' Biométrie : identification ou traçabilité ? '
' La biométrie est l'avenir de la sécurité nationale ! '. Ainsi parlait Bradford Wing, responsable de la biométrie au sein du Department of Homeland Security(1),
le 28 novembre 2006, en ouverture d'un débat ' biométrie et éthique ' à Washington. Voilà une théorie qui simplifie les discussions.En quatre ans, cet ingénieur et son administration ont recueilli 71 millions d'empreintes digitales. Ils promettent que ce chiffre quadruplera au cours de l'année 2007, ' afin que chaque terroriste s'interroge,
avant d'entrer sur le sol américain, sur les lieux dans le monde où il a pu laisser une trace de sa présence '. Dans le même temps, les défenseurs des libertés individuelles fustigent, aux Etats-Unis et en Europe,
l'utilisation croissante de la biométrie et la craignent, presque par principe.Faut-il pourtant plébisciter ou rejeter ces nouveaux moyens d'identification que sont les empreintes génétiques, digitales, oculaires, faciales, palmaires ou vocales ? Comme toujours, les réponses dépendent de l'usage plutôt que
de l'outil.Le législateur français a décidé, en 2004, de soumettre l'utilisation des données biométriques à une autorisation préalable de la Cnil(2). Depuis, cette autorisation est tantôt refusée, tantôt accordée aux
organismes privés qui la sollicitent. La Cnil distingue les empreintes biométriques ' sans traces ' et ' à traces '. Dans la première catégorie, on trouve
l'iris de l'?"il ou le contour de la main, dont les empreintes ne peuvent être prélevées ou ' lues ' qu'en la présence de la personne. La Cnil y est favorable puisque ces empreintes se bornent à
vérifier l'identité d'une personne présente.Dans la seconde catégorie, on trouve la reconnaissance faciale, vocale, l'empreinte digitale et l'empreinte génétique. Cette biométrie-là peut être utilisée comme un moyen de révélation de l'identité d'une personne absente ou distante
et, le cas échéant, de preuve. Elle laisse des traces et peut donc être employée à d'autres fins que la seule vérification d'identité.Le nouveau passeport biométrique et la future carte nationale d'identité électronique comporteront un identifiant biométrique. On s'en offusque par principe : un document d'identité doit garantir que son porteur est son titulaire
réel. Pour lutter contre la falsification, il paraît légitime d'intégrer dans le document d'identité un ' morceau ' de son titulaire, son empreinte biométrique.Toutefois, les nouveaux documents d'identité français ne se bornent plus à la seule vérification de l'identité de leurs titulaires. Cela aurait été insuffisant au regard de l'exigence internationale de sécurité. Ainsi, les empreintes
digitales recueillies pour l'attribution de la carte d'identité pourront être utilisées dans des enquêtes de police administrative ou judiciaire, lorsqu'il s'agira de ' faire parler ' des empreintes
récoltées ça et là.
(2) www.cnil.fr.*avocat. Ancien membre de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil), il est spécialiste en droit des nouvelles technologies au sein du cabinet d'avocats daffaires Gide Loyrette Nouel.
Moins de données d'état civil sur la carte d'identité
Dans le même temps, le ministère de l'Intérieur a restreint en 2006 les informations d'état civil inscrites sur la carte d'identité. Le code postal de la commune et le pays de naissance n'y apparaissent plus. Ce changement affectera les entreprises - banques, opérateurs de télécommunications, etc. - qui utilisaient, jusqu'à présent, ce type d'informations pour s'assurer, notamment, qu'elles ne se trompaient pas de débiteur lorsqu'elles consultaient un fichier d'incident de paiement.Comment expliquer alors qu'on intègre la biométrie dans les cartes d'identité pour renforcer leur fiabilité, tout en supprimant des données d'identification pourtant très utiles et auparavant utilisables par la société civile ? Voudrait-on restreindre l'état civil et favoriser la biométrie pour rendre cette dernière indispensable à l'identification des personnes tout en assurant à l'Etat leur traçabilité ? On ne saurait l'affirmer. Mais si tel était le cas, on ne s'y prendrait pas mieux.(1) Equivalent américain du ministère de l'Intérieur.(2) www.cnil.fr.*avocat. Ancien membre de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil), il est spécialiste en droit des nouvelles technologies au sein du cabinet d'avocats daffaires Gide Loyrette Nouel.
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