“ Renforcer la cohésion et faciliter les décisions grâce au jeu ”
Philippe Launay, coordinateur d'équipes agiles chez Agfa Healthcare, a en charge trois équipes Scrum de développement. Il opère aussi le rôle de coach agile pour certains projets de R&D.Dans le cadre de votre mission, vous faites jouer vos équipes. Est-ce vraiment utile ?Philippe Launay : Utiliser un jeu sérieux (ou serious game) aide à résoudre un certain nombre de problèmes (de la prise de conscience à la résolution) par une mise en situation. C'est un projet à part entière, géré en tant que tel. Il faut bien le choisir, le planifier, déterminer les participants en fonction des objectifs à atteindre et distribuer les rôles. A la fin, comme dans toute activité liée aux méthodes agiles, organiser une rétrospective est indispensable.Quels genres de jeux mettez-vous en place ?PL : Certains, comme Doggy Planning, conçus pour les estimations de planification, sont des jeux de cartes. D'autres, tel Kanban Game, se jouent avec des dés. J'ai également participé à une session en ligne de Buy a Feature, organisée par la Scrum Alliance. Chez Agfa Healthcare, j'en ai réalisé en interne pour instaurer un esprit d'équipe, instituer des responsabilités, mais aussi pour faire comprendre certaines techniques d'ingénieur. Avec les clients finals, c'est un peu plus difficile. J'ai choisi d'organiser un Buy a Feature comme s'il s'agissait d'une réunion de travail normale. J'étais en face d'une liste de fonctionnalités impossibles à délivrer dans le laps de temps imparti. Chacun des participants avait des points de valeur à attribuer à celles qui lui semblaient les plus importantes. Il s'agissait de créer une priorité absolue pour toutes ces fonctionnalités, et de synchroniser tout le monde ? le client comme l'équipe de production ? sur cette vision de la priorité. La réunion a permis de repousser certains développements à la release suivante.Où trouvez-vous ces idées ?PL : Il y a beaucoup d'informations sur le site d'Innovation Games. Son fondateur, Luke Hohmann, a modélisé les jeux en les comparant avec les études de marché : une étude de marché donne une vision froide du client ; le jeu crée une relation de confiance avec le client, qui permet à l'entreprise de développer un produit dans le cadre d'un partenariat et non d'un simple contrat. Le site TastyCupCakes regorge quant à lui de jeux déjà formatés. Ils sont en anglais et il faut souvent les réadapter en fonction du contexte.Comment réagit votre DRH ?PL : Au moment d'intégrer de nouvelles recrues, j'ai organisé un Leadership Game, qui se joue avec des Lego. En trois séances de trente minutes, on montre la différence entre la production d'une équipe dirigée par un chef qui prend les décisions, celle d'une équipe autoorganisée et celle d'une équipe dans laquelle le manager ne fait qu'aiguiller et n'est pas intrusif dans son mode opératoire. Photos à l'appui, il est ensuite bien plus facile de faire adhérer le groupe à la bonne méthode. Mais imaginez la réaction de la DRH quand elle a appris que l'équipe avait passé l'aprèsmidi du vendredi, après la fin du sprint, à jouer avec des Lego…Les serious games sont-ils bénéfiques chez Agfa Healthcare ?PL : Nous n'avons pas de mesure quantitative, si ce n'est notre turnover : moins de 5 % ! Par ailleurs, la direction générale France m'a demandé d'organiser fin avril, dans un de leurs comités, un Speed Boat Game : nous sommes dans le bateau Agfa et il faut trouver ce qui le ferait avancer plus vite. On peut ajouter quelques chevaux au moteur, alléger le bateau… Le but est de mettre tous les directeurs de toutes les différentes branches d'accord sur les priorités.
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