Inscrivez-vous gratuitement à la Newsletter BFM Business
Le numérique est absent des programmes des classes préparatoires scientifiques
Arriver aujourd'hui sur le marché du travail sans connaître le cloud ? Impensable. Car il s'agit non seulement de savoir ce que c'est, mais aussi “ ce que cela signifie en termes de fragmentation de données et de modèle de services. Et ce que certains modèles impliquent en termes de réversibilité et d'interopérabilité. Ne pas en tenir compte, c'est aller droit dans le mur ”, lance Frédéric Lau, directeur de mission au Cigref. Dans un monde où l'informatique est omniprésente, personne ne peut nier l'importance de former citoyens, consommateurs et salariés aux enjeux du numérique. Les écoliers, les collégiens et les lycéens français bénéficient du B2i, brevet informatique et internet. Mais ce dernier ne vise qu'à apprendre les usages (se servir d'Excel ou de Word, par exemple) sans aller plus loin. Alors qu'il est indispensable de comprendre les principes des outils manipulés, de réussir à les paramétrer voire d'en construire.
Un constat international alarmant
Bref, il s'agit d'enseigner l'informatique au même titre que les mathématiques et le français. Si cela n'est pas fait, “ quand un jeune arrive à l'université, il faut lui enseigner le b.a.-ba, assure Colin de la Higuera, président de la SIF, Société informatique de France. Le constat international est alarmant. ”(*) La preuve : la Russie enseigne l'informatique aux élèves de secondaire depuis 1985 alors qu'en France, l'option “ Informatique et sciences du numérique ” (ISN) n'a été introduite qu'en 2012 pour les élèves de terminale S de 700 lycées. Ils se familiarisent ainsi avec les concepts de base du numérique : les algorithmes, les langages, la programmation, la représentation de l'information et l'architecture matérielle. Un pari d'autant plus ambitieux que l'Education nationale ne forme pas de professeurs d'informatique. L'option ISN est donc enseignée par des physiciens, des biologistes ou des mathématiciens. Difficile, dans ces conditions, de ne pas penser que “ l'inconscient collectif national considère l'informatique comme une technique ou une technologie, et non comme une science à part entière, contrairement à ce qui se passe aux Etats-Unis, par exemple, où l'on parle de Computer Science ” écrit François Bourdoncle, fondateur d'Exalead, en commentaire d'un article en ligne sur 01net-entreprises.Les choses évoluent cependant dans le bon sens. L'informatique est entrée au Collège de France en 2007, avec Gérard Berry, puis elle a pris de plus en plus d'importance, avec la création des chaires “ Informatique et sciences numériques ” en 2009 et “ Algorithmes, machines et langage ” cette année. Reste que cette matière n'est pas encore enseignée en classes préparatoires scientifiques, alors que le numérique est déjà une partie intégrante de la vie des ingénieurs et des managers actuels. Une situation qui pourrait bientôt changer, de nouveaux programmes de prépas étant prévus pour la rentrée 2013. Il est pourtant un peu tôt pour savoir ce qu'il ressortira des tractations en cours.Le contenu même des cours fait débat. “ Jusqu'ici, leur organisation repose sur une approche en silos entre les matières, même au niveau de l'enseignement supérieur, regrette ainsi Christian Colmant, délégué général de l'association Pasc@line. Avoir une culture numérique, ce n'est pas maîtriser internet, mais savoir mettre en œuvre une démarche de projet. ” Or, pour cela, “ les concepts généraux sont indispensables ”, assure Colin de la Higuera. A savoir apprendre aux élèves le codage, les langages, les algorithmes avant de donner une vision plus globale aux élèves. “ Il faut insister sur l'apprentissage de compétences durables qui ne disparaîtront pas, explique Régis Granarolo, président du Munci. Se spécialiser trop tôt peut présenter des risques en termes de carrière. ” Surtout que l'informatique est un secteur où les compétences et les salariés vieillissent mal, ce qui fait dire à Régis Granarolo que “ la priorité n'est pas au niveau de l'apprentissage initial, mais de la formation continue ”.Quoi qu'il en soit, l'enseignement de cette matière mériterait d'être accentué voire généralisé à l'ensemble des filières, qu'elles soient scientifiques ou non. La communication en entreprise s'en trouverait peut-être facilitée : ce ne serait plus seulement les DSI qui se rapprocheraient des métiers, mais les métiers qui comprendraient les problématiques informatiques en termes de sécurité ou de réversibilité, par exemple.(*) Lire la tribune de Serge Abiteboul et Colin de La Higuera surhttp://tinyurl.com/92mz3dz.
Votre opinion