A quand une « zone franche » des emplois technologiques en Europe ?

Avec la crise et la mondialisation, le marché de l'emploi du numérique se sclérose. Dans ce contexte, il convient de libérer la croissance en levant les charges sociales et fiscales qui pèsent sur lui.
Le marché de l’emploi informatique hésite. L’ambiance macro-économique et l’actualité génèrent des doutes. Et il y a de quoi. En temps normal, les entreprises recruteraient bien davantage d’informaticiens qu’aujourd’hui, qu’elles soient créatrices de technologies ou simplement dépendantes de ces mêmes technologies. En ces temps troublés, les employeurs ouvrent moins de postes, font plus avec moins, recrutent des flottes de stagiaires, font appel aux ressources externalisés et favorisent la promotion interne.
A cela s’ajoute les effets de la mondialisation. De chaque côté de l’Atlantique, le marché de l’emploi a été fortement touché ces quinze dernières années par la montée en puissance de l’Asie. L’histoire montrera que l’évolution de l’emploi technologique asiatique n’aura pas eu d’équivalent depuis la révolution industrielle en Occident. J’ai visité récemment deux multinationales, très impliquées dans les logiciels pour téléphonie mobile, toute deux avec l'objectif de réduire leurs effectifs en Europe – plans sociaux à l’appui – et de continuer des vagues de recrutement en Corée du Sud.
Frileux, les salariés ne bougent plus. Alors qu’historiquement, l’informatique offre des opportunités inégalées, les cadres et ingénieurs du secteur sont refroidis par le climat actuel. Ils s’accrochent à leurs postes, préférant les opportunités internes, qu’ils perçoivent comme moins risquées et mieux maîtrisées, et offrant plus de visibilité sur l’évolution des carrières. Cette paralysie des deux côtés du marché de l’emploi provoque une sorte de sclérose.
Et pendant ce temps, la technologie façonne notre quotidien. Peu de secteurs économiques connaissent un renouvellement si frénétique de leurs offres. La technologie nous change la vie. Les systèmes et logiciels, les télécoms, la micro-électronique entraînent la révolution du web 2.0, du cloud et de la mobilité. La marche du XXIe siècle est en route et pour l’accompagner, il faut du monde. Pour autant, les étudiants boudent les filières numériques. A la différence de leurs aînés, ils préfèrent s’orienter vers des filières techniques (biotechnologies, pharmacie…) perçues comme plus stables.
SSII et DSI deviennent schizophréniques. Les deux, qui se plaignent d’une absence de compétences, sont confrontées quotidiennement à la désaffection des jeunes diplômés pour la technologie, d'une part, et à un immobilisme des salariés et une obligation de produire plus de nouveautés, plus vite et moins cher avec la tentation de l’offshore, d'autre part.
L’Europe unie pour valoriser ses ingénieurs. Sans aller jusqu’à interdire les délocalisations, comme certains l’avancent, des professionnels du recrutement, dont je fais partie, proposent d’instaurer une « zone franche » pour les emplois technologiques en Europe. Partant du principe que les seules ressources naturelles qui restent à l’Europe sont ses chercheurs, ses ingénieurs et ses entreprises, il s’agirait de libérer la croissance en levant les charges sociales et fiscales pèsent sur ces emplois. Les énormes investissements publics – dans l’éducation et la recherche – et les investissements privés consentis ne doivent pas servir à créer des emplois en Asie.
La fiscalité serait une arme concurrentielle. En jouant la carte de l’innovation et de l’attractivité fiscale, l’Irlande comme d’autre pays en Europe, bénéficient de facto de cette arme concurrentielle. Mais si cette arme est utilisée pour jouer un Etat membre contre un autre, nous perdons de vue l’objectif final : la sauvegarde et l’évolution des emplois technologiques sur notre continent vieillissant. En harmonisant nos législations, nous pouvons, en revanche, gagner la guerre de la compétitivité face aux pays émergents.
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