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La banalisation de l'étiquette électronique est en marche. Pour preuve, les fournisseurs courtisent ce marché. A commencer par le secteur de la grande distribution. Reste une question : si Wal-Mart est prêt pour le RFID, le RFID
est-il prêt pour Wal-Mart ?
Le 12 janvier 2004 : à peine la trêve des confiseurs a-t-elle pris fin que le distributeur allemand Metro intime à ses fournisseurs l'ordre de se conformer sans délai à la technologie RFID (Radio Frequency Identification).
Objectif : équiper au moins deux cent cinquante de ses magasins avant la fin de l'année. Faut-il y voir une simple décision technique, ou le dernier avatar d'une relation commerciale parfaitement codifiée ? Ni l'un ni l'autre. En réalité,
derrière cette annonce d'apparence anodine, l'exploitation personnalisée des bases de données comportementales devient soudainement réalité. Le ' marketing du ticket de caisse ' toujours invoqué, sans
cesse retardé , peut enfin produire ses effets. Tous ses effets.Certes, les consommateurs sont et seront encore difficiles à convaincre. Ils se sont lassé de ces gadgets à répétition, censés transformer la vie, mais concourant surtout, dans leur esprit, à enrichir les fournisseurs. Ensuite,
certains esprits chagrins ne manqueront pas de faire remarquer que rien de tout cela n'est vraiment nouveau : le géant américain de la distribution Wal-Mart n'a-t-il pas sommé ses plus gros fournisseurs, voilà presque un an, de munir leurs
produits de puces RFID avant le 1er janvier 2005, sous peine d'être exclus de la précieuse liste ? Krafts et Procter&Gamble, pour ne citer que ces noms prestigieux, sont déjà à la tâche.
Chaque fournisseur présente sa solution RFID
Pour les acteurs du secteur informatique, ces ' sommations ' lancées par les géants de la grande distribution sont une aubaine. Au salon National Retail Federation, qui s'est tenu la
semaine dernière à New York, c'était à qui annoncerait ' la ' solution RFID miracle, susceptible de clôturer définitivement le débat. Ainsi Sun, qui doit ouvrir prochainement un centre de tests dédié à
Dallas et un autre en Ecosse , a-t-il annoncé un partenariat avec Aldata Solutions. Son but : compléter ses solutions RFID avec des fonctions de traçabilité qui lui manquaient jusqu'alors. Microsoft, lui, a présenté une initiative fondée
sur.Net, visant à ' améliorer l'interaction entre distributeurs et clients '. Le tout, naturellement, sans fil. Il n'est pas jusqu'à Verisign qui fasse allégeance à cette manne potentielle en déclarant
avoir été sélectionné pour exploiter le réseau EPCglobal Network, qui vise à standardiser l'usage du RFID. Une déclaration aussitôt contrée le lendemain même par Wal-Mart, qui a affirmé, en marge du salon, n'avoir aucunement l'intention de se
rallier à la volonté de Verisign. Comme souvent, la difficulté technique pour définir des standards n'est rien par rapport aux enjeux commerciaux qui se profilent.
Certaines associations de consommateurs s'inquiètent
La tenue de ce salon a également été l'occasion d'annoncer la naissance d'un nouveau club, répondant au nom compliqué d'Electronic Product Code Retail User's Group of Europe. Autrement dit, un groupe d'utilisateurs principalement
européens ce qui ne se sent guère à l'énoncé de l'intitulé de la norme EPC, elle-même issue des travaux de l'Auto-ID Center du MIT. C'est Intel, Carrefour, Metro et Tesco qui sont à l'origine de cette initiative. Le numéro un français de la
distribution a précisé ' vouloir que cette nouvelle technologie soit implémentée globalement, et de façon efficace, pour les fournisseurs et les distributeurs '. A l'arrivée, selon lui, les
consommateurs seront en mesure de bénéficier d'' une meilleure disponibilité des produits, avec plus de valeur ajoutée '.Toujours dans le cadre du salon National Retail Federation, SAP a présenté une infrastructure logicielle destinée à exploiter les données personnelles et commerciales recueillies auprès des clients. Quant à IBM, il a annoncé sa
participation au projet Future Store, de Metro, dont la première réalisation se trouve à Rheinberg, non loin de Düsseldorf (Allemagne). Selon Big Blue, le leader allemand du ' cash & carry ' va
sélectionner une centaine de fournisseurs équipés de systèmes RFID pour pouvoir identifier en permanence les palettes et, surtout, ce qu'elles contiennent.Cette fois, pas de doute : le nouvel Eldorado est clairement identifié... et les utilisateurs aussi. C'est précisément ce qui inquiète certaines associations de consommateurs. Celles-ci se sont déjà fait l'écho de
préoccupations concernant la ' connaissance ' illégitime de chaque individu induite par un usage immodéré du RFID. Ainsi Gillette, qui avait annoncé, l'an dernier, le marquage électronique de cinq cents
millions de rasoirs notamment pour lutter contre le vol a-t-il cédé aux pressions de l'association Caspian (Consumers Against Privacy Invasion and Numbering), qui exigeait le retrait immédiat du projet. Le fabricant de rasoirs s'est, d'ailleurs,
engagé à ne rien tenter dans ce domaine pour une durée de... dix ans !Sans aller jusqu'à cette solution extrême, il est certain que la généralisation de cette technique a de quoi émouvoir les partisans d'un respect absolu de la vie privée. ' Un écueil au développement des puces
RFID concerne la déontologie d'utilisation des informations collectées ', observe Rémy Butin, responsable marketing et développement commercial de CMV, un groupe dijonnais spécialiste de l'accompagnement et de la gestion du
changement pour le secteur de la distribution. Et de rappeler que, pour la Cnil, les puces RFID sont ' des données personnelles au sens de la loi Informatique et Libertés, comme à celui de la directive européenne
45/46 '. Si Rémy Butin admet qu'' il est absurde de parler de données personnelles lorsqu'il s'agit de puces placées sur des objets ', il considère néanmoins que
' la question reste valable quand il s'agit de puces placées, par exemple, dans des cartes de fidélité '.
Environ dix ans pour atteindre la maturité
Le débat a le temps de rebondir. Effectivement, ' le délai qu'il faudra à ce marché pour atteindre la maturité est d'à peu près dix ans ', estime Maël Barraud, fondateur d'Influe, un
éditeur français de plates-formes EDI. ' Le problème essentiel, pour le moment, réside dans le coût. C'est un peu comme pour les écrans plats : pendant longtemps, le prix ne diminue pas parce que la technologie ne le
permet pas encore. Et, d'un coup, il baisse fortement, permettant alors chacun d'accéder au produit. 'Mais, pour Maël Barraud, ' il faudra évidemment que tout le monde s'y mette ! C'est la conscience de l'intérêt partagé qui provoquera le déclic '.
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