Affaire Megaupload : pourquoi, comment, quels droits pour les utilisateurs ?

Le 19 janvier, le service de stockage Megaupload a été rayé de l'Internet par les autorités américaines. Et ce, sans se soucier des utilisateurs et des juridictions nationales.

Le 5 janvier 2012, à la demande du procureur fédéral, le grand jury d’Alexandria (Virginie) s’est prononcé sur une enquête du FBI en émettant un acte d’accusation visant deux entreprises (Megaupload Limited et Vestor Limited) et sept hommes clés de la « conspiration Mega ». Deux semaines plus tard, le 19 janvier, le département de la Justice des Etats-Unis annonçait leur arrestation et la fermeture de Megaupload. Les charges présentées dans l’acte d’accusation sont les suivantes : acte de racket, blanchiment d’argent et atteinte à la propriété intellectuelle (copyright). Le département de la Justice américain lance alors 20 mandats de recherche dans neuf pays, demande la saisie de 50 millions de dollars, de 18 noms de domaines et des serveurs loués par Megaupload.
Pourquoi la société Megaupload serait-elle sujette aux lois américaines ?
En effet, Internet est, pour le moment, sans législation internationale et la société était sous la juridiction des autorités hongkongaises. D’ailleurs, elle se refusait de diffuser du contenu sur ce territoire. Dans un e-mail, Finn Batato, directeur marketing, explique à un autre employé, « nous ne pouvons pas diffuser de contenu, car la société est basée à Hong Kong et nous ne voulons pas rencontrer de problèmes avec les ayants droit. »

Reste que ses précautions n’ont pas suffi en vue de la procédure juridique. Car si Megaupload n’est pas expressément sous juridiction américaine, ses clients le sont. De fait, la juridiction sous laquelle est réalisé l’acte d’achat est à même d’intervenir si elle prouve que le service vise intentionnellement ses habitants. Comme lors de l'affaire de la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (Licra) contre Yahoo, dans laquelle la justice américaine avait conclu que la justice française était bien à même de faire appliquer sa loi. Et ce, en dépit du Premier amendement des Etats-Unis, derrière lequel Yahoo s'était réfugié. L’entreprise devait donc respecter la législation locale lorsqu’elle faisait du commerce à l’étranger.
C’est ce point qui a permis au département de la Justice américain d’intervenir. Il est développé dans l’acte d’accusation que Megaupload avait loué plus de 1 000 serveurs en Amérique du Nord, qu'il utilisait le service de paiement américain Paypal, qu'il travaillait avec des sociétés publicitaires américaines (AdBrite et Google AdSenses, jusqu'en 2007) et enfin, qu'il avait envoyé des versements à des uploaders résidant aux Etats-Unis. Selon la justice américaine, Megaupload faisait donc intentionnellement des affaires sur le territoire national. L’entreprise devait, en conséquence, se conformer aux lois américaines sur le copyright. Et notamment au Digital Millenium Copyright Act (DMCA), qui permet à la justice de frapper un service détournant une technologie en vue de pirater des contenus assujettis au droit d’auteur.

Suite à la fermeture de Megaupload, de nombreux sites de téléchargement et de partage de fichiers ont pris des mesures draconiennes. Désactivation de leur service de partage, suppression massive de fichiers hébergés. Certains ont même bannis les IP américaines.
Et pour les utilisateurs résidant dans d'autres pays ?
Bien que les serveurs loués par Megaupload aux Etats-Unis, aux Pays-Bas et au Canada aient été saisis, on peut penser que la société possédait sûrement des serveurs dans d'autres pays.

Mais comme les noms de domaines de Megaupload sont en .com, ils ont pu être saisis par les autorités américaines via Verisign (société américaine gérant le .com). Ainsi, le site Megaupload est devenu inaccessible pour tous les internautes, alors que seule la justice américaine a lancé une action judiciaire. « Les autorités américaines ont clairement la mainmise sur toutes les extensions numériques qui sont gérées par des prestataires américains ou situés aux Etats-Unis. On est en plein cœur de la problématique sur le droit applicable lorsqu'on parle de nom de domaine, il y a un vrai conflit de juridiction », déclarait à l'AFP Loic Damilaville, directeur général adjoint de l'Association française pour le nommage internet en coopération (Afnic, qui gère le .fr). De fait, dans cette affaire, les Etats-Unis imposent mondialement leur loi aux utilisateurs.
Quant aux fichiers légaux, l'Etat américain s'engagera-t-il pour que les utilisateurs puissent récupérer leurs données ?

Rien n'est moins sûr. Dans un e-mail adressé au site digitaltrends, un porte-parole du département de la Justice américain précise, « en réalité, Megaupload.com a expressément informé ses utilisateurs via sa foire aux questions (FAQ) et ses conditions d'utilisation. Il y était précisé que les utilisateurs n'avaient aucun droit de propriété sur les fichiers stockés sur les serveurs de Megaupload, ils devaient donc assumer le risque de perte ou indisponibilité de leurs données, et le fait que Megaupload puisse mettre un terme aux activités du site, et ce, sans préavis. » De plus, la justice américaine a gelé les comptes bancaires de Megaupload, l’entreprise ne peut donc pas payer les coûts de location de ses serveurs. Les hébergeurs ont donc obtenu le droit, à partir du jeudi 2 mars, de supprimer les données de Megaupload sur leurs serveurs afin de les louer à d’autres clients.
Heureusement, selon Cnet, les données seront conservées pour deux semaines au minimum suite à un accord entre les hébergeurs et l’avocat de la défense, Ira Rothken. Selon lui, les fichiers de 50 millions d’utilisateurs seraient concernés. Reste que Carpathia Hosting (un des hébergeurs) et l’Electronic Frontier Fondation (EFF) ont lancé un site afin d’aider les utilisateurs américains à récupérer leurs fichiers licites. L’EFF pourrait éventuellement les représenter dans des procédures légales. Du côté des utilisateurs étrangers, un appel à une plainte commune contre les autorités américaines a été lancé à l'initative du Parti pirate catalan.
Votre opinion