Banques : la filière finance en panne de compétences
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La reprise des embauches dans les banques ne profite guère aux informaticiens. Même si, dans le secteur finance de marché, SSII et éditeurs s'arrachent les meilleurs profils.
Les banques se portent très bien. Elles affichent des résultats impressionnants et rouvrent les vannes du recrutement. Soit 22 000 embauches prévues en 2006 en France, contre 21 000 en 2005 (+ 5 %), indiquait récemment
notre confrère Les Echos. Les investissements informatiques reprennent aussi du poil de la bête. Selon le cabinet d'études Forrester Research, les banques européennes s'apprêtent à dépenser quelque 50 milliards d'euros d'ici à
2010 pour renouveler leurs applications. Une aubaine dont les informaticiens ne profiteront guère.
Un recrutement tempéré par la maîtrise des coûts
Emmanuel Galopin, le responsable des ressources humaines de la fonction informatique de BNP Paribas, résume la situation : ' Dans notre secteur, les systèmes d'information sont vitaux. Pour autant, chaque
métier a une obsession : avancer au moindre coût. ' Ce qui se traduit par des embauches très ciblées et un savant dosage entre les emplois internes et le recours aux services
' near ' et ' offshore '. D'après Jean Thily, le directeur du cabinet de recrutement Alexandre Tic, les banques ont plutôt tendance à recourir à la
sous-traitance. Quitte à débaucher au bout de quelque temps les profils qui leur conviennent. BNP Paribas envisage néanmoins de recruter cette année 150 informaticiens, contre 115 en 2005 ?" notamment pour combler les futurs départs à la
retraite. ' Ceux-ci correspondent aux fortes arrivées dans les années 70, et ils s'échelonneront crescendo à partir de cette année. Nous anticipons ces départs depuis l'an 2000 ', reprend Emmanuel
Galopin.Mais aucune donnée statistique récente ne permet à ce jour de mesurer le nombre exact d'informaticiens du secteur. Ni de connaître celui des futurs départs ou le chiffre précis d'embauches. Autant de banques, autant de situations
particulières. Le service communication de Natexis Banques Populaires ne répond pas. La Société Générale refuse de s'exprimer sur le sujet. Au sein du groupe Crédit Agricole, selon la responsable du recrutement, Karine Fernet-Scherer, l'embauche
externe s'effectue de façon ponctuelle, avec une priorité accordée à la mobilité interne.
Des spécialistes détachés par les SSII
Le marché de la finance est, quant à lui, en pleine effervescence avec une forte ouverture à l'international. Alexandre Bonin, consultant dans le cabinet RCBF Consulting, spécialisé dans le recrutement d'informaticiens sur ce secteur,
constate une forte tension : ' Après quelques années d'apathie, les projets sont repartis. Les banques d'investissement, les salles de marché et les spécialistes de la gestion d'actifs achètent des progiciels financiers
qui exigent installation, paramétrage et développements spécifiques. Dans les départements études des DSI se développent aussi des programmes de A à Z, expose-t-il. Les besoins de compétences sont donc importants. Mais beaucoup
passent par les sociétés de services. ' Vladimir (pseudo choisi pour des raisons de discrétion), jeune diplômé, employé par un éditeur anglais, est détaché pour un an et demi auprès d'une banque d'investissement française. Il
acquiesce : ' Nous, consultants, sommes très nombreux à travailler sur les projets en cours, avec des managers qui, pour la plupart, sont des salariés de la banque. ' Pour sa part, Edouard Lombard,
sa formation en finances de marché à peine en poche, a déjà reçu six propositions de poste.Mais Alexandre Bonin tempère : les ingénieurs travaillant pour la finance de marché via les sociétés de services informatiques spécialisées avoisinent les 2 000. Et ils changent facilement d'entreprise. Il s'agit certes d'un
marché de niche, mais celui-ci est porteur. Ainsi, selon Clarisse Cerrone, gestionnaire RH sur les fonctions support, HSBC France compte recruter une quarantaine de personnes pour sa banque d'investissement. Lorsqu'elle passe une annonce, elle
reçoit de nombreux CV. Et ne constate donc pas vraiment de pénurie. Toutefois, admet-elle, ' les exigences des candidats sont parfois plus fortes au début des entretiens. Ce sont les possibilités de carrière au sein du groupe
qui font la différence '.
Le développeur côte à côte avec le trader
Ces entreprises recherchent essentiellement des ingénieurs avec une double compétence, en informatique et en finance. Voire triple, si l'on y ajoute les mathématiques. Aujourd'hui, les banques manifestent un fort engouement pour les
' matheux '. Fini les salles de marché bruyantes et agitées. Désormais, quasiment tous les traders sont des ingénieurs qui travaillent en silence derrière leur écran. Et cela, en collaboration ?"
parfois en binôme ?" avec des ingénieurs de développement capables de réaliser des applications dédiées pour les aider à gérer au mieux leurs positions. Clarisse Cerrone insiste aussi sur lanécessité d'une double compétence informatique et
finance de marché, tant pour les ingénieurs d'études que pour les chefs de projet ou les ' IT/quant ' (' quant ' pour
' quantitatif ', métier de la finance quantitative de marché). ' Les " quant " conçoivent des modèles, et les " IT/quant " sont
chargés de les développer dans les systèmes d'information. Tous sont appelés à travailler sur des projets variés, chaque équipe informatique étant dédiée à des utilisateurs spécifiques, front ou au back office, risques,
contrôle... Cette exigence de double compétence est identique chez les fournisseurs, sociétés de services ou éditeurs. A des degrés divers.Une trentaine d'heures de formation ont donc suffi à Edouard Lombard pour être en mesure de déchiffrer le langage de ses interlocuteurs financiers. Des écoles d'ingénieurs conçoivent de toutes pièces des formations de longue durée.
Ainsi l'Ecole centrale d'électronique (ECE) a-t-elle créé un mastère qui préparera ses étudiants à travailler sur les processus de la finance de marché. Et François Girodon, responsable du département SI et réseaux de l'école, de spécifier :
' Il existe une forte similitude entre le métier de la finance et celui de l'informatique. L'un et l'autre utilisent de nombreux processus et ont besoin de modèles. ' Ses jeunes diplômés n'ont aucune
difficulté à transformer leurs stages en contrats à durée indéterminée.
Un appétit certain pour Java et .Net
A propos des spécificités techniques, ces ingénieurs amenés à travailler pour les salles de marché ou dans la gestion des actifs doivent connaître les technologies objet, C++, Java, JEE, Visual Basic, C# ou .Net. Expertises le plus
souvent évoquées par les recruteurs. Et, pour Alexandre Bonin, le fait d'avoir conduit des projets de A à Z en .Net s'est révélé un véritable atout. Pascal Andries, le directeur du secteur finance dans la société de services informatiques Cadextan,
insiste sur l'aspect innovant du secteur : ' Dans la finance, le client léger s'impose ; il existe aussi de nombreux travaux sur le pilotage. ' Et le jeune ingénieur consultant Vladimir de
résumer : ' Je réalise actuellement des études sur les améliorations techniques à apporter sur une plate-forme pour tout ce qui concerne la valorisation et l'analyse de risque. Le travail ne manque pas, et je suis entouré
de personnes très compétentes et motivées ! 'Le domaine de la finance étant international, la pratique de l'anglais s'avère donc indispensable. De plus en plus. A la banque d'investissement de la Société Générale, la langue professionnelle est définitivement celle de
Shakespeare. Chez Team Trade, une société de conseil et de services, les 130 consultants naviguent entre Paris, Londres, Milan et Luxembourg. Didier Neyrat, le président-directeur général de Cadextan note une demande croissante de consultants
bilingues pour travailler sur des projets impliquant plusieurs places financières. Chez HSBC, Clarisse Cerrone rappelle que les informaticiens parisiens sont en contact permanent avec leurs homologues de Londres, New York et Hong Kong.
' D'autant que nombre de groupes projets fonctionnent en multisite, chaque pays ayant sa spécificité. Par exemple, le site parisien est la plate-forme technique de référence pour les produits dérivés ',
détaille-t-elle. Chez l'éditeur Murex, qui prévoit de recruter une centaine d'ingénieurs en France, dont 80 % de débutants, la directrice des ressources humaines, Niloufar Riahi, rappelle que 95 % du marché se réalise à l'étranger.
Développeurs et consultants sont donc amenés à s'exprimer en anglais.
Les profils classiques ont aussi leurs chances
Pour autant, au-delà de la vitrine de la haute finance qui, selon Hervé Lovat, consultant au sein du cabinet de recrutement Bernard Riquier Conseil, ' ne vise que les meilleurs candidats, le secteur de la banque
?" banques centrales et " corporate " ?" recrute en permanence des profils d'informaticiens plus classiques : architectes techniques, ingénieurs réseaux, chefs de projet,
développeurs... ' Ce qui est le cas, par exemple, dans la filiale française de la banque Fortis. Jean-Manuel Mercier, son directeur des systèmes d'information, insiste sur la capacité des chefs de projet à expliquer les
systèmes d'information à leurs utilisateurs. Lui aussi privilégie clairement leur connaissance du métier.af.mares@01informatique.presse.fr