importante", avec des "grosses fondations" telles que celle des Bettencourt ou de Bernard Arnault.

Jamal Henni