“ Capitaliser sur notre taille sans limiter l'esprit d'entreprise ”
Hervé Thoumyre, DSI de Carrefour, a engagé un programme majeur de transformation, tout en poursuivant l'effort d'optimisation sur les coûts. Il explique sa vision de l'architecture et de la gouvernance du système d'information.Quelle est l'origine du projet de transformation que vous menez actuellement ?Hervé Thoumyre : Depuis plusieurs années, le client et la marque sont au cœur de la stratégie de Carrefour. Désormais, nous capitalisons sur notre enseigne, quel que soit le format ou le canal considéré. Ce changement majeur s'est répercuté sur le système d'information, devenu beaucoup plus transverse.Comment avez-vous adapté la gouvernance informatique ?HT : Afin de capitaliser sur notre taille, mais sans limiter l'esprit d'entreprise, nous sommes passés d'une gouvernance décentralisée à une autre, beaucoup plus intégrée, selon un modèle matriciel. Nous cherchons à nous appuyer sur les expériences locales tout en déployant des solutions industrielles au niveau international, ce qui implique un niveau d'excellence opérationnelle accru, notamment de la part des centres de services en charge de ces solutions.De quelle manière se traduit cette évolution en matière d'architecture ?HT : Nous sommes passés d'un paysage très fragmenté à une architecture beaucoup plus harmonisée et modulaire. Ce qui ne veut pas dire unifiée. Le principe de modularité apporte le niveau d'agilité suffisant pour répondre à l'enjeu de time to market (temps de mise sur le marché) de la grande distribution. Mais être agile suppose une démarche industrielle. Si on n'a pas une vision sur la manière de construire son système avec des composants suffisamment bien pensés et réutilisables, la maintenance de ces solutions devient difficile et coûteuse. Finalement, plutôt que chaque pays lance son propre projet avec sa propre solution, et que soit ainsi dépensée autant de fois la même somme d'argent, nous définissons ensemble un core model, puis nous le déployons.Comment ajustez-vous ce core model à vos implantations ?HT : Nous l'adaptons aux enjeux stratégiques de chaque région. Dans un pays en forte croissance comme la Chine, la priorité est d'ouvrir des magasins et donc de disposer d'une architecture informatique la plus simple et extensible possible. A contrario, en France, le marché est saturé et la croissance économique reste faible. L'enjeu consiste à savoir comment prendre des parts de marché. Il nous faut donc développer des modèles beaucoup plus sophistiqués, se différencier et réaliser des économies d'échelle pour retrouver des sources de marges.Comment sélectionnez-vous les projets applicatifs ?HT : Nous regardons d'abord les solutions qui correspondent à nos besoins de base. Ensuite, nous examinons celles qui permettent de créer un avantage concurrentiel, qu'elles concernent notre cœur d'activité ou non. En réalité, nous pilotons un flux permanent d'investissements et de dépenses. Chaque mois, entre cinq et dix projets sont examinés et arbitrés par une instance regroupant plusieurs membres de notre comité exécutif et de la direction métier concernée. Pour un groupe de notre taille, le niveau de maille est assez serré, puisque nous considérons toutes les dépenses intégrées de plus de 500 000 euros ou devant générer un cash out (investissement plus dépenses récurrentes) supérieurs à 2 millions d'euros sur cinq ans.Ce comité gère-t-il aussi les projets d'infrastructures ?HT : En fait, la gouvernance est liée à la nature des projets. Autant il faut un certain “ toucher de balle ” pour les applications, autant on ne se pose pas de questions sur l'infrastructure, qui doit faire preuve de robustesse et d'un certain niveau de standardisation.
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