1966-1967. Le Plan calcul assurera l'indépendance informatique française
Le Plan calcul répond aux désirs d'autonomie exprimés par le président de la République ?" Il prévoit en particulier la création de l'IRIA et de la CII, compagnie privée mais aidée par l'État.
13 avril 1967
Les bases du Plan calcul sont enfin posées. Il aura fallu six mois à M. Robert Galley, délégué général informatique, pour mettre la dernière main à l'édifice technologique national et réunir les signatures des principales entreprises informatiques françaises. Depuis 1963, et le refus américain ?" sous couvert de politique anti-prolifération nucléaire ?" de vendre de grands systèmes à la France la question de l'autonomie française en matière de traitement de l'information, et donc de défense, est devenue brûlante. Le plan calcul voulu par le Général De Gaulle démarre donc, avec une certaine modestie néanmoins. Les crédits d'étude qui lui sont attribués sont en effet de l'ordre de 100 millions de francs, auxquels devraient s'ajouter quelque 500 millions supplémentaires au cours des quatre années à venir. Il ne s'agit pas de se jeter à corps perdu dans une course à la performance avec les Américains, course dans laquelle nous enregistrons chaque jour un retard plus important, mais bien de poser les bases de la troisième génération d'ordinateurs, qui verront le circuit intégré prendre le pas sur le transistor. Le Plan quinquennal s'appuie notamment sur la création d'un organisme public de recherche, l'Institut de recherche en informatique et en automatique (Iria), et d'une compagnie privée, mais aidée par l'État, qui bénéficiera à cet égard d'une préférence dans l'attribution de marchés, la Compagnie internationale d'informatique (CII). Cette dernière, adossée aux fleurons des entreprises technologiques nationales, comme la Compagnie Française Thomson-Houston, aura pour mission de réaliser quatre systèmes civils et militaires (les P0, P1, P2 et P3) pour s'imposer, selon les termes de M. Galley, comme ' un acteur majeur de ce nouveau secteur ' à l'orée de 1972.
Bull a décidément toutes les peines du monde à tirer un réel bénéfice de son association avec l'américain General Electric, un accord qui avait suscité une vive controverse lors de sa conclusion, donnant naissance à la fameuse ' affaire Bull '. Dernier avatar de cette relation tumultueuse : le GE 140, dont le lancement a été maintes fois reporté, ne verra finalement jamais le jour. On attendait pourtant beaucoup de ce calculateur, annoncé comme ' le plus apte actuellement au télétraitement ', et qui avait reçu un avis très favorable lors du dernier Sicob. Las, les relations difficiles entre Bull et General Electric, combinées aux exigences toujours croissantes d'Olivetti, l'autre partenaire de GE en Europe, ont eu raison de la série 140 à laquelle on aura préféré le GE 400, développé aux États-Unis et qui vise le même segment de marché. Ce qu'on appelle déjà ' la seconde affaire Bull ' semble en appeler de prochaines, tant les retombées économiques de cette annulation s'annoncent lourdes à supporter pour l'entreprise française. On continue en outre de s'interroger sur le bien-fondé de l'association avec General Electric, qui semble plus intéressé par le réseau de distribution de Bull que par ses compétences techniques.
L'arrivée des ordinateurs de troisième génération va bouleverser l'organisation des façonniers, ces firmes spécialisées dans le traitement de l'information. Jusqu'en 1950, seuls les constructeurs et quelques cabinets comptables, à même de justifier le recours à de gros systèmes, effectuaient des travaux mécanographiques pour le compte de tiers. L'apparition de ces nouveaux ordinateurs, plus petits, et surtout moins onéreux, va permettre le développement d'une nouvelle génération de façonniers. L'entreprise qui a des besoins mécanographiques devra d'abord déterminer si elle a l'usage d'un ordinateur (une sous-utilisations'avère une aberration sur le plan économique et entraîne des perturbations sur le marché) et, dans la négative, si le recours à un façonnier lui assurera un service identique à un coût moindre. Le façonnier de demain devra donc remplir les critères suivants : gros ordinateur de la troisième génération, bureau d'études étoffé et surtout action commerciale importante pour alimenter la machine jusqu'à sa limite de saturation afin d'abaisser les coûts et de pouvoir offrir un tarif attractif. Ces conditions sont essentielles pour lui permettre de faire face à la transformation en profondeur du marché, et à l'augmentation prévisible du volume d'affaires. Les façonniers qui sauront s'adapter à cette donnée auront gagné la partie.
Un ingénieur américain, Jim Sutherland, a conçu le premier ordinateur destiné aux tâches ménagères. L'Echo IV (pour Electronic Computing for Home Operations), installé dans le sous-sol de sa maison de Pittsburgh, se compose de quatre armoires et d'une console accessible depuis la cuisine. L'Echo IV, qui mesure 1,82 m de haut, 2,12 m de large et 61 cm de profondeur, est élégamment enchâssé dans un boîtier en acajou. Reste désormais à le programmer pour exploiter l'ensemble de ses fonctions : tenue des stocks des produits d'entretien et des denrées alimentaires, ou gestion du budget familial. Une concurrence qui n'effraie pas Mme Sutherland, pour qui la maîtresse de maison n'a pas à redouter la présence de l'ordinateur. Elle estime que ce nouveau venu n'est, après tout, qu'une machine destinée à exécuter des instructions et qui lui fera gagner un temps précieux. Faudra-t-il un jour se résoudre à partager sa vie avec un ordinateur ?
Les bases du Plan calcul sont enfin posées. Il aura fallu six mois à M. Robert Galley, délégué général informatique, pour mettre la dernière main à l'édifice technologique national et réunir les signatures des principales entreprises informatiques françaises. Depuis 1963, et le refus américain ?" sous couvert de politique anti-prolifération nucléaire ?" de vendre de grands systèmes à la France la question de l'autonomie française en matière de traitement de l'information, et donc de défense, est devenue brûlante. Le plan calcul voulu par le Général De Gaulle démarre donc, avec une certaine modestie néanmoins. Les crédits d'étude qui lui sont attribués sont en effet de l'ordre de 100 millions de francs, auxquels devraient s'ajouter quelque 500 millions supplémentaires au cours des quatre années à venir. Il ne s'agit pas de se jeter à corps perdu dans une course à la performance avec les Américains, course dans laquelle nous enregistrons chaque jour un retard plus important, mais bien de poser les bases de la troisième génération d'ordinateurs, qui verront le circuit intégré prendre le pas sur le transistor. Le Plan quinquennal s'appuie notamment sur la création d'un organisme public de recherche, l'Institut de recherche en informatique et en automatique (Iria), et d'une compagnie privée, mais aidée par l'État, qui bénéficiera à cet égard d'une préférence dans l'attribution de marchés, la Compagnie internationale d'informatique (CII). Cette dernière, adossée aux fleurons des entreprises technologiques nationales, comme la Compagnie Française Thomson-Houston, aura pour mission de réaliser quatre systèmes civils et militaires (les P0, P1, P2 et P3) pour s'imposer, selon les termes de M. Galley, comme ' un acteur majeur de ce nouveau secteur ' à l'orée de 1972.
Déjà, la seconde affaire Bull
Le GE 140 ne verra jamais le jour ?" Le rapprochement avec l'Américain Genéral Electric était-il la bonne solution ?2 décembre 1966Bull a décidément toutes les peines du monde à tirer un réel bénéfice de son association avec l'américain General Electric, un accord qui avait suscité une vive controverse lors de sa conclusion, donnant naissance à la fameuse ' affaire Bull '. Dernier avatar de cette relation tumultueuse : le GE 140, dont le lancement a été maintes fois reporté, ne verra finalement jamais le jour. On attendait pourtant beaucoup de ce calculateur, annoncé comme ' le plus apte actuellement au télétraitement ', et qui avait reçu un avis très favorable lors du dernier Sicob. Las, les relations difficiles entre Bull et General Electric, combinées aux exigences toujours croissantes d'Olivetti, l'autre partenaire de GE en Europe, ont eu raison de la série 140 à laquelle on aura préféré le GE 400, développé aux États-Unis et qui vise le même segment de marché. Ce qu'on appelle déjà ' la seconde affaire Bull ' semble en appeler de prochaines, tant les retombées économiques de cette annulation s'annoncent lourdes à supporter pour l'entreprise française. On continue en outre de s'interroger sur le bien-fondé de l'association avec General Electric, qui semble plus intéressé par le réseau de distribution de Bull que par ses compétences techniques.
Tendances : quel avenir pour l'informatique à façon ?
Des ordinateurs plus accessibles ?" Un marché en pleine expansion ?" Les façonniers devront s'adapter.Octobre 1966L'arrivée des ordinateurs de troisième génération va bouleverser l'organisation des façonniers, ces firmes spécialisées dans le traitement de l'information. Jusqu'en 1950, seuls les constructeurs et quelques cabinets comptables, à même de justifier le recours à de gros systèmes, effectuaient des travaux mécanographiques pour le compte de tiers. L'apparition de ces nouveaux ordinateurs, plus petits, et surtout moins onéreux, va permettre le développement d'une nouvelle génération de façonniers. L'entreprise qui a des besoins mécanographiques devra d'abord déterminer si elle a l'usage d'un ordinateur (une sous-utilisations'avère une aberration sur le plan économique et entraîne des perturbations sur le marché) et, dans la négative, si le recours à un façonnier lui assurera un service identique à un coût moindre. Le façonnier de demain devra donc remplir les critères suivants : gros ordinateur de la troisième génération, bureau d'études étoffé et surtout action commerciale importante pour alimenter la machine jusqu'à sa limite de saturation afin d'abaisser les coûts et de pouvoir offrir un tarif attractif. Ces conditions sont essentielles pour lui permettre de faire face à la transformation en profondeur du marché, et à l'augmentation prévisible du volume d'affaires. Les façonniers qui sauront s'adapter à cette donnée auront gagné la partie.
Prospective : l'Echo IV, premier ordinateur ménager
Octobre 1966Un ingénieur américain, Jim Sutherland, a conçu le premier ordinateur destiné aux tâches ménagères. L'Echo IV (pour Electronic Computing for Home Operations), installé dans le sous-sol de sa maison de Pittsburgh, se compose de quatre armoires et d'une console accessible depuis la cuisine. L'Echo IV, qui mesure 1,82 m de haut, 2,12 m de large et 61 cm de profondeur, est élégamment enchâssé dans un boîtier en acajou. Reste désormais à le programmer pour exploiter l'ensemble de ses fonctions : tenue des stocks des produits d'entretien et des denrées alimentaires, ou gestion du budget familial. Une concurrence qui n'effraie pas Mme Sutherland, pour qui la maîtresse de maison n'a pas à redouter la présence de l'ordinateur. Elle estime que ce nouveau venu n'est, après tout, qu'une machine destinée à exécuter des instructions et qui lui fera gagner un temps précieux. Faudra-t-il un jour se résoudre à partager sa vie avec un ordinateur ?