1998-99. Passage à l'an 2000 : bug sur la ville
Les entreprises fourbissent leurs armes à l'approche de la date fatidique. Les applications vieillissantes cristallisent les inquiétudes. Peu de plans de secours.
Décembre 1999
À quinze jours du passage à l'an 2000, l'industrie informatique prend douloureusement conscience de l'une des conséquences des progrès fulgurants qu'elle a accomplis au cours des trente dernières années. Une considération qui apparaît aujourd'hui totalement anachronique ?" celle qui a présidé au codage des dates sur deux chiffres, par souci d'économie de mémoire ?" a d'ores et déjà occasionné l'une des factures les plus salées de son histoire, sans la moindre garantie de succès. Trois ans de préparatifs intenses ont déjà coûté près de 140 milliards de francs aux entreprises françaises, et plus de 500 000 personnes devraient participer à la veillée d'armes la nuit du 31 décembre au 1er janvier. Ces efforts porteront-ils leurs fruits ? En la matière, chacun voit minuit à sa porte.Répétitions générales
Il est frappant en effet de constater la prudence affichée par les responsables des projets an 2000 chez les fournisseurs. Pourtant, la plupart d'entre eux, à l'image de France Télécom, Alcatel ou Hewlett-Packard, pour n'en citer que quelques-uns, ont déjà effectué des tests grandeur nature qui ont pris l'allure de véritables répétitions générales, avec mobilisation des filiales internationales. Pour un temps, ils ont mis la concurrence entre parenthèses pour se concentrer sur l'ultime phase d'un chantier qui doit absolument se solder ?" et c'est là son paradoxe ?" par un non-événement. Chez les utilisateurs, en revanche, si l'on se garde bien de tomber dans un optimisme béat, la confiance est de mise. Plus de 80 % des entreprises françaises interrogées estiment ainsi être en mesure de franchir sans encombre le réveillon fatidique, et moins de la moitié d'entre elles ont prévu de mettre en place des équipes de veille ou de préparer une solution de secours.Une mobilisation exceptionnelle
Mais ce pragmatisme ne porte pas de manière uniforme sur l'ensemble des composants du système d'information. Si les serveurs et les réseaux d'entreprise, plus voués aux couches basses des infrastructures et basés sur des technologies récentes, n'inspirent que peu d'inquiétudes, il n'en va pas de même pour les bases de données et les outils de production. 28 % des directeurs informatiques interrogés se disent ainsi inquiets quant aux capacités de ces derniers à traverser la nuit sans encombre. L'importance des effectifs mobilisés dans les différentes équipes d'astreinte permet d'ailleurs de mesurer l'effervescence qui entoure l'événement. Gel des vacances et mise en place d'équipes dédiées ont en effet permis de mobiliser des équipes de veille extrêmement importantes dans tous les secteurs. En ces temps incertains, les observateurs en quête de tranquillité se tourneront plus volontiers vers les SSII et les prestataires spécialisés, dont les contrats d'assistance spécifiques et autres ' solutions 2000 ' connaissent un engouement sans précédent. Ils sont certainement les seuls acteurs du monde informatique à envisager l'avenir avec sérénité.
Ils ne sont pas moins de soixante-dix-sept sur la ligne de départ. Opérateurs généralistes ayant opté pour une concurrence frontale avec France Télécom ou acteurs à vocation spécialisée, opérant sur une région ou un marché bien définis, tous font désormais partie du paysage français des télécommunications. Depuis plus de dix ans, les entreprises, puis les particuliers, se sont habitués à la multiplication des opérateurs pour leurs transferts de données, leurs communications mobiles ou internationales. Mais depuis le 1er janvier, toutes les communications vocales, de courte ou longue distance, ont en théorie basculé dans la concurrence. Si les entreprises peuvent légitimement attendre de cette ouverture du marché des bénéfices tarifaires tangibles, il leur faudra néanmoins s'armer de patience pour les déceler, tant la lecture des offres en présence s'annonce ardue. Les nouveaux venus rivalisent en effet d'offres agressives pour gagner de précieuses parts de marché et atteindre au plus vite une taille critique, le moindre retard enregistré durant cette période charnière risquant de peser très lourd. Le marché devrait d'ailleurs rapidement se clarifier, car tous ne survivront pas à la féroce bataille qui s'annonce.
Initialement destinées au marché mort-né de la vidéo à la demande, les technologies xDSL (Digital Subscriber Line), qui permettent d'obtenir de hauts débits sur les lignes en cuivre connaissent un nouvel engouement avec l'essor d'Internet. Leur potentiel séduit en effet aussi bien les techniciens que les financiers, les premiers plébiscitant les débits qu'elles autorisent (jusqu'à 51 Mbit/s pour le VDSL), tandis que les seconds y voient une manière de préserver leurs investissements, le réseau empruntant les lignes téléphoniques existantes. Principal handicap de la technologie DSL : la multiplicité des standards (du HDSL au IDSL, pas moins de neuf normes cohabitent actuellement), mais les efforts d'interopérabilité menés pas les constructeurs, poussés par le forum ADSL, commencent à porter leurs fruits. En pointe dans ce domaine, Alcatel a ainsi récemment raccordé ses routeurs IDSL aux boîtiers SDSL de Cisco. Forte de cette dynamique, la technologie DSL a tout pour s'imposer comme la référence du marché, ouvrant ainsi la voie à un nouvel Eldorado : la boucle locale pour des applications grand public multimédias.
Ils sont jeunes, travaillent en groupe, et visent d'emblée un marché mondial. Ces nouveaux chefs d'entreprise français issus de ce qu'il est convenu d'appeler la ' nouvelle économie ' dressent le portrait d'une France loin des canons traditionnels : petites structures championnes de la R&D, investisseurs actifs et cadres prêts à quitter des postes confortables pour tenter l'aventure start-up. Proclamant que ' la moitié des logiciels qui seront vendus après l'an 2000 ne sont pas encore inventés ', ils s'enthousiasment pour le modèle économique qui a fait le succès de la Net Economy à l'américaine. Optimisation des coûts à tous les niveaux, production adaptée en temps réel à la demande du client et, surtout, capitaux-risqueurs prêts à investir des fortunes sur de simples idées, le premier arrivé étant le premier servi sur un marché à inventer. Pour Michel Herbert, directeur associé du capital-risqueur Partech International, ' les start-up françaises innovent très fortement ?" souvent plus que leurs homologues américaines, moins ambitieuses sur le plan technique '. Reste aux jeunes pousses hexagonales à s'aligner sur les redoutables pratiques marketing de leurs concurrentes d'outre-Atlantique pour convertir leurs prouesses technologiques en succès commerciaux.
À quinze jours du passage à l'an 2000, l'industrie informatique prend douloureusement conscience de l'une des conséquences des progrès fulgurants qu'elle a accomplis au cours des trente dernières années. Une considération qui apparaît aujourd'hui totalement anachronique ?" celle qui a présidé au codage des dates sur deux chiffres, par souci d'économie de mémoire ?" a d'ores et déjà occasionné l'une des factures les plus salées de son histoire, sans la moindre garantie de succès. Trois ans de préparatifs intenses ont déjà coûté près de 140 milliards de francs aux entreprises françaises, et plus de 500 000 personnes devraient participer à la veillée d'armes la nuit du 31 décembre au 1er janvier. Ces efforts porteront-ils leurs fruits ? En la matière, chacun voit minuit à sa porte.Répétitions générales
Il est frappant en effet de constater la prudence affichée par les responsables des projets an 2000 chez les fournisseurs. Pourtant, la plupart d'entre eux, à l'image de France Télécom, Alcatel ou Hewlett-Packard, pour n'en citer que quelques-uns, ont déjà effectué des tests grandeur nature qui ont pris l'allure de véritables répétitions générales, avec mobilisation des filiales internationales. Pour un temps, ils ont mis la concurrence entre parenthèses pour se concentrer sur l'ultime phase d'un chantier qui doit absolument se solder ?" et c'est là son paradoxe ?" par un non-événement. Chez les utilisateurs, en revanche, si l'on se garde bien de tomber dans un optimisme béat, la confiance est de mise. Plus de 80 % des entreprises françaises interrogées estiment ainsi être en mesure de franchir sans encombre le réveillon fatidique, et moins de la moitié d'entre elles ont prévu de mettre en place des équipes de veille ou de préparer une solution de secours.Une mobilisation exceptionnelle
Mais ce pragmatisme ne porte pas de manière uniforme sur l'ensemble des composants du système d'information. Si les serveurs et les réseaux d'entreprise, plus voués aux couches basses des infrastructures et basés sur des technologies récentes, n'inspirent que peu d'inquiétudes, il n'en va pas de même pour les bases de données et les outils de production. 28 % des directeurs informatiques interrogés se disent ainsi inquiets quant aux capacités de ces derniers à traverser la nuit sans encombre. L'importance des effectifs mobilisés dans les différentes équipes d'astreinte permet d'ailleurs de mesurer l'effervescence qui entoure l'événement. Gel des vacances et mise en place d'équipes dédiées ont en effet permis de mobiliser des équipes de veille extrêmement importantes dans tous les secteurs. En ces temps incertains, les observateurs en quête de tranquillité se tourneront plus volontiers vers les SSII et les prestataires spécialisés, dont les contrats d'assistance spécifiques et autres ' solutions 2000 ' connaissent un engouement sans précédent. Ils sont certainement les seuls acteurs du monde informatique à envisager l'avenir avec sérénité.
La concurrence au bout du fil
Une flopée d'acteurs s'apprêtent à se disputer le marché des télécoms.Janvier 1998Ils ne sont pas moins de soixante-dix-sept sur la ligne de départ. Opérateurs généralistes ayant opté pour une concurrence frontale avec France Télécom ou acteurs à vocation spécialisée, opérant sur une région ou un marché bien définis, tous font désormais partie du paysage français des télécommunications. Depuis plus de dix ans, les entreprises, puis les particuliers, se sont habitués à la multiplication des opérateurs pour leurs transferts de données, leurs communications mobiles ou internationales. Mais depuis le 1er janvier, toutes les communications vocales, de courte ou longue distance, ont en théorie basculé dans la concurrence. Si les entreprises peuvent légitimement attendre de cette ouverture du marché des bénéfices tarifaires tangibles, il leur faudra néanmoins s'armer de patience pour les déceler, tant la lecture des offres en présence s'annonce ardue. Les nouveaux venus rivalisent en effet d'offres agressives pour gagner de précieuses parts de marché et atteindre au plus vite une taille critique, le moindre retard enregistré durant cette période charnière risquant de peser très lourd. Le marché devrait d'ailleurs rapidement se clarifier, car tous ne survivront pas à la féroce bataille qui s'annonce.
Réseaux : DSL, le haut-débit arrive
Août 1998Initialement destinées au marché mort-né de la vidéo à la demande, les technologies xDSL (Digital Subscriber Line), qui permettent d'obtenir de hauts débits sur les lignes en cuivre connaissent un nouvel engouement avec l'essor d'Internet. Leur potentiel séduit en effet aussi bien les techniciens que les financiers, les premiers plébiscitant les débits qu'elles autorisent (jusqu'à 51 Mbit/s pour le VDSL), tandis que les seconds y voient une manière de préserver leurs investissements, le réseau empruntant les lignes téléphoniques existantes. Principal handicap de la technologie DSL : la multiplicité des standards (du HDSL au IDSL, pas moins de neuf normes cohabitent actuellement), mais les efforts d'interopérabilité menés pas les constructeurs, poussés par le forum ADSL, commencent à porter leurs fruits. En pointe dans ce domaine, Alcatel a ainsi récemment raccordé ses routeurs IDSL aux boîtiers SDSL de Cisco. Forte de cette dynamique, la technologie DSL a tout pour s'imposer comme la référence du marché, ouvrant ainsi la voie à un nouvel Eldorado : la boucle locale pour des applications grand public multimédias.
Conjoncture : l'Europe adopte la start-up
Le Vieux Continent se lance dans la Net Economy. Les Français rois de l'innovation, cancres du marketing.Juin 1998Ils sont jeunes, travaillent en groupe, et visent d'emblée un marché mondial. Ces nouveaux chefs d'entreprise français issus de ce qu'il est convenu d'appeler la ' nouvelle économie ' dressent le portrait d'une France loin des canons traditionnels : petites structures championnes de la R&D, investisseurs actifs et cadres prêts à quitter des postes confortables pour tenter l'aventure start-up. Proclamant que ' la moitié des logiciels qui seront vendus après l'an 2000 ne sont pas encore inventés ', ils s'enthousiasment pour le modèle économique qui a fait le succès de la Net Economy à l'américaine. Optimisation des coûts à tous les niveaux, production adaptée en temps réel à la demande du client et, surtout, capitaux-risqueurs prêts à investir des fortunes sur de simples idées, le premier arrivé étant le premier servi sur un marché à inventer. Pour Michel Herbert, directeur associé du capital-risqueur Partech International, ' les start-up françaises innovent très fortement ?" souvent plus que leurs homologues américaines, moins ambitieuses sur le plan technique '. Reste aux jeunes pousses hexagonales à s'aligner sur les redoutables pratiques marketing de leurs concurrentes d'outre-Atlantique pour convertir leurs prouesses technologiques en succès commerciaux.