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Le dialogue social est amorcé chez Altran. Une DRH groupe a été créée et cinq syndicats sont représentés. Le turnover reste cependant élevé, et de nombreuses affaires sont aux prud'hommes.
' On a été nommés pour virer des coquilles comme toi ! ' C'est le procédé d'intimidation dont a été victime, l'an dernier, Marc, délégué syndical, de la part de son nouveau supérieur
hiérarchique. Arrivé aux commandes d'un groupe déstabilisé par un scandale financier lié à la falsification des comptes de 2001 et 2002, Christophe Aulnette n'aura pas eu le temps de changer les pratiques managériales d'Altran.
' On a donné un nouveau souffle au dialogue social depuis un an ', affirmait pourtant en juin dernier l'ex-PDG de Microsoft France. Mais ce n'est pas lui qui conduira les prochains changements. Il vient
de démissionner de son poste de président du directoire (voir p. 26).
De nouveaux syndicats pas toujours bien vus
Hervé Hannebicque, nouveau DRH du groupe, souligne les avancées. ' Il a d'abord fallu créer la fonction RH. J'ai notamment embauché un directeur du développement et des relations sociales, avec une vraie volonté
d'apaisement '. Mais il reconnaît que l'évolution du groupe prendra du temps. ' C'est un défi culturel. La parole doit passer dans un groupe décentralisé où la confiance est fragile. On ne veut pas non
plus braquer les dirigeants des 150 filiales. ' Dans ce nouveau contexte, le dialogue social est amorcé. Un accord a été signé créant des mandats de délégués syndicaux de groupe. Cinq organisations sont représentées :
CFTC, CFE-CGC, CFDT, CGT et FO. Et les syndicats se multiplient dans les filiales. Seulement voilà, certains managers l'acceptent mal. D'une part, le syndicalisme en SSII est un phénomène récent. Le taux d'adhésion n'y est que de 0,5 % selon le
Munci, contre 8 % pour l'ensemble des cadres du privé. D'autre part, les représentants CGT et FO, organisations inexistantes du temps des ex-dirigeants d'Altran, sont perçus comme des empêcheurs de tourner en rond. Quand Marc a été élu délégué
syndical CGT, son manager l'a interpellé : ' Pourquoi tu nous as fait ça ? Nous sommes des cadres ! ' Ce même manager le harcelait au téléphone lui demandant la date de sa démission.
' J'ai dû lui faire croire que j'étais sur écoute pour me préserver. '
La chasse aux baronnies au sein des filiales
Choquant mais pas vraiment surprenant dans un groupe où des baronnies s'étaient installées depuis des années à la tête des filiales. Certaines n'avaient pas de comité d'entreprise (CE) ce qui reste vrai pour quelques-unes. Des
témoignages rapportent qu'il est difficile de rester délégué syndical. ' L'un de mes collègues, délégué du personnel, a préféré quitter la société, tellement la pression était forte. Il a même demandé au CE de ne pas s'y
opposer ', dévoile Thomas, ingénieur consultant et délégué CGT chez Réalix Technologies (filiale d'Altran) depuis mars dernier. D'autres sont tout simplement mis à l'écart lorsqu'ils sont élus. ' Je
suis en inter-contrat depuis que je suis déléguée syndicale CGT ', témoigne Aline, consultante. Les salariés ont l'impression de travailler pour un ' marchand de viande '.
' J'ai déjà eu trois sanctions et une mise à pied disciplinaire pour avoir posé trop de questions sur une proposition de mission ', raconte Franck. Les consultants passent d'une mission à une autre,
d'une région à une autre, d'un pays à l'autre sans avoir leur mot à dire. Puisqu'ils ont signé la fameuse clause de mobilité. Certains managers abusent de la situation, ne donnant aucune indication sur la durée de la mission, ne remboursant pas les
frais de déplacement ou ne proposant que des missions lointaines. ' Ce qui peut pousser les consultants à refuser et, donc, à la faute grave. Il y a beaucoup d'abus réalisés dans l'unique but de tenir des objectifs
financiers ', souligne Franck. Hervé Hannebicque admet qu'il faut casser les baronnies, et souligne que son équipe mène de front les questions de recrutement, de départs, de turnover et de mobilité interne.' Le recrutement a démarré l'an dernier et un réseau de DRH par pays va se mettre en place. L'idée est d'avoir un correspondant RH pour une fourchette de 200 à 500 consultants au deuxième semestre
2007 '. Ces correspondants viennent épauler les dirigeants, dont l'activité est passée en revue deux fois par an, d'un point de vue économique et humain. ' Et s'il le faut, un médiateur sera nommé en
2007 ', annonce le DRH groupe. Actuellement, c'est le responsable des relations sociales qui joue ce rôle. Malgré des pratiques de management encore douteuses, la situation s'est améliorée depuis un an et demi. Maxime Blanc,
consultant et délégué du personnel CGT de l'agence Altior à Lyon, note que le dialogue s'est renforcé entre les consultants et des responsables des filiales depuis l'arrivée de la nouvelle direction.
Les intercontrats génèrent des litiges
Reste, malgré tout, la question épineuse des affaires saisies par les prud'hommes. La direction admet qu'il y a encore trop de litiges et de licenciements en dépit du bon sens, mais se refuse à donner des chiffres. Les intercontrats
seraient, selon elle, la principale cause des litiges. Le DRH préfère dire qu'il est ' plus dans la pédagogie que dans le comptage '. En attendant, le turnover, bien qu'en baisse de 10 points, reste
très élevé : il approche les 30 % dans les filiales. Et les affaires en justice continuent.La direction rétorque que ' ce n'est pas facile avec 14 500 consultants et plus d'une centaine de managers '. Il s'agit d'insuffler une vraie politique d'entreprise.
' Il y a des réunions mensuelles des délégués syndicaux. Avant tout le monde parlait en même temps, aujourd'hui nous avons un projet de groupe et nous créerons un comité de groupe au second semestre
2006 ', ajoute Hervé Hannebicque. Pour sa part, Christophe Aulnette admet ?" avant son départ le 24 septembre dernier ?" que ' tout n'est certainement pas parfait. Avec 47 sociétés en
France, autant de CE et de délégations uniques, ce n'est pas toujours simple de faire avancer l'ensemble des entités à la même vitesse. Ma détermination est néanmoins totale de faire d'Altran un employeur de référence '.Pas simple, et ce n'est que l'un des nombreux chantiers de la SSII. Les autres visent à faire augmenter le chiffre d'affaires, réorganiser le groupe, réduire les frais de holding, éviter la concurrence interne, mettre en place un
actionnariat salarié... Ces différents thèmes se télescopent parfois de manière inattendue. Par exemple, quand une ancienne salariée du groupe, licenciée mais toujours actionnaire, demande en juin dernier à l'assemblée générale des explications
sur la situation des licenciements abusifs du groupe. La direction botte en touche : ' Une AG n'est pas le lieu de débat social ! 'c.burger@01informatique.presse.fr