Apple, antithèse de l'entreprise 2.0 ?

Dans son ouvrage « Inside Apple », Adam Lashinsky livre quelques détails édifiants sur le fonctionnement interne d'Apple. La firme à la pomme n'est définitivement pas une entreprise comme les autres.
Apple est sans doute, pour beaucoup d’ingénieurs et de développeurs, en haut de la liste des entreprises où ils souhaiteraient travailler. L’entreprise, tout comme ses produits, fascinent. Pourtant l’ouvrage d’Adam Lashinsky Inside Apple lève le voile sur des pratiques managériales qui tranchent avec les modèles collaboratifs de l’entreprise 2.0. Et si vous pensez que le campus Apple de Cupertino est un endroit « cool », à l’image du voisin Google, vous faites erreur. L’organisation mise en place par Steve Jobs, diablement efficace, si l’on en croit Adam Lashinsky, se révèle particulièrement éprouvante tant pour ses salariés que pour ses vice-présidents.
Le culte du secret à outrance
Première constatation, toute l’organisation Apple est bâtie autour du secret. Dès qu’un nouveau projet est lancé, de nouvelles cloisons sont posées dans les bureaux, les codes des portes d’accès sont changés : l’équipe qui est dédiée à ce projet travaille dans un silo étanche. « Il n’y a aucune porte ouverte chez Apple », confie l’un des salariés. Le saint des saints est évidemment le laboratoire de design d’Apple, où officie Jonathan Ive, auquel très peu de salariés ont accès. Et si un employé livre la moindre information à l’extérieur, il est immédiatement licencié. « La peur est palpable ici, même entre partenaires, raconte Gina Bianchini, PDG de Mightybell.com, aucune entreprise n’entretient ce niveau de terreur. » Apple isole ses salariés en groupes de travail, et ceux-ci se concentrent uniquement sur le domaine qui leur est confié. Aucun d’eux n’a de vision sur la globalité du projet. Jo Rubinstein, ancien directeur hardware d’Apple, résume cruellement cette organisation : « Nous avons des cellules, comme une organisation terroriste, vous ne savez que ce que vous avez besoin de savoir. »
Une start up de 60 000 personnes ?

De retour aux commandes d’Apple en 1997, Steve Jobs a totalement revu l’organisation interne d’Apple, voulant briser la bureaucratie qui régnait dans l’entreprise, mettant fin aux nombreux comités établis pour définir les priorités stratégiques de l’entreprise. Les fiefs des différentes directions furent bannis, et c’est à partir de ce moment que les salariés ont été amenés à ne s’occuper que de leur spécialité sans se soucier des autres activités. Par exemple, les 16 départements d’Apple disposaient chacun d’un budget pub. Jobs y a mis fin, Apple n’avait plus qu’un seul budget communication à gérer. « Il n’y a aucune confusion sur les attributions de chacun. Les missions sont très détaillées », explique un salarié. Pour chaque tâche, une personne est nommée responsable, c’est le DRI (Directly Responsible Individual) qui prend personnellement la responsabilité de l’accomplissement de cette tâche.
L’effet direct de cette organisation est que les salariés d’Apple se consacrent corps et âme à l’accomplissement de leur travail, certains comparant cet attachement fébrile au fonctionnement d’une secte. Tout l’enjeu d’Apple est de faire travailler entre elles ces cellules ultraspécialisées et dont l’effectif ne peut dépasser une centaine de personnes. Sur ce volet collaboratif, élément clé dans le succès d’Apple, Adam Lashinsky ne livre malheureusement que peu de détails. « Chez Apple, les équipes travaillent constamment de concert. Steve vous aurait écharpé si ce n’avait pas été pas le cas », rappelle Rob Schoeben, ancien vice-président marketing. Apple a visiblement trouvé l’alchimie, puisque c’est notamment la parfaite intégration entre le hardware de ses produits et de leur logiciel qui a permis à Apple de distancer Microsoft et ses concurrents sur les smartphones comme sur les tablettes.
Un mode de fonctionnement structurellement limité
Tout le monde sait que Steve Jobs faisait preuve d’un perfectionnisme extrême. Il prenait lui-même tant les décisions stratégique que celles portant sur les moindres détails de ses produits. Un mode de fonctionnement redouté de ses vice-présidents, puisque d’un trait, il pouvait balayer d’un trait des mois de travail et, en prime, les humilier publiquement devant les autres responsables du groupe. Son perfectionnisme a pu donner naissance à des produits dont le succès mondial est exceptionnel, iPhone et iPad en tête. Ce fonctionnement basé sur la personnalité de « narcissique productif » présente l’inconvénient de limiter drastiquement le nombre de produits que peut effectivement lancer Apple chaque année. Un ancien cadre reconnaît : « Apple n’est pas organisé pour faire 20 produits géniaux par an, au mieux trois projets peuvent retenir toute l’attention des sphères dirigeantes. Il faut faire le tri. » Tim Cook, l’actuel PDG, osera-t-il assouplir l’organisation qui a fait le succès d’Apple ? C’est peu probable. Apple n’est manifestement pas près de devenir une entreprise comme les autres.
Votre opinion