' Babel et Bezos, quel prodigieux paradoxe ! '
Sans doute avons-nous le goût du ' Ça ne marchera jamais... ', celui du péché originel. Comment expliquer, sans cela, que tant d'entre nous, en ce moment, jettent le bébé internet
avec l'eau de la croissance ? On lui en veut, à elle, d'être allée ailleurs. Un peu comme la chatte du boulanger de Pagnol. Nous reste à trouver le fautif. Il ne s'agit pas d'un beau berger, mais de l'espoir si intelligent que le web ouvrait
une nouvelle ère. Au fond, nous n'aimons pas les terres promises. Nous chérissons nos chaînes !Qui plus est, notre dépit amoureux nous aveugle. Bien que nous en soyons les premiers utilisateurs, nous refusons de voir quelques évidences pourtant extraordinaires : doublement des achats en ligne chaque année, e-mails plus
nombreux que les lettres, jeunes Américains plus consommateurs d'internet que de TV... En 2003, croissance des ventes en magasin induite par internet : 20 %. Panier moyen : plus 20 % !En d'autres termes, le public est là. Nous sommes ce public. Et pourtant, nous oublions que le web est le microprocesseur de l'ensemble de la chaîne de communication. Le seul qui soit à tout instant capable d'orienter les autres, de
les renseigner en temps réel, de gérer d'intelligentes bases de données interactives, et de remporter de fructueuses conquêtes napoléoniennes.Babel et Bezos. Pourquoi relier ces deux noms serait-il un paradoxe ? Réponse : parce que la tour de Babel symbolise la division des hommes, et Jeff Bezos (créateur d'Amazon) la mise en ligne de milliards de livres. Autant
dire de microcommunautés étrangères les unes aux autres. Et voilà ce média ' riquiqui ' capable de rendre accessible à chacun sa propre différence ? De la gérer ? D'en faire du profit ? A
la barbe des dieux barbares ? Eh oui ! Le paradoxe est d'autant plus fort qu'il s'agit de vrais livres, en vrai papier, à vendre sur linternet. Et per ipso, et cum ipso, et in ipso.Les rois du ' Print 'croyaient pouvoir se passer du web, alors que leur nouvelle croissance vient de lui ! Le réel naît du virtuel. Avec internet, le verbe se fait chair ! Les
nouveaux dieux seront web !
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