100 jours pour bien réussir une fusion


Dans le cas d’une fusion, une centaine de jours sont nécessaires pour réussir l’opération. Le directeur financier et ses équipes sont en première ligne. Ils doivent mettre en place une culture cash pour obtenir rapidement un langage de communication commun.
L’année 2015 a marqué un nouveau record pour le nombre de fusions et acquisitions déclarées. Le cabinet Dealogic en a compté plus de 38.000. Toutefois, de nombreuses opérations annoncées ne parviennent pas à terme. Ainsi, les grandes fusions transnationales, imaginées aux États-Unis pour réduire une facture fiscale conséquente, ont été mises à mal par l’activisme de l’Administration Obama. Pfizer, qui devait fusionner avec Allergan pour un équivalent de 160 milliards de dollars, a repoussé sine die son opération.
Ce sont là des cas extrêmes. Dans la vie des entreprises, une fusion permet d’allouer du capital à une croissance externe, c’est-à-dire d’accélérer son développement tout en essayant de pérenniser la rentabilité des investissements.
Voilà pour la théorie. Dans la pratique, le temps est un élément clef. On évoque généralement une période de cent jours à réussir absolument. D’aucuns font démarrer cette période à la date du "closing". D’autres situent le point de départ six semaines avant le "closing", lorsque les négociations sont non seulement bien engagées, mais sur le point d’aboutir. Cette seconde hypothèse est sans doute plus pertinente, car elle prend en compte les étapes techniques obligées avant le closing. En effet, il faut avertir sinon obtenir l’autorisation de réaliser l’opération auprès de nombreux organismes internes ou externes aux deux entreprises : autorités boursières, dans le cas de sociétés cotées, autorités de la concurrence si la fusion doit renforcer des parts de marchés, organisations représentatives de la force de travail dans plusieurs pays.
Le cloud pour partager les données
À chaque étape, la direction financière est à la barre. Outre ce qui est requis par la loi, elle doit s’assurer que les différentes parties prenantes des deux sociétés sont bien informées et qu’elles adhèrent à l’opération souhaitée. On pense bien sûr à la force de travail, aux investisseurs, aux clients et même aux fournisseurs. Présenter, séduire et convaincre est un triptyque à bâtir. Sa bonne facture dépend de multiples simulations réalisées en amont par la direction financière.
Les fondations se doivent d’être solides. Ainsi, les deux conseils d’administration des sociétés se devront d’évaluer plusieurs scénarios et simulations de comptes de résultat et de bilans avant de rendre publique leur décision. Pour y parvenir, deux solutions sont possibles, la mauvaise, qui fait appel à l’utilisation intense de tableurs informatiques, et la bonne, qui doit reposer sur un moteur de calcul puissant dans le cloud, naturellement collaboratif. La première (la mauvaise) est source d’erreurs répétées (les deux sociétés travaillent sur des sources de données différentes) ; la seconde (la bonne) offre une vision unifiée et intégrée du compte de résultat, du bilan, des projets d’investissement et de la force de travail. La première (la mauvaise) offre un médiocre brouillon d’une feuille de route ; la seconde (la bonne) permet non seulement d’élaborer un plan d’action, mais aussi de l’ajuster, plus tard, à la réalité du marché. Pour résumer, promettre vaguement quelques économies d’échelle et de la croissance séduira moins les investisseurs, les clients et les employés qu’un engagement ferme et documenté d’expansion.
Le risque: appauvrir ses actionnaires
Derrière tout projet de fusion, il y a une vision. Pour toute fusion réussie, il y a une exécution sans faille pilotée par la direction financière. À l’image du barreur d’un voilier de course, le directeur financier doit compter sur ses équipiers. Dans son entreprise, le meilleur moyen d’y parvenir est d’instaurer rapidement une culture cash, qui prendra le pas sur deux cultures d’entreprise forcément différentes. Communiquer sur la position cash à la banque chaque vendredi soir permet aux équipes d’être sensibilisées sur ce sujet et faire parvenir l’information au plus près du terrain. Opex et Capex deviennent alors beaucoup plus faciles à décider sinon à justifier. Quand bien même il s’agit de deux entreprises qui emploient un total de 20.000 personnes ou plus.
Une fusion n’est pas seulement une optimisation du cash a posteriori. Cette idée doit être ancrée dès le départ dans l’esprit de la direction financière. En effet, si l’on oublie le cas hypothétique d’une fusion d’égal à égal, on a toujours un acheteur et un vendeur.
L’acheteur dispose de plusieurs moyens de financement pour réaliser son opération. Il peut payer en cash, il peut payer avec ses propres actions, il peut payer en obligations ou avec une forme de dette, il peut proposer un mélange des trois actifs. Éventuellement, la vente d’actifs qui apparaîtront non stratégiques post-fusion peut lui permettre de solliciter une ligne de crédit auprès des banques.
Utiliser ses propres actions si on est le directeur financier d’une société cotée en bourse et dotée d’un multiple de capitalisation élevé semble une voie naturelle pour payer le vendeur. Or, "c’est le plus sûr moyen d’appauvrir ses actionnaires" a expliqué en substance le célèbre investisseur américain Warren Buffet (en 2009 dans sa lettre aux actionnaires de Berkshire Hathaway). Un échange d’action revient à diluer les actionnaires existants en accueillant de nouveaux actionnaires (ceux du vendeur). Le cash et le crédit, si le coût de ce dernier est "raisonnable", sont le meilleur moyen de créer de la valeur pour les actionnaires de l’acheteur. Là encore, le tableur et ses capacités limitées ne sont pas une option sérieuse à retenir pour simuler les diverses hypothèses de financement.
Cependant, la valeur de la culture cash insufflée par la direction financière prendra alors tout son sens. Dans le cas d’un recours à l’endettement, les banquiers seront rassurés par ces bonnes dispositions et pourront envisager d’autres formes plus créatives de financement comme la titrisation de créances client ou la création de sociétés foncières.
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