“ Le DSI doit tenir compte des enjeux juridiques de sa mission ”
Anne-Sophie Poggi est associée au sein du cabinet d'avocats Derriennic Associés. Ce dernier s'est récemment rapproché de la section DSI du Club Agora Fonctions, qui compte 1 200 membres dont 80 pour la fonction DSI.Selon vous, les DSI sont-ils suffisamment conscients des problématiques juridiques liées à leur fonction ?Anne-Sophie Poggi : Si, aujourd'hui, nous nous rapprochons du Club Agora DSI, c'est justement pour pallier une certaine méconnaissance des aspects juridiques liés à l'utilisation des nouvelles technologies en entreprise. En rejoignant cette organisation, notre objectif est de créer une plus grande proximité entre le monde de la technique et celui du droit, c'est-à-dire entre le DSI et le juriste.Quelles actions menez-vous au sein du Club pour sensibiliser les DSI ?A.-S. P : Chaque mois, nous organisons un atelier de formation. Cet événement est centré sur l'aspect juridique de problématiques évoquées par les DSI, soit dans le cadre du forum sur le site internet, soit au cours des dîners du Club Agora DSI. Les dernières soirées ont porté sur le cloud, sur internet et la mobilité, ainsi que sur l'intégration d'un ERP. Nous avons donc été amenés à traiter de l'ingénierie contractuelle au travers d'un contrat Saas (Software as a Service), de cloud ou d'intégration. Nous abordons des sujets tels que la mise en place d'un centre de services partagés.Vous évoquez l'aspect juridique des contrats. Avez-vous un exemple concret d'une relation qui s'est mal passée avec un prestataire ?A.-S. P : Aujourd'hui, les directions générales attendent des DSI des mises en production rapides. Pour cela, ils peuvent s'appuyer sur des techniques d'implémentation telles que les méthodes agiles. Toutefois, choisir ce type de démarche oblige le DSI à bien comprendre leur fonctionnement, de façon à ce qu'il n'y ait pas de décalage entre les attentes du client et le résultat. Dernièrement, nous avons assisté une entreprise lors d'un contentieux sur cette méthode. D'un côté, la société exigeait la livraison de spécifications fonctionnelles détaillées de son site internet ; de l'autre, le prestataire effectuait des livraisons successives de versions du site au travers d'un processus itératif d'enrichissement fonctionnel. La rédaction d'un contrat décrivant la méthode et les livrables associés à cette méthodologie au travers d'un RACI (matrice de responsabilité) aurait évité un malentendu.Quels sont les autres points sur lesquels les DSI doivent être vigilants ?A.-S. P : Leur principal enjeu est de garder la maîtrise du système d'information de l'entreprise. Un challenge au regard de la croissance du Saas, du cloud, et de la mobilité (portables, tablettes, iPhone, Blackberry), grâce auxquels les utilisateurs ont tendance à court-circuiter le DSI. Il leur est donc impératif de considérer cette évolution et de l'accompagner en transformant, par exemple, la charte informatique en charte internet. Ils peuvent ainsi aménager le cadre conventionnel et s'y référer en cas de litige.Les DSI sont-ils plus exposés aux litiges que par le passé ?A.-S. P : Pas nécessairement. Mais ils ont à gérer des situations de plus en plus complexes, tant en interne que vis-à-vis de leurs fournisseurs. Ils ne peuvent plus se contenter de se focaliser sur l'aspect technique. Ils doivent tenir compte de l'aspect juridique d'un contrat, de la dimension achats et de celle des ressources humaines. Sur ces aspects, les PME souffrent d'un manque de compétences ou de ressources internes. Il faut donc que leurs responsables informatiques acquièrent une certaine connaissance en la matière par le biais de rencontres avec des pairs ou des experts. Et se fassent assister par des juristes pour bâtir des contrats qui préviendront les litiges.
Votre opinion