1968-69. Le time-sharing en plein boum
Le service rencontre un succès croissant ?" Les offres sont devenues véritablement compétitives ?" La France figure en bonne place.
Octobre 1968
Le time-sharing n'est plus un rêve inaccessible, y compris pour les plus petites entreprises. Après avoir connu un développement relativement poussif, et malgré la réticence de certains constructeurs américains, force est de constater que ce type de service est entré en phase de commercialisation. Outre les deux précurseurs que sont IBM et Bull GE, quelque trois nouveaux acteurs se sont dévoilés à l'occasion du Sicob 1969, illustrant si besoin était l'intérêt suscité par ce marché prometteur. Comment expliquer un tel succès ? D'une part, par le fait que la clientèle susceptible de s'équiper en ordinateur demeure relativement limitée et, d'autre part, que la souscription à un service de temps partagé correspond davantage aux besoins actuels de bon nombre d'entreprises. En outre, si l'investissement, pourtant considérable, que représente l'acquisition d'un ordinateur ne semble pas constituer un frein à son implantation, le recrutement de la main-d'?"uvre pose un véritable problème. Les opérateurs qualifiés ne sont pas légion, et de leur qualité dépendra largement le succès de la mise en service de la machine. Les services de temps partagé, qui garantissent l'accès à des machines dernier cri (dans la plupart des cas des B-GE 265 ou des IBM 360) pour un abonnement moyen oscillant entre 2 000 et 4 000 francs mensuels constituent donc un choix évident pour les clients français. Dernier avantage et non des moindres des offres de time-sharing : leur simplicité d'utilisation. C'est en effet par téléphone que l'utilisateur se connecte au centre, avant de basculer la communication vers la console, qui fonctionne alors en poste d'interrogation-réponse. À l'aide de l'un des trois langages disponibles (Basic, Fortran et Algol), l'utilisateur peut accéder à la bibliothèque de programmes hébergés sur l'ordinateur distant, et profiter ainsi de ressources sans cesse croissantes grâce à l'apport des autres utilisateurs. Avec cinq centres de time-sharing installés à l'orée de 1970, la France fait d'ores et déjà figure de leader européen en la matière.
Sa position largement dominante sur le marché informatique a fini par jouer des tours à IBM. Menacé par plusieurs actions en justice sur la base de la législation américaine antitrust, le constructeur a dû se résoudre à scinder ses activités. Il facturera dorénavant séparément ses matériels et ses logiciels, de même que certains services technico-commerciaux, comme les formations aux utilisateurs. Les applications logicielles, qui étaient jusqu'à présent fournies gratuitement avec les ordinateurs IBM, seront désormais facturées séparément par la firme américaine, qui appliquera en matière de compensation une baisse de 3 % sur les tarifs de ses machines.Des ' éditeurs ' de logiciels ?
Doit-on en conclure que les programmes applicatifs ne représentent pas plus de 3 % du prix global d'un système ? Seul l'avenir, qui amènera IBM à se positionner plus clairement sur la question, le dira. Cette décision, limitée pour l'heure au marché américain - elle ne devrait pas être appliquée en Europe avant 1972 - est accueillie avec plaisir par les rivaux de la firme d'Armonk. Elle ouvre surtout la voie à une véritable concurrence sur le marché encore balbutiant du logiciel. L'unbundling (littéralement ' éclatement ') de l'offre d'IBM, s'il s'étend aux autres fabricants de matériel ?" ce qui reste encore à démontrer ?" va en effet permettre l'apparition et le développement d'entreprises dont la vocation unique sera la conception de logiciels autonomes, capables de fonctionner indifféremment sur différentes plates-formes. Au regard du faible coût du software en comparaison de celui du matériel proprement dit, beaucoup doutent que l'apparition de ces ' éditeurs ' ait une quelconque influence sur le marché informatique, largement dominé par les constructeurs.
Les universités d'UCLA et de Stanford, distantes de 600 km, ont établi une connexion d'un débit de 50 kbit/s entre deux de leurs ordinateurs conçus à cet effet, grâce au réseau qui vient d'être inauguré entre quatre grandes universités américaines. Un chercheur californien est notamment parvenu à effectuer quelques opérations à distance sur l'ordinateur de l'université de Stanford. Baptisé du nom d'Arpanet (pour Advanced research projects agency network), ce réseau repose sur des équipements de commutation par paquets IMP (Interface Message Processor, conçus par la firme BBN), et permet l'acheminement de données en direct, sans qu'elles transitent par un ordinateur central. Selon ses concepteurs, MM. Lawrence Roberts et Robert Taylor, cette architecture garantit la stabilité de l'ensemble en permettant aux paquets d'emprunter différents chemins. Si un ou plusieurs ' n?"uds ' du réseau tombent en panne, d'autres se chargeront d'acheminer les données. Les autorités militaires américaines se sont montrées très intéressées par les possibilités de l'Arpanet, qui pourrait connaître un développement stratégique ?" entre autre en raison de l'enlisement du conflit vietnamien. D'un point de vue civil, les perspectives dessinées par ce nouveau réseau en termes de mise en relation des ressources et des connaissances laissent également augurer un brillant avenir.
Avec le 9 400, Univac met le temps réel à la portée du plus grand nombre. Comme ses prédécesseurs de la gamme 9 000, ce nouvel ordinateur est équipé d'une technologie de mémoire non destructive dite à couche mince sur fils, et utilise des circuits monolithiques intégrés. Ce nouveau fer de lance de la marque repose sur une mémoire principale de 24 à 128 Ko et compte un canal multiplex à 85 000 octet/s. Son principal atout réside dans son rapport prix/performance, et ce, probablement grâce à sa technologie même. La couche mince sur fils d'Univac permet en effet à la fois de porter le prix de revient du bit enregistré à 1,90 F ?" contre 4,50 F avec les classiques tores de ferrite ?" et d'améliorer sensiblement les performances de l'ensemble. En fonction du type d'application auquel il est destiné, l'Univac 9 400 représente un engagement mensuel allant de 30 000 à 100 000 F pour une configuration complète (une unité centrale 32 Ko, 4 dérouleurs Uniservo 12, une imprimante 1 100 lpm, un perforateur de cartes 250 cpm, un lecteur de cartes 600 cpm et deux unités à disques 8411).
Le time-sharing n'est plus un rêve inaccessible, y compris pour les plus petites entreprises. Après avoir connu un développement relativement poussif, et malgré la réticence de certains constructeurs américains, force est de constater que ce type de service est entré en phase de commercialisation. Outre les deux précurseurs que sont IBM et Bull GE, quelque trois nouveaux acteurs se sont dévoilés à l'occasion du Sicob 1969, illustrant si besoin était l'intérêt suscité par ce marché prometteur. Comment expliquer un tel succès ? D'une part, par le fait que la clientèle susceptible de s'équiper en ordinateur demeure relativement limitée et, d'autre part, que la souscription à un service de temps partagé correspond davantage aux besoins actuels de bon nombre d'entreprises. En outre, si l'investissement, pourtant considérable, que représente l'acquisition d'un ordinateur ne semble pas constituer un frein à son implantation, le recrutement de la main-d'?"uvre pose un véritable problème. Les opérateurs qualifiés ne sont pas légion, et de leur qualité dépendra largement le succès de la mise en service de la machine. Les services de temps partagé, qui garantissent l'accès à des machines dernier cri (dans la plupart des cas des B-GE 265 ou des IBM 360) pour un abonnement moyen oscillant entre 2 000 et 4 000 francs mensuels constituent donc un choix évident pour les clients français. Dernier avantage et non des moindres des offres de time-sharing : leur simplicité d'utilisation. C'est en effet par téléphone que l'utilisateur se connecte au centre, avant de basculer la communication vers la console, qui fonctionne alors en poste d'interrogation-réponse. À l'aide de l'un des trois langages disponibles (Basic, Fortran et Algol), l'utilisateur peut accéder à la bibliothèque de programmes hébergés sur l'ordinateur distant, et profiter ainsi de ressources sans cesse croissantes grâce à l'apport des autres utilisateurs. Avec cinq centres de time-sharing installés à l'orée de 1970, la France fait d'ores et déjà figure de leader européen en la matière.
Le logiciel prend son indépendance
Le hard doit se séparer du soft ?" IBM joue les précurseurs ?" Une voie pour les éditeurs de logiciel.Juin 1969Sa position largement dominante sur le marché informatique a fini par jouer des tours à IBM. Menacé par plusieurs actions en justice sur la base de la législation américaine antitrust, le constructeur a dû se résoudre à scinder ses activités. Il facturera dorénavant séparément ses matériels et ses logiciels, de même que certains services technico-commerciaux, comme les formations aux utilisateurs. Les applications logicielles, qui étaient jusqu'à présent fournies gratuitement avec les ordinateurs IBM, seront désormais facturées séparément par la firme américaine, qui appliquera en matière de compensation une baisse de 3 % sur les tarifs de ses machines.Des ' éditeurs ' de logiciels ?
Doit-on en conclure que les programmes applicatifs ne représentent pas plus de 3 % du prix global d'un système ? Seul l'avenir, qui amènera IBM à se positionner plus clairement sur la question, le dira. Cette décision, limitée pour l'heure au marché américain - elle ne devrait pas être appliquée en Europe avant 1972 - est accueillie avec plaisir par les rivaux de la firme d'Armonk. Elle ouvre surtout la voie à une véritable concurrence sur le marché encore balbutiant du logiciel. L'unbundling (littéralement ' éclatement ') de l'offre d'IBM, s'il s'étend aux autres fabricants de matériel ?" ce qui reste encore à démontrer ?" va en effet permettre l'apparition et le développement d'entreprises dont la vocation unique sera la conception de logiciels autonomes, capables de fonctionner indifféremment sur différentes plates-formes. Au regard du faible coût du software en comparaison de celui du matériel proprement dit, beaucoup doutent que l'apparition de ces ' éditeurs ' ait une quelconque influence sur le marché informatique, largement dominé par les constructeurs.
Réseaux : Arpanet relie les chercheurs américains
Pour un meilleur un partage du savoir ?" Des applications militaires en devenir ?" Un avenir prometteur.Octobre 1969Les universités d'UCLA et de Stanford, distantes de 600 km, ont établi une connexion d'un débit de 50 kbit/s entre deux de leurs ordinateurs conçus à cet effet, grâce au réseau qui vient d'être inauguré entre quatre grandes universités américaines. Un chercheur californien est notamment parvenu à effectuer quelques opérations à distance sur l'ordinateur de l'université de Stanford. Baptisé du nom d'Arpanet (pour Advanced research projects agency network), ce réseau repose sur des équipements de commutation par paquets IMP (Interface Message Processor, conçus par la firme BBN), et permet l'acheminement de données en direct, sans qu'elles transitent par un ordinateur central. Selon ses concepteurs, MM. Lawrence Roberts et Robert Taylor, cette architecture garantit la stabilité de l'ensemble en permettant aux paquets d'emprunter différents chemins. Si un ou plusieurs ' n?"uds ' du réseau tombent en panne, d'autres se chargeront d'acheminer les données. Les autorités militaires américaines se sont montrées très intéressées par les possibilités de l'Arpanet, qui pourrait connaître un développement stratégique ?" entre autre en raison de l'enlisement du conflit vietnamien. D'un point de vue civil, les perspectives dessinées par ce nouveau réseau en termes de mise en relation des ressources et des connaissances laissent également augurer un brillant avenir.
Technologie : le temps réel se démocratise
Février 1968Avec le 9 400, Univac met le temps réel à la portée du plus grand nombre. Comme ses prédécesseurs de la gamme 9 000, ce nouvel ordinateur est équipé d'une technologie de mémoire non destructive dite à couche mince sur fils, et utilise des circuits monolithiques intégrés. Ce nouveau fer de lance de la marque repose sur une mémoire principale de 24 à 128 Ko et compte un canal multiplex à 85 000 octet/s. Son principal atout réside dans son rapport prix/performance, et ce, probablement grâce à sa technologie même. La couche mince sur fils d'Univac permet en effet à la fois de porter le prix de revient du bit enregistré à 1,90 F ?" contre 4,50 F avec les classiques tores de ferrite ?" et d'améliorer sensiblement les performances de l'ensemble. En fonction du type d'application auquel il est destiné, l'Univac 9 400 représente un engagement mensuel allant de 30 000 à 100 000 F pour une configuration complète (une unité centrale 32 Ko, 4 dérouleurs Uniservo 12, une imprimante 1 100 lpm, un perforateur de cartes 250 cpm, un lecteur de cartes 600 cpm et deux unités à disques 8411).