2013, année record des fusions-acquisitions dans l'informatique

L’an dernier, les rachats réalisés en France dans le logiciel et les services informatiques ont doublé pour atteindre 2,1 milliards d’euros en chiffre d’affaires cumulé. Avec un méga deal : le rachat d’Osiatis par Econocom.
Du jamais vu depuis plus de quinze ans ! Avec 2,1 milliards d’euros, le chiffre d’affaires total des acquisitions effectuées dans le secteur IT en France a progressé l’an dernier de 90 %. 126 éditeurs de logiciels et de sociétés de services informatiques ont été ainsi rachetés en 2013.
Sur un marché IT français particulièrement fragmenté, le mouvement de consolidation s’accélère donc. Le ralentissement de l’activité (- 0,3 % en 2013 selon Syntec Numérique) favorisant les opérations de croissance externe. « Avec la diminution des incertitudes macro-économiques, le mouvement a pris une ampleur inédite et se renforcera encore dans les années à venir », pronostique Pierre-Yves Dargaud, président d’APM, cabinet conseil en fusions-acquisitions dans le secteur IT, et auteur de ce baromètre annuel.
Autre fait marquant, le retour d’un « méga deal » dans l’Hexagone avec le rachat d’Osiatis, prestataire de services de 4600 collaborateurs, par Econocom. D’autres opérations marquantes ont ponctué le millésime 2013 avec l'acquisition d’Euriware par Capgemini ou HR Access par Sopra.
Longtemps en embuscade, les Indiens sortent du bois
Si les acquisitions restent essentiellement franco-françaises, les acheteurs étrangers signent leur grand retour avec un volume de 703 M€ pour 23 opérations contre 252 M€ et 16 opérations en 2012. Au-delà de l’opération du belge Econocom sur Osiatis, on notera la reprise par Adobe de Neolane, éditeur en mode Saas de solutions dans le marketing multicanal. « Confirmant l’attraction des anglo-saxons pour les plus belles pépites françaises », selon APM.

Attendues de longue date, les ESN indiennes sont également sorties du bois. La société Alti, membre du top 30 français avec 1200 collaborateurs, a été acquise en avril par Tata Consultancy Services (TCS) qui ne comptait alors que 200 salariés dans l’Hexagone, et Equinox Consulting, société de conseil dans le monde de la banque, par Cognizant.
Après une année 2012 en chute libre, les fonds d’investissement font, eux, une reprise timide avec 14 opérations pour un volume de chiffre d’affaires cumulé de 293 M€. On notera notamment la prise de contrôle de Nexeya, un spécialiste en informatique industrielle et technique réalisant un chiffre d’affaires de 130 M€, par les fonds Activa et BPI.
Le chiffre d’affaires moyen de la cible acquise ressort à 16,5 M€, en forte augmentation (+ 59 %) par rapport aux 10,4 M€ de 2012. Un chiffre qui masque une disparité sectorielle entre les sociétés de services (24 M€) et les éditeurs de logiciels (8 M€).
Car ce sont bien les Entreprises de services numériques - ESN, anciennement SSII - qui tirent vers le haut ce baromètre avec un volume de chiffres d’affaires de 1,65 milliard d’euros en hausse de 106 %. Avec 70 cessions d’ESN contre 64 l’année précédente, l’exercice 2013 dépasse le niveau enregistré en 2005, année pourtant marquée par un big deal, le rachat d’Unilog par Logica.
Après un léger fléchissement en 2012 - 42 opérations pour un chiffre d’affaires de 298 M€ -, le secteur du logiciel connaît, lui aussi, une hausse très marquée de 45 %. Soit un volume de chiffre d’affaires de 433 M€ pour un nombre record de 56 cessions, dont un tiers réalisé par des acteurs anglo-saxons.
Les ESN françaises font leurs emplettes en Allemagne
En revanche, les acquisitions françaises à l’étranger font preuve d’une grande stabilité, passant de 35 opérations en 2012 à 33. On notera un regain d’intérêt pour l’acquisition d’ESN étrangères (+ 30 % en volume du chiffre d’affaires) et un repli du côté des éditeurs (- 26 %).

Une stabilité due à l’absence de grosses opérations comme celles effectuées lors des dernières années par Akka Technologies avec le rachat en 2011 de l’allemand MB Tech, ou les acquisitions marquantes en 2010 de Siemens IT Solutions par Atos et de CPM Braxis au Brésil par Capgemini. La seule acquisition qui sort du lot reste celle réalisée par le groupe Altran, d’IndustrieHansa, une ESN allemande dont les revenus étaient de 161 M€.
Les éditeurs français sont restés globalement assez sages dans leur politique d’expansion internationale et seule Dassault Systèmes s’est, une fois de plus, distinguée avec cinq acquisitions hors des frontières, aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et surtout en Allemagne avec notamment le rachat de Realtime Technology, un éditeur d’une solution de visualisation 3D à usage professionnel réalisant 75 M€ de chiffre d’affaires.
La croissance externe au secours d’une croissance organique ralentie
« 2013 témoigne d’une certaine prudence des grands acteurs français à l’international, observe Pierre-Yves Dargaud. Après les prises de position majeures au cours des années 2007-2010 en Inde avec les rachats de Kanbay et Xansa ou en Amérique du Sud avec CPM Braxis au Brésil, les ESN privilégient depuis lors l’Europe et en particulier l’Allemagne. »
Les rachats successifs de MB Tech, Siemens IT et IndustrieHansa témoignent de cette tendance des prestataires français à s’offrir ainsi un accès privilégié aux grands donneurs d’ordre industriels allemands. Pour Pierre-Yves Dargaud, ce mouvement de consolidation ne faiblira pas dans les années qui viennent. « Les acteurs de toutes tailles et de tous métiers sont confrontés à une croissance organique durablement ralentie en Europe, ils favoriseront donc naturellement la croissance externe pour poursuivre leur développement».
D’autant que la publication des résultats annuels des acteurs des services informatiques et du logiciel montre que les marges opérationnelles font bien mieux que résister. Pour APM, « un grand nombre d’entre eux sont capables de payer assez facilement leurs acquisitions compte tenu des réserves importantes de cash et d’un accès à du financement bon marché. »
Enfin, les donneurs d’ordres eux-mêmes poussent à ces rapprochements. En instaurant des politiques tarifaires toujours plus serrées, sur fond de référencement et de massification de contrats, les grands comptes contribuent à cette réduction du nombre de fournisseurs. De même, dans le domaine du logiciel, ils concentrent leurs achats sur un volet restreint d’éditeurs par grand domaine d’application.