1972-73. Le Micral, un mini vraiment micro
Le premier micro-ordinateur vendu assemblé. L'innovation française fait la une. Un prix très attractif.
Avril 1973
Une petite société française, la REE (Réalisations et études électroniques) crée l'événement en proposant pour la première fois un mini-ordinateur, ou plus précisément un micro-ordinateur, comme l'ont baptisé ses concepteurs, pour moins de 8 500 F. Le Micral-N, c'est son nom ?" qu'il tire de l'argot ' micral ', qui signifie ' petit ' ?" est en effet conçu autour d'un microprocesseur, le 8008, réalisé par la compagnie californienne Intel. Le Micral dispose de 16 Ko de mémoire morte, vive ou mixte, peut traiter quelque 50 000 informations à la seconde. Cette puissance et le faible prix de vente constituent deux atouts non négligeables pour atteindre les objectifs fixés par ses pères : plus de 1 000 unités devraient être livrées dans les 18 mois à venir. Le Micral est l'?"uvre d'une équipe dirigée par deux hommes : l'ingénieur François Gernelle et André Truong-Trong-Thi, dirigeant de REE, qui se félicitent que, pour une fois, des Français aient ' pris de l'avance sur les Américains en matière d'innovation technique ', et fassent un pas vers la ' démocratisation ' de l'informatique. Le nouveau-né est en effet cinq fois moins cher à l'achat que son concurrent le plus direct, le PDP 8. Selon ses concepteurs, le Micral est essentiellement destiné ' aux industriels qui désirent acquérir une fonction qui marche et qui ne veulent pas savoir ce qu'il y a dans la boîte noire '. Commandé par l'Inra en septembre 1972, l'ordinateur ?" ou du moins un premier prototype ?" est livré en janvier 1973 et son lancement sur le marché débute au mois de mars, soit à peine six mois plus tard.
Parmi la floraison de nouveautés annoncées par IBM en cette rentrée (notamment deux nouveaux modèles dans la série 370, parade anti-compatibles), la sortie de la mémoire virtuelle constitue à n'en pas douter un événement majeur. Cette technologie permet de traiter, sur un ordinateur d'une taille mémoire donnée, des programmes nécessitant un volume de mémoire supérieur, en attribuant un volume disponible du disque dur à leur traitement. Jusqu'ici, on avait recours à la technique de ' l'overlay ' pour déterminer les portions d'interface communes à plusieurs tâches, afin d'optimiser l'usage de la mémoire vive. Désormais, la mémoire virtuelle, en associant hardware et software, se charge de gérer automatiquement les différents programmes en cours d'exécution en appelant en mémoire centrale ?" mémoire réelle ?" les seuls éléments nécessaires à un instant donné. Les éléments inactifs sont stockés sur un disque, qui fait office de mémoire virtuelle. Une avancée notable, qu'apprécieront notamment les programmeurs, mais qu'il convient néanmoins de tempérer. Selon les paroles mêmes d'un responsable du constructeur, la mémoire virtuelle n'a de signification que dans un environnement multiprogrammation. En effet, les temps d'échange entre mémoire virtuelle et mémoire réelle (pagination) qui ralentissent unitairement chaque programme, doivent pouvoir être utilisés par d'autres programmes. Ce n'est qu'après une certaine période d'utilisation que l'on pourra juger, dans ce contexte, des temps de pagination effectifs et, par suite, de l'utilité réelle de cette nouvelle technique. La mémoire virtuelle ouvre donc de nouveaux horizons au développement applicatif, mais en proclamant qu'elle ' libère l'ordinateur des contraintes imposées par la taille de la mémoire principale ', IBM pèche sans doute par excès d'enthousiasme.
Après bien des démentis, des rumeurs et des silences, La CII, Siemens et Philips sont parvenus à un accord et formeront désormais une entité avec laquelle il faudra compter à l'échelle européenne, voire mondiale : Unidata. L'objectif parfaitement assumé de ce nouveau consortium est en effet de permettre au Vieux Continent de rivaliser avec les principaux constructeurs américains en matière de production de systèmes. Unidata, c'est huit milliards de francs de machines installées dans le monde entier, 14 usines dans six pays, un effectif de 35 000 personnes et plus de 20 000 systèmes en exploitation. Le conseil du consortium Unidata, composé des présidents des trois compagnies et d'un nombre égal de dirigeants de chacune d'entre elles, aura l'entière responsabilité de la politique commune. À n'en pas douter, ce nouveau pôle technologique est appelé à jouer un rôle majeur sur la scène internationale. La vocation européenne de ce nouveau géant pourrait d'ailleurs prendre un tour encore plus évident dans les prochains mois, le britannique ICL, dont M. Allègre a récemment souhaité ' l'entrée dans le giron européen ', ayant en effet été contacté avec insistance par les dirigeants d'Unidata.
Et si l'informatique était l'occasion pour des femmes de sortir de leurs attributions traditionnelles dans le monde du travail ? De nombreux sociologues s'accordent en effet pour estimer qu'elles ont plus de chances de faire carrière dans les professions nouvelles. Et cela semble se vérifier dans le secteur de l'informatique. Aux échelons les plus bas, la perforation est aujourd'hui, peu ou prou, le fief de la femme. Au sommet en revanche, il reste du travail. Car les cadres supérieurs féminins chez les principaux constructeurs sont une espèce rare et il n'existe, à notre connaissance, qu'une seule femme informaticienne et millionnaire en Europe. À cet égard, l'exemple de la société de logiciels britannique Freelance Programmers Ltd est intéressant. Dirigée par une femme, Mme Stephanie Shirley, elle n'emploie en effet que des femmes à temps partiel (près de 400), afin de leur permettre de travailler tout en consacrant du temps à leurs enfants. Ce statut n'empêche pas l'entreprise de réaliser un chiffre d'affaires annuel de 250 000 livres sterling. De quoi donner des raisons d'espérer à de nombreuses femmes désireuses de se lancer dans l'informatique. L'histoire serait parfaite si Mme Shirley n'avait été contrainte, au début de l'aventure, de signer sa correspondance d'un nom sans équivoque : Steve.
Une petite société française, la REE (Réalisations et études électroniques) crée l'événement en proposant pour la première fois un mini-ordinateur, ou plus précisément un micro-ordinateur, comme l'ont baptisé ses concepteurs, pour moins de 8 500 F. Le Micral-N, c'est son nom ?" qu'il tire de l'argot ' micral ', qui signifie ' petit ' ?" est en effet conçu autour d'un microprocesseur, le 8008, réalisé par la compagnie californienne Intel. Le Micral dispose de 16 Ko de mémoire morte, vive ou mixte, peut traiter quelque 50 000 informations à la seconde. Cette puissance et le faible prix de vente constituent deux atouts non négligeables pour atteindre les objectifs fixés par ses pères : plus de 1 000 unités devraient être livrées dans les 18 mois à venir. Le Micral est l'?"uvre d'une équipe dirigée par deux hommes : l'ingénieur François Gernelle et André Truong-Trong-Thi, dirigeant de REE, qui se félicitent que, pour une fois, des Français aient ' pris de l'avance sur les Américains en matière d'innovation technique ', et fassent un pas vers la ' démocratisation ' de l'informatique. Le nouveau-né est en effet cinq fois moins cher à l'achat que son concurrent le plus direct, le PDP 8. Selon ses concepteurs, le Micral est essentiellement destiné ' aux industriels qui désirent acquérir une fonction qui marche et qui ne veulent pas savoir ce qu'il y a dans la boîte noire '. Commandé par l'Inra en septembre 1972, l'ordinateur ?" ou du moins un premier prototype ?" est livré en janvier 1973 et son lancement sur le marché débute au mois de mars, soit à peine six mois plus tard.
Chez IBM, la mémoire se fait virtuelle
La mémoire trouve de nouvelles limites. L'association hardware-software, clé du système.Août 1972Parmi la floraison de nouveautés annoncées par IBM en cette rentrée (notamment deux nouveaux modèles dans la série 370, parade anti-compatibles), la sortie de la mémoire virtuelle constitue à n'en pas douter un événement majeur. Cette technologie permet de traiter, sur un ordinateur d'une taille mémoire donnée, des programmes nécessitant un volume de mémoire supérieur, en attribuant un volume disponible du disque dur à leur traitement. Jusqu'ici, on avait recours à la technique de ' l'overlay ' pour déterminer les portions d'interface communes à plusieurs tâches, afin d'optimiser l'usage de la mémoire vive. Désormais, la mémoire virtuelle, en associant hardware et software, se charge de gérer automatiquement les différents programmes en cours d'exécution en appelant en mémoire centrale ?" mémoire réelle ?" les seuls éléments nécessaires à un instant donné. Les éléments inactifs sont stockés sur un disque, qui fait office de mémoire virtuelle. Une avancée notable, qu'apprécieront notamment les programmeurs, mais qu'il convient néanmoins de tempérer. Selon les paroles mêmes d'un responsable du constructeur, la mémoire virtuelle n'a de signification que dans un environnement multiprogrammation. En effet, les temps d'échange entre mémoire virtuelle et mémoire réelle (pagination) qui ralentissent unitairement chaque programme, doivent pouvoir être utilisés par d'autres programmes. Ce n'est qu'après une certaine période d'utilisation que l'on pourra juger, dans ce contexte, des temps de pagination effectifs et, par suite, de l'utilité réelle de cette nouvelle technique. La mémoire virtuelle ouvre donc de nouveaux horizons au développement applicatif, mais en proclamant qu'elle ' libère l'ordinateur des contraintes imposées par la taille de la mémoire principale ', IBM pèche sans doute par excès d'enthousiasme.
Technologie : avec Unidata, l'Europe tient son arme fatale informatique
Trois constructeurs unissent leurs forces. La réplique du Vieux Continent. ICL pourrait rejoindre le consortium.Juillet 1973Après bien des démentis, des rumeurs et des silences, La CII, Siemens et Philips sont parvenus à un accord et formeront désormais une entité avec laquelle il faudra compter à l'échelle européenne, voire mondiale : Unidata. L'objectif parfaitement assumé de ce nouveau consortium est en effet de permettre au Vieux Continent de rivaliser avec les principaux constructeurs américains en matière de production de systèmes. Unidata, c'est huit milliards de francs de machines installées dans le monde entier, 14 usines dans six pays, un effectif de 35 000 personnes et plus de 20 000 systèmes en exploitation. Le conseil du consortium Unidata, composé des présidents des trois compagnies et d'un nombre égal de dirigeants de chacune d'entre elles, aura l'entière responsabilité de la politique commune. À n'en pas douter, ce nouveau pôle technologique est appelé à jouer un rôle majeur sur la scène internationale. La vocation européenne de ce nouveau géant pourrait d'ailleurs prendre un tour encore plus évident dans les prochains mois, le britannique ICL, dont M. Allègre a récemment souhaité ' l'entrée dans le giron européen ', ayant en effet été contacté avec insistance par les dirigeants d'Unidata.
Tendances : l'ordinateur, avenir de la femme ?
Octobre 1972Et si l'informatique était l'occasion pour des femmes de sortir de leurs attributions traditionnelles dans le monde du travail ? De nombreux sociologues s'accordent en effet pour estimer qu'elles ont plus de chances de faire carrière dans les professions nouvelles. Et cela semble se vérifier dans le secteur de l'informatique. Aux échelons les plus bas, la perforation est aujourd'hui, peu ou prou, le fief de la femme. Au sommet en revanche, il reste du travail. Car les cadres supérieurs féminins chez les principaux constructeurs sont une espèce rare et il n'existe, à notre connaissance, qu'une seule femme informaticienne et millionnaire en Europe. À cet égard, l'exemple de la société de logiciels britannique Freelance Programmers Ltd est intéressant. Dirigée par une femme, Mme Stephanie Shirley, elle n'emploie en effet que des femmes à temps partiel (près de 400), afin de leur permettre de travailler tout en consacrant du temps à leurs enfants. Ce statut n'empêche pas l'entreprise de réaliser un chiffre d'affaires annuel de 250 000 livres sterling. De quoi donner des raisons d'espérer à de nombreuses femmes désireuses de se lancer dans l'informatique. L'histoire serait parfaite si Mme Shirley n'avait été contrainte, au début de l'aventure, de signer sa correspondance d'un nom sans équivoque : Steve.