Alain Bravo (Supélec) : “ il faut réformer notre approche de l'économie numérique ”
Directeur général de Supélec, Alain Bravo est le nouveau président de Pasc@line. Il s'est donné pour mission de renforcer les actions de cette association dans le domaine de la culture numérique.Il y a quatre mois, vous avez été élu à la présidence de Pasc@line. Quels sont les objectifs que vous vous êtes fixés ?Alain Bravo : Pasc@line est une association créée à l'initiative de Syntec numérique et des écoles d'ingénieurs afin d'échanger autour de l'impact du numérique dans l'économie et la société. Elle a pour vocation d'être un lieu de communication sur la formation et les métiers. Sa constitution pluridisciplinaire permet d'aborder l'économie numérique de façon systémique, c'est-à-dire de mener un travail interdisciplinaire. Je souhaite, au cours de mon mandat, accentuer cette action.Pourquoi mettre en œuvre une approche systémique ?AB : Au XXe siècle, on a eu tendance à séparer les disciplines, avec, d'un côté, la formation dispensée dans des écoles, la recherche menée dans des laboratoires de R&D, et, de l'autre, l'innovation faite dans les entreprises. On séparait également souvent les activités dans le temps. Ainsi, la première étape consistait à faire de la recherche, la seconde à industrialiser le produit, et la troisième à le commercialiser. Au point d'en oublier l'utilisateur final. Conscient, depuis quelque temps, que cette approche cloisonnée est une erreur, on tente d'impulser une démarche plus globalisante liant la recherche, la formation et l'industrialisation. On revient ainsi à une démarche déjà pratiquée au XIXe siècle où l'intégration entre les acteurs, les disciplines et les différentes étapes était plus grande. Prenons l'exemple de Supélec dont la création a accompagné l'émergence de l'électricité dans l'industrie, dans les laboratoires et dans la formation (LCIE).Quel rôle joue la formation dans le développement de l'économie numérique ?AB : Un rôle essentiel. Les jeunes comme les moins jeunes doivent s'approprier ces technologies. Cela passe par la formation continue ou initiale. L'enseignement des sciences du numérique (ISN) proposé à la rentrée pour les terminales S est une excellente initiative. Ces cours s'appuieront sur trois grands axes : les systèmes embarqués, la transmission de l'information, et la gestion des entreprises et des fonctions opérationnelles au travers du système d'information. Cette formation préparera les lycéens à la culture numérique et déclenchera d'éventuelles vocations.Quid de la position de la France en matière d'innovation numérique ?AB : Grâce aux importants programmes de R&D menés dans le cadre du grand emprunt, par exemple, nous avons une capacité étendue à faire de la recherche. En revanche, nous sommes moins performants en matière d'innovation dans les petites structures. C'est regrettable, surtout dans le cadre de l'économie numérique qui se prête particulièrement bien à l'innovation pouvant se décliner à de nombreux niveaux : modèles économiques, technologies ou économiques, ou services. La France souffre de la difficulté à libérer notre créativité. C'est sans doute culturel, et c'est là que nous avons un vrai travail à mener, notamment dans le cadre de l'association Pasc@line, un lieu où les sociétés et les établissements d'enseignement supérieur peuvent communiquer et échanger.Pensez-vous que les pouvoirs publics ont pris conscience de l'importance du levier numérique dans l'économie globale ?AB : Oui, même si c'est encore balbutiant. La création du Conseil national du numérique a constitué une excellente initiative, et aujourd'hui, avec le projet de l'ouvrir à des personnes de la société civile et de l'enseignement supérieur, cette structure est encore plus pertinente. Cela s'inscrit parfaitement dans ce que j'évoquais au début de l'entretien : une approche systémique.
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