“ L'informatique hospitalière, un défi avant tout culturel ”
Eric Lepage, DSI du domaine patient de l'AP-HP (Assistance publique-Hôpitaux de Paris), revient sur le déploiement, entamé cet été, du nouveau système d'information clinique de l'établissement public, qui regroupe 38 hôpitaux.Qu'attendez-vous de votre nouveau système d'information hospitalier (SIH) ?Eric Lepage : Aujourd'hui, le SIH de l'AP-HP recouvre un nombre important d'applications cloisonnées au sein de l'hôpital, voire parfois au sein des services. Le nouveau SIH, en cours de déploiement, fournira un accès en tout point de l'AP-HP à une information unique, partagée, et ouverte sur l'extérieur ? en particulier sur le dossier médical personnel (DMP). Cette solution intégrée permettra d'optimiser les soins aux patients et, sur le plan technique, de réduire les coûts de maintenance en mutualisant l'architecture.Pourquoi les SIH sont-ils si difficiles à déployer ?EL : Cela tient essentiellement à la complexité des processus du monde hospitalier. Ces déploiements mettent dans la boucle des intervenants de cultures différentes : médecins, infirmières, aides-soignantes, kinésithérapeutes… Et certaines cultures ancestrales sont dures à faire évoluer. Lorsque les changements ne sont que technologiques, les difficultés sont moindres et les déploiements plus courts. Celui du système de numérisation de l'image, par exemple, a été mené sur l'ensemble de nos hôpitaux en moins de deux ans.Quelle est la nature du retard que vous avez pris ?EL : Il porte essentiellement sur la gestion des médicaments : les fonctions livrées par l'éditeur Agfa Healthcare ne sont pas en phase avec celles que nous attendions. Cette brique représente de loin l'activité la plus complexe d'un système d'information clinique. Elle devrait être prête en fin d'année, pour une mise en œuvre début 2012. Pour le reste, c'est-à-dire le dossier médical de l'hôpital, la gestion des rendez-vous, la demande et les résultats d'examens, ou encore l'accès à l'image, nous avons démarré son déploiement sur le site pilote de l'hôpital Ambroise-Paré.Quels aspects aviez-vous sous-estimés ?EL : Inévitablement, la conduite du changement et les évolutions organisationnelles imposées par le déploiement de tels systèmes. Parmi les facteurs clés de ces bouleversements figurent l'ergonomie logicielle et l'accès à l'application. C'est pourquoi nous travaillons, avec les équipes d'Ambroise-Paré et un ergonome, sur la nature, le nombre et l'agencement des postes à déployer. De même, un travail important a été réalisé en amont avec Agfa Health-care pour valider les modules relatifs à chaque processus médical et soignant.Des réflexions qui auront finalement pris beaucoup de temps…EL : Oui, la phase de conception, de réalisation et de déploiement sur un site pilote a nécessité plus de temps que prévu, mais elle est la clé d'une généralisation réussie. Voyez ce qui s'est passé avec notre système unifié de gestion des laboratoires : nous avons mis deux ans à le concevoir et un de plus à le déployer dans le premier hôpital. Mais il n'aura fallu qu'une année supplémentaire pour équiper plus de 30 laboratoires. La généralisation à tous les hôpitaux de l'AP-HP (100 laboratoires) se fera en trois ans.Quel impact la vague de mutualisation qui déferle sur l'AP-HP a sur le SI ?EL : Les chantiers informatiques d'urbanisation ont précédé le mouvement de regroupements d'hôpitaux. Et les premiers vont nécessairement soulager le second. Le fait que les hôpitaux s'appuient sur le même système de gestion facilite en effet leur rassemblement au sein d'un groupe hospitalier.
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