“ Les datacenters se construiront là où l'énergie est la plus verte ”
Larry Vertal, directeur exécutif du Green Grid, cherche à définir et diffuser les bonnes pratiques écologiques dans l'informatique. Auparavant, il était le directeur de la stratégie chez AMD.Pour quelle raison proposez-vous deux nouveaux indicateurs écologiques pour les centres de données ?Larry Vertal : Nous avions déjà élaboré le PUE (Power Usage Effectiveness), qui mesure l'efficacité énergétique d'un centre de données (ou datacenter). Soit le rapport entre l'énergie totale consommée par un centre et celle absorbée par les seuls équipements informatiques. Cet indicateur est déjà largement employé, mais il n'est pas suffisant pour évaluer la durabilité globale du datacenter. Nous avons donc mis au point deux nouveaux indicateurs : le CUE (Carbon Usage Effectiveness) et le WUE (Water Usage Effectiveness). L'un mesure l'efficacité au niveau des émissions de CO2, l'autre s'intéresse à la consommation d'eau.Sur quels critères avez-vous défini ces deux indicateurs supplémentaires ?LV : Le CUE est le rapport entre la quantité de CO2 générée par la consommation énergétique totale du centre de données et celle produite par les équipements informatiques. Contrairement au PUE, qui n'a pas d'unités, le CUE indique le nombre de kilogrammes de CO2 émis par kilowatt heure consommé. Par contre, en ce qui concerne le WUE, nous n'avons pas encore finalisé nos travaux normatifs, car la problématique est plus complexe. Pour l'eau, il faut tenir compte d'un degré de qualité : eau de rivière, traitée, recyclée, potable… En fonction de celle qui est utilisée, le coût n'est pas le même. Nous publierons nos documents relatifs à ce WUE d'ici à la fin du premier trimestre 2011.Comment calculez-vous le CUE ?LV : Le carbone émis par le datacenter est essentiellement créé, de manière indirecte, par le fournisseur d'électricité. Mais aussi, de façon directe, par les générateurs diesel, par exemple. Dans ce cas, il est possible d'installer des sondes de mesure, ce qui n'est pas très coûteux. Pour connaître les émissions indirectes, il faut aller chercher l'information. L'Etat de Californie, par exemple, fournit le mélange énergétique de chaque région : charbon, nucléaire, solaire, éolien, etc. La plupart des opérateurs électriques peuvent également délivrer ces données. Certains ne les diffusent pas. C'est regrettable, mais nous n'en sommes encore qu'au début d'un processus d'adoption.Quels sont les moyens d'améliorer cet indicateur ?LV : Pour un centre de données déjà existant, il n'est pas toujours simple d'améliorer le CUE. Une des possibilités est de négocier avec son fournisseur pour qu'il livre, audit à l'appui, une énergie plus verte. Ou de doter directement son installation de sources énergétiques renouvelables, tels les panneaux solaires. Mais le CUE servira surtout à améliorer le bilan carbone des futurs datacenters, en influençant sur le choix de l'implantation. A l'avenir, les hébergeurs devraient privilégier les endroits où l'énergie est la plus verte. A ce titre, certains pays seront particulièrement intéressants : l'Islande, grâce à sa température ambiante, sa géothermie et son énergie hydraulique, mais aussi la France, dotée d'un parc nucléaire conséquent. D'autres, au contraire, seront à bannir, comme la Silicon Valley, qui est une région semi-désertique.Pourquoi un hébergeur devrait-il s'intéresser à son efficacité carbone ?LV : Les Etats vont taxer de plus en plus l'émission de CO2, que ce soit sous la forme d'une contribution directe ou en créant une place de marché du carbone, qui ne serait finalement qu'un impôt déguisé, mais politiquement plus acceptable. Pour les hébergeurs, il est important de s'y préparer, car cela va se répercuter sur leurs coûts d'opération, donc sur leur rentabilité.
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