L'une des grandes thèses de Karl Marx était de démontrer que le capitalisme avait les moyens de s'autodétruire par le simple jeu de son fonctionnement. Si l'Histoire a montré les limites de la théorie marxiste, l'évolution récente des
marchés financiers indique que cette capacité d'autodestruction existe en partie.
Le couperet est tombé
En effet, si certaines entreprises ont été incitées à " bricoler " leurs comptes, sans la moindre remontrance de la majorité des analystes financiers, c'est avant tout parce que les investisseurs
exigeaient une rentabilité mirobolante, et par là même irréaliste. Demander un taux de rentabilité de 15 % alors que le niveau de longue période de ce dernier n'est que d'environ 6 % relève de l'irresponsabilité. Pourtant, pour ne pas décevoir les
marchés, certaines entreprises ont tout fait pour arriver à un tel résultat, y compris se livrer à des malversations comptables voire des collusions avec certains auditeurs. " Malheureusement " pour eux, il est
illusoire de pouvoir mentir indéfiniment. Tôt ou tard, la vérité éclate et le couperet tombe. C'est ce que nous sommes en train de vivre aujourd'hui sur les marchés boursiers, en l'occurrence une crise de confiance. Autrement dit, la débâcle
actuelle des Bourses internationales n'est que le produit de leurs excès passés.Il persiste néanmoins un double problème. Premièrement, la tempête boursière actuelle (la plus grave depuis le choc pétrolier tant en durée qu'en ampleur) est excessive comparativement aux fondamentaux économiques. Elle est
auto-entretenue par une forte défiance et un mouvement spéculatif baissier de grande envergure. Cette chute dans le vide risque à moyen terme de détériorer la situation financière de certaines institutions, voire de générer des faillites de
courtiers. Ainsi, en voulant simplement suivre le mouvement et spéculer à la baisse sur les marchés actions, de nombreux investisseurs s'engagent, peut-être sans le savoir, dans leur propre suicide.Deuxièmement, malgré leurs déboires, les analystes et auditeurs ne tirent pas les leçons de leurs erreurs passées. Il y a un peu plus de deux ans, ils vantaient les mérites des entreprises de la nouvelle économie, en soulignant que plus
celles-ci affichaient de pertes, plus elles devaient être conseillées à l'achat. Aujourd'hui, ils réalisent l'excès inverse en voulant absolument noircir le tableau quelle que soit la réalité économique des entreprises. Est-il par exemple normal de
dégrader France Telecom au rang de " société au bord de la faillite " alors que l'État détient plus de 50 % de son capital ? De même, comment peut-on " sabrer " les cours
boursiers des entreprises informatiques américaines, alors que depuis novembre les commandes de ce secteur ont progressé de 20,4 % outre-Atlantique ? ! Ce n'est pas en suivant mécaniquement le consensus que les analystes et auditeurs retrouveront
leur crédibilité.Au total, le dénouement de l'actuelle crise boursière reste incertain, d'autant que les risques géopolitiques si coûteux pour les marchés demeurent élevés. Au-delà de la nécessité de résorber, au moins en partie, cette insécurité
internationale, la seule issue de secours du présent marasme tient en un mot : transparence. Il faut que les entreprises, les auditeurs, les analystes ou encore les dirigeants politiques cessent de maquiller la réalité en fonction de ce que veulent
entendre leurs interlocuteurs. Autrement dit, il faut retrouver la raison économique de manière, une fois encore, à éviter lautodestruction du système capitaliste.* Chef économiste de Natexis Banques Populaires
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