“ La DSI doit gagner la confiance des personnels de santé ”
Philippe Mayer, DSI du centre hospitalier de Nice, a entamé dès 2002 l'harmonisation de son système d'information en le dotant d'un socle commun à tous les services, centré sur le dossier patient. Prochaine étape : l'ouvrir vers l'extérieur.Comment a démarré l'urbanisation de votre système d'information médical ?Philippe Mayer : En 2002, sous l'impulsion d'une nouvelle direction générale, nous avons réalisé que le métier historique de la DSI, développeur d'applications, devait évoluer vers celui d'architecte du système d'information (SI). Nous avons commencé par mettre en œuvre deux infrastructures : réseau (en devenant propriétaire des fibres entre établissements) et système, fondé sur la virtualisation. Puis nous avons déployé en six mois une première brique logicielle de gestion administrative, Clinicom, sur laquelle se sont ensuite greffés d'autres outils : RH et paie, gestion des rendez-vous, dictée numérique, système de gestion des laboratoires, imagerie médicale, etc.Quel a été le prix à payer pour imposer cette uniformisation ?PM : Il a fallu décloisonner la DSI et faire accepter aux collaborateurs un fonctionnement en mode projet. Ceux en charge du développement ont dû comprendre, face aux nouvelles orientations, que nous avions besoin de chefs de projet. Depuis 2002, nous avons réduit nos effectifs de 20 % et réorganisé nos équipes en trois secteurs (technique, intégration, et assistance utilisateurs). Parallèlement, notre priorité n'était plus de contrôler le code de nos briques, mais de maîtriser leur contenu fonctionnel, leurs interfaces, ainsi que l'infrastructure sur laquelle elles reposent.Pourquoi un tel projet est-il si complexe à déployer ?PM : Le système d'information est considéré par les professionnels de santé comme un facteur de problèmes plutôt que comme un élément structurant. A l'image de la tarification à l'acte (T2A) qu'il incarne, et qui est perçue comme une contrainte administrative. A leur décharge, les trop nombreux échecs à répétition des projets informatiques dans le monde médical ont suscité beaucoup de méfiance. Au final, les praticiens ont donc développé leur informatique dans leur coin. Et ce, sans aucune vision stratégique. Ce n'est que récemment, avec l'évolution de la réglementation, que l'hôpital a pris conscience de l'importance du SI. Mais la mise en marche globale reste compliquée.Est-ce un problème d'organisation ?PM : A la différence d'une entreprise regroupant des entités homogènes, l'hôpital est une somme de petites structures individuelles. Leur coordination est très complexe. En particulier, il n'est pas aisé de faire comprendre au corps médical que le partage de l'information sur un même patient est une nécessité. Et que les spécificités de chaque service n'impliquent pas forcément l'usage d'outils isolés. Dans ce contexte, le déploiement de plates-formes transversales, censées donner un cadre commun à tous, est culturellement délicat.Tous les domaines de votre système d'information s'appuient-ils sur votre plate-forme ?PM : Notre décisionnel repose sur SAS. Nous avons tenu à le rendre indépendant pour avoir la main sur la construction et les règles de gestion des indicateurs restitués dans les tableaux de bord. Nous pouvons ainsi réagir rapidement aux demandes des différents pôles de l'hôpital. Nous n'aurions pas cette transparence et cette souplesse avec les modules décisionnels de notre plate-forme.Quelle est la prochaine étape après l'harmonisation de ce système ?PM : Son ouverture à l'extérieur. Qu'elle se traduise par une intégration au tout récent dossier médical personnel ou par un positionnement sur le décret d'hébergeur de données de santé à caractère personnel. Nous venons par ailleurs de déployer en quelques semaines le système d'information hospitalier d'un groupement de coordination sanitaire. Ce qui n'aurait jamais pu être fait dans ce délai si nous n'avions pas uniformisé notre propre système d'information.
Votre opinion